La croissance africaine, une affabulation ?

Avec son très faible niveau d’industrialisation, on peut penser que rien ne bouge sur le continent. Pourtant, dans dix ans, les régions de l’Est et de l’Ouest devraient devenir les plus dynamiques au monde. 

Dans le débat en cours sur la croissance, pour beaucoup de spécialistes, la forte croissance économique de l’Afrique ne serait qu’un leurre. Ils soutiennent que la majorité des pays africains sont, soit dans une situation stagnante, soit en recul lorsqu’il s’agit d’industrialisation. D’après ces spécialistes, il n’existe pas de salut économique en dehors de l’industrialisation du continent. Professeur d’économie, à Bel Campus, Sylvain Lubangula rétorque que la croissance africaine n’est pas une illusion. « La croissance économique soutenue de l’Afrique ne peut être niée, mais le très faible niveau d’industrialisation du continent peut donner l’impression que rien ne bouge », souligne-t-il. « Cette croissance restera forte jusqu’au moins en 2025. Vers la fin de cette période, les régions de l’Est et de l’Ouest du continent devraient d’ailleurs devenir les plus dynamiques au monde. Pour autant, l’Afrique, partant de très loin, ne deviendra sans doute pas une puissance mondiale à plus ou moins brève échéance. Mais, dans tous les cas, l’essor de l’Afrique n’est pas un mythe », pense l’enseignant.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes

Les données statistiques montrent que la production de l’industrie manufacturière en Afrique a doublé ces dix dernières années. Ce qui correspond à un taux moyen de croissance de plus de 7 % environ par an pendant dix ans. D’autres données statistiques montrent que la plupart des pays africains ont maintenu une croissance positive de leur production industrielle au cours de la période récente.

C’est notamment le cas des six pays les plus peuplés d’Afrique subsaharienne : Nigeria, Éthiopie, Afrique du Sud, Tanzanie, Soudan, Kenya, qui affichent tous une croissance industrielle positive. Cependant, les données sur le Congo, qui fait partie du groupe de ces pays, ne sont pas disponibles.

À ceux qui prétendent que la part de l’industrie manufacturière dans le PIB de l’Afrique a chuté d’au moins 12,8 %, Sylvain Lubangula répond qu’il s’est peut-être développé en valeur absolue dans un contexte de croissance économique. « Même si la proportion des biens manufacturés par rapport aux exportations totales de l’Afrique a chuté de plus de 43 %, cela ne veut donc pas, pour autant, dire que l’industrie ne se développe pas. Le déclin de la production manufacturière par rapport aux exportations du continent peut être en partie lié aux échanges croissants entre l’Afrique et les pays en développement non africains. Ce qui a conduit à une hausse substantielle des exportations des matières premières au cours des dernières années », argumente Lubangula, qui était en formation aux États-Unis au moment de la crise économique et financière internationale de 2008. En d’autres termes, la hausse des exportations des matières premières masque le développement de l’activité industrielle.

Comparaison n’est pas raison

Sylvain Lubangula trouve que c’est trop réducteur de dire que les taux de croissance élevés du PIB en Afrique, l’augmentation du revenu moyen par habitant, l’augmentation du nombre de milliardaires africains, l’augmentation des échanges économiques avec le reste du monde, les gains importants des activités de services, la réduction de la pauvreté ne suffisent pas pour parler de croissance en Afrique. « D’une part, l’activité industrielle n’est pas un indicateur pertinent de développement économique, tant on voit des pays fortement industrialisés dont le niveau de vie moyen est très bas ; tout comme un grand nombre de pays riches dont la composante industrielle est faible, et même similaire ou inférieure à celle de nombreux pays africains. Tout au contraire, on observe une corrélation positive entre la part du secteur des services, dans le PIB, et le revenu moyen par habitant », conclut Sylvain Lubangula.