Une lettre ouverte d’experts internationaux, publiée le 9 septembre, émet des critiques sur toutes les lois tendant à réglementer l’exploitation des ressources naturelles, une des sources qui alimentent les activités des groupes armés dans l’Est de la RDC.
Soixante-dix activistes, politiques et experts de différentes nationalités, ont réfléchi sur les inquiétudes persistantes de la communauté internationale, par rapport aux zones minières de l’Est du pays. Il s’agit de la publication, cette année, des politiques de responsabilité sociale détaillées sur les minerais en provenance de l’Est par les groupes Intel et Apple. Ces deux géants industriels internationaux ont inscrit leurs décisions dans le cadre de la dynamique internationale, enclenchée par le mouvement de lutte contre les minerais de sang. Les auteurs de ce document ont estimé qu’il y a beaucoup de règlements, projets de loi et initiatives qui visent le secteur minier dans l’Est de la RDC. Ils ont aussi noté l’initiative américaine inscrite dans la section 1502 de la loi « Dodd-Frank Act », qui exige aux entreprises cotées en bourse aux États-Unis et qui s’approvisionnent dans l’Est du territoire congolais, de détailler leurs chaînes d’approvisionnement à la Commission des titres et de la bourse. Ce mécanisme visant à mettre fin au trafic illicite des minerais a tendance à se généraliser. Certains pays et organisations internationales ont aussi adopté des mesures similaires notamment le Canada, l’Union européenne et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Conflits géostratégiques
Les auteurs de cette correspondance constatent qu’il s’agit des initiatives qui visent, pour la plupart, les mines artisanales de l’Est de la RDC et qui poursuivent comme objectif ultime : mettre fin à la relation entre les groupes armés et une série de minerais bien identifiée, dont la cassitérite, le tantale, le tungstène et l’or. Leur exploitation illégale aurait alimenté vingt années de crise en RDC. Pour les auteurs, la démarche a, certes, réussi à influencer sur les politiques au niveau international, mais elle est assise sur une relation de cause à effet non fondée. Les minerais aident seulement à perpétuer les conflits, mais ils n’en sont pas la cause. Les facteurs responsables de l’instabilité de la RDC, selon eux, sont d’ordre géostratégique. Il s’agit de luttes de pouvoir et d’influence au niveau national et régional. A cela s’ajoute les tensions relatives à l’accès à la terre, à la citoyenneté et à l’identité des différents groupes qui vivent dans la région. Ces chercheurs ont aussi fait mention des groupes armés qui écument ou ont écumé l’Est de la RDC, mais qui n’ont pas forcément eu besoin de contrôler des zones minières pour survivre. « D’ailleurs, un rapport des Nations unies montrent que seulement 8% des conflits en RDC sont liés aux minerais », disent-ils. Ils ont donc souhaité une meilleure analyse de la réalité du terrain. Cela devrait passer par l’écoute des acteurs locaux.
Les capacités limitées de l’État
Il a été souligné, en outre, l’absence d’un système permettant de fournir des preuves. Selon eux, quatre ans après l’adoption de l’acte « Dodd-Frank », seule une petite faction des centaines de sites miniers à l’Est a été atteinte par les efforts de traçabilité et de certification. La majorité continue encore d’opérer dans l’ombre. « Ces mineurs alimentent le trafic illicite de minerais ou alors ils quittent l’exploitation artisanale suite à l’arrêt des activités pour l’agriculture, avant de rejoindre éventuellement les milices », souligne cette correspondance. Dans l’entre-temps, les groupes armés visés contournent la difficulté. Ils se tournent vers le trafic de charbon, de marijuana, de l’huile de palme, de savon ou d’autres produits de consommation. Les rédacteurs de la lettre ont proposé l’amélioration de la concertation entre le gouvernement et les communautés locales, le travail sur une profonde réforme du processus d’audit, la mise en place des incitations juridiques pour des meilleures pratiques (projets concrets réalistes).