De plus en plus d’institutions africaines ont pignon sur rue. Avec une croissance au rendez-vous, elles laissent une faible marge de manœuvre à leurs homologues européennes installées depuis longtemps sur le continent.
Une étude portant sur le secteur de la banque en Afrique, réalisée par le cabinet Roland Berger, révèle qu’il va doubler ses revenus dans les cinq prochaines années. Selon les estimations, le chiffre d’affaires varie entre 15 et 20 milliards d’euros.
Le secteur bancaire est l’un des grands moteurs de la croissance en Afrique. Georges Ferré du cabinet de conseil Roland Berger renchérit : «C’est un secteur qui s’est bien porté ces dernières années et qui a su dégager des marges intéressantes, avec des taux de croissance annuels de 12% car l’industrie s’est concentrée sur des poches d’activités rentables comme les clients fortunés, les grandes entreprises et les Etats». Pourtant, l’Afrique demeure la région du monde la moins bancarisée avec 20 % de la population ayant un compte en banque.
Malgré leur perte de vitesse, certaines banques occidentales ne lâchent pas prise. C’est le cas du groupe français BPECE dont la présence marginale ne l’empêche pas d’avoir des ambitions d’expansions en Afrique en réalisant des acquisitions.
Sans dévoiler sa stratégie africaine, BNP Paribas, pour sa part se débrouille assez bien pour avoir réussi à ouvrir plusieurs agences ces dernières années. Société Générale, très implantée en Afrique francophone, vient de dévoiler ses ambitions sur le continent: l’ouverture de 50 à 70 agences par an, acquisitions ciblées…
Savoir aller vers les PME
Toujours est-il qu’il y a des efforts à consentir dans les milieux bancaires. «Pour continuer à créer de la croissance il va falloir aller plus loin et servir de nouveaux clients, comme les PME et la classe moyenne », explique Roland Berger. Ayant la facilité d’aller vers les PME, les banques locales se montrent désormais très compétitives. «En Afrique francophone, les banques marocaines se substituent aujourd’hui petit à petit aux banques françaises», fait remarquer Jean-Marc Velasque, du cabinet Nouvelles Donnes. Trois banques se distinguent particulièrement.
Selon Nouvelles Donnes, il s’agit d’Attijariwafa, de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE) et de la Banque centrale populaire (BCP), qui détiennent près du tiers (30%) des agences de la zone alors que BNP Paribas et Société Générale n’ont que 15%. «C’est une stratégie du royaume d’étendre les banques et plus largement les entreprises marocaines vers l’Afrique. Entre 2007 et 2014, on est passé d’une présence de témoignage des acteurs marocains à une présence de leadership», explique Velasque.
Attijariwafa, créée en 2004 à la suite d’une fusion, est actuellement la première banque d’Afrique francophone, par rapport au nombre d’agences. Avec 25 % du chiffre d’affaires tiré hors du Maroc, elle vient juste après les banques françaises, en ce qui concerne les revenus.
Réticentes à une certaine période, les banques locales avancent maintenant vers les PME, qui, représentent en moyenne 90 % du secteur privé africain. Une volonté manifeste de financer ces entreprises est là. La diversification de la clientèle oblige, pour se développer, ces banques sont contraintes d’affronter des marchés plus risqués, mais dans lesquels loge la croissance.
Par exemple, au Mali, la BOA a instauré un département spécialisé dans le traitement des dossiers de crédits des PME. Cela n’a pas duré longtemps avant qu’elle ne voie les autres lui emboîter des pas.
Prolifération d’agences
En Afrique, les banques locales ont plus qu’augmenté le nombre de leurs agences. «Outre les rachats d’établissements, ces banques mènent des politiques d’expansion de leur parc d’agences plutôt agressives», constate Jean-Marc Velasque.
«En quelques années, il y a eu une consolidation des positions. En Afrique francophone, neuf établissements bancaires possèdent aujourd’hui à eux seuls les trois quarts des agences bancaires», signale Jean-Marc Velasque. À Kinshasa, en République démocratique du Congo, cela se constate aussi avec la multiplication du nombre d’agences que l’on trouve dans la plupart des communes.
L’expansion constatée est due à la démocratisation du secteur bancaire africain car l’arrivée de marchés régionaux a apporté le développement, d’où la multiplication de filiales. Dans l’Union économique et monétaire ouest-africain (UEMOA), le nombre de banques est passé de 64 en 2000 à 106 en 2012. À l’Est du continent, c’est la britannique Barclays et la sud-africaine Standard Bank qui détiennent les plus grands réseaux. Il y en a encore d’autres, comme le nigérian UBA, les panafricains ou encore le géant Ecobank qui progressent.
Créé au Togo, Ecobank, dont le premier actionnaire est depuis quelques mois une banque du Qatar, a vu sa taille tripler au cours des sept dernières années. Elle est passée de 400 agences en 2007 à un peu plus de 1200. Son bénéfice net est passé de 65 millions de dollars à près de 400 millions, entre 2009 et 2014. Nouvelles Donnes indique que des 350 banques africaines qu’elle suit, la moitié a vu son actionnariat se transformer à partir de 2007.
Par ailleurs, de nouvelles petites et grandes banques n’ont cessé de voir le jour ces dernières années, surtout dans les pays anglophones. Nombreux sont les pays qui ont atteint ou dépassé le seuil des 20 banques : 24 en Côte d’Ivoire, 26 au Ghana, 36 en Tanzanie. Le Kenya en a une quarantaine.