Pour ou contre la limitation des naissances ? Y a-t-il un risque de surpopulation au Congo avec des taux de mortalité et de procréation encore très élevées ? Le problème est très délicat. D’un côté des parents convaincus qu’avoir beaucoup d’enfants est une « assurance vieillesse », et de l’autre des spécialistes qui sont loin d’être unanimes.
La fécondité est très élevée en Afrique. D’où la nécessité d’organiser des campagnes de planning familial comme celle qui y est actuellement en cours à Kinshasa. Selon des défenseurs du contrôle des naissances, un quart de la population mondiale vivra en Afrique d’ici à 2050. Ce qui ne manquera pas d’avoir un impact certain sur la géopolitique et l’économie. La fécondité est passée de 5,7 enfants par femme, en moyenne, à 4,4 entre 1990 et 2015 avec, là encore, des variations régionales importantes. Le nombre d’enfants par femme en moyenne est passé sur cette période de 3,5 à 2,3 en Afrique australe, de 4,1 à 2,9 en Afrique du Nord, de 6,4 à 5,3 en Afrique de l’Ouest, de 6,9 à 5,2 en Afrique centrale et de 6,4 à 4,5 en Afrique de l’Est.
La projection des données actuelles
Mais les avis restent partagés sur le contrôle des naissances. Le démographe Anicet Ndombe préconise la promotion d’une limitation des naissances volontaire basée sur le respect des droits humains. Autrement dit, chaque couple est libre de déterminer le nombre d’enfants qu’il veut avoir et à quel moment, au lieu de contrôler les naissances. Le plus important pour le couple, souligne-t-il, c’est la responsabilité de la prise en charge des enfants. Selon les spécialistes de la planning familial, un bébé né moins de deux ans après son aîné court environ deux fois plus le risque de mourir que celui né après un intervalle de plus de deux ans. Par ailleurs, l’aîné risque de mourir à cause d’un sevrage précoce. Ils font observer que les grossesses rapprochées mettent également en danger la santé de la mère.
« La population africaine, du fait de cette dynamique, est la plus jeune du monde. Elle le restera pour longtemps encore », estime Anicet Ndombe, démographe. Il n’exclut pas le fait que les rapports de force démographiques, sociaux et économiques soient profondément modifiés à l’horizon 2050. Il se demande si l’Afrique fera de sa démographie un levier de développement et de rayonnement, sinon de puissance. Sur le fond, la population totale de l’Afrique passera de 1,2 milliard de personnes en 2015 à 1,6 milliard en 2030, puis à 3 milliards en 2065. Sur la même période, le nombre des jeunes de 15-24 ans augmentera de 327 millions d’individus (31,7 % de la population) à 531 millions (30,2 %). La population urbaine va croître de 41 % à 63 % du total à l’horizon 2050. Celle âgée de 65 ans et plus va doubler, passant de 3,4 % à 7,7 % du total, tandis que l’espérance de vie passera de 58 ans en 2010 à 72 ans en 2065. La population est inégalement répartie sur le continent. Selon les projections des Nations unies, la croissance démographique rapide va durer. Malgré une baisse importante, la mortalité en général, celle des enfants en particulier, se situe toujours à un niveau inacceptable. Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est passé de 168 pour 1 000 en 1990 à 89 pour 1 000 en 2015 sur l’ensemble du continent. Au Congo, le taux de mortalité infantile a été réduit de moitié, de 213 % (en 2001) à 104 % (en 2013). Le taux des enfants vaccinés contre la rougeole a doublé, passant de 38 % (en 1990) à 71,6 % (en 2013).
La mortalité maternelle a été réduite d’un tiers, de 1 289 % (en 2001) à 846 % (en 2013). Le taux des consultations prénatales a augmenté de 56 % (en 1990) à 88,4 % (en 2013).
L’atteinte des OMD
Les accouchements assistés par un personnel de santé qualifié ont aussi augmenté de 60 % (en 2001) à 80 % (en 2013). Et le taux de prévalence contraceptive moderne est passé de 2,3 % (en 1990) à 7,8 % (en 2013). La baisse de la mortalité des enfants de moins de 5 ans est l’un des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Mais il ne sera pas atteint dans la plupart des pays africains, comme au Congo, au 31 décembre 2015, la date de la fin de l’échéance.
Anicet Ndombe souligne que les situations varient selon les pays, qu’ils soient très peuplés comme le Congo, ou sous-peuplés comme l’Angola. Mais la dynamique s’avère globalement identique partout. La mortalité et la fécondité tendent à baisser avec une forte proportion de jeunes. Selon le niveau de fécondité, on distingue un groupe de pays à fécondité inférieure à trois enfants par femme ; ceux à fécondité située entre trois et cinq enfants par femme, et d’autres à fécondité supérieure à cinq enfants par femme.
Le Congo se trouve dans cette dernière catégorie. « Le Congo a un potentiel suffisant pour ne pas se retrouver en situation de surpopulation », indique Anicet Ndombe. « Toutefois, le gouvernement devra faire un effort pour mettre en œuvre des politiques et des programmes de développement centrés sur les individus, comme le renforcement de l’autonomisation de la femme et des jeunes, dans le respect de l’environnement », conclut-il.