EN DROIT, une violation signifie : action de violer un engagement, de porter atteinte à un droit, d’enfreindre des règles, de profaner une chose sacrée. Se fondant sur l’alinéa 1 de l’article 151 de la constitution, les avocats de TOURHOTELS, en l’occurrence le bâtonnier Abel Ntumba, avocat au barreau de Goma, et Marius Mulaji, avocat au barreau de Kinshasa-Gombe, opinent que « le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice »
Argument d’autorité ? « Cette disposition constitutionnelle interdit notamment au pouvoir exécutif de statuer les différends ou d’entraver le cours de la justice », soulignent-ils. Par voie de conséquence : « En ordonnant l’exécution de l’arrêt RPA 1628, alors qu’il est frappé d’oppositions sous RPA 1702/1628 et 1755/1628 et de pourvoi en cassation sous le RP 4956 pendant devant la Cour de cassation, le gouverneur du Nord-Kivu a entravé le cours de la justice ».
« En sus, poursuivent-ils, il s’est immiscé dans l’exécution d’une décision de justice en enjoignant au conservateur des titres immobiliers de Goma de lotir la concession de l’hôtel Karibu en exécution du précité arrêt qui ne l’a du reste pas ordonné ».
Domaine du droit
En droit, on enseigne aux étudiants que le pouvoir d’exécuter les décisions de justice est l’apanage des greffiers et des huissiers de justice. « Ainsi, donc, en l’espèce, le conservateur des titres immobiliers n’est pas un agent d’exécution des décisions de justice et ne peut, en aucune manière, déférer aux injonctions du gouverneur de province d’exécuter une décision de justice. Sauf réquisition comme expert du ministère public ou de l’huissier exécutant, ce qui n’est pas le cas, ici », nous explique-t-on. « C’est clair et net qu’il y a là entrave au cours de la justice. » Par ailleurs, « le Gouverneur de province ne pouvait, dans sa décision n°01/876/CAB/GP-NK/2018 du 9 octobre 2018, sans violer l’article 151 de la Constitution, non seulement ordonner au conservateur d’exécuter une décision de justice, mais aussi lui attribuer, comme il l’a fait, la compétence de mettre définitivement fin au litige opposant TOURHOTELS avec les familles dites victimes de spoliation de l’espace de terre lui reconnu de droit ».
Pour les avocats de la défense, le gouverneur Paluku a de facto tranché le litige entre la requérante TOURHOTELS S.A et les prétendus autochtones, en violation de l’article 151 de la Constitution qui le lui interdit.
D’après eux, il n’y a pas que l’article 151 qui est violé. L’article 167 l’est aussi : « Tout Congolais a le devoir de protéger la propriété, les biens et intérêts publics et de respecter la propriété d’autrui. » « La RDC est actionnaire dans la société TOURHOTELS S.A à concurrence de 4 % du capital social.
En ordonnant l’amputation de la concession TOURHOTELS de 15 ha, le gouverneur du Nord-Kivu a mis en péril les intérêts de l’État, qui voit ainsi l’import de sa participation diminuer substantiellement dans cette société ». Par conséquent, il n’a donc pas protégé les intérêts publics.
Tout comme la lettre n°01/876/CAB/GP-NK/2018 du 9 octobre 2018, ici attaquée, n’a pas respecté la propriété de la société TOURHOTELS. Celle-ci est constituée sous forme de société anonyme (S.A), ayant donc une personnalité distincte de celle de ses actionnaires et titulaire des droits de propriété, conformément au certificat d’enregistrement Vol. N.G 21 Folio 28 du 1er septembre 2004. Ce certificat consacre les droits de TOURHOTELS sur une superficie de 23 ha 44a 04 Ca.
Ce n’est pas tout, nous disent-ils. Outre les articles 151 et 67 de la Constitution, l’article 34 est également énervé : « L’alinéa 2 de l’article 34 dispose que l’État garantit le droit à la propriété individuelle ou collective, acquis conformément à la loi ou à la coutume. » C’est dire que la propriété privée est sacrée. « Dans cette occurrence, l’État congolais, à travers le gouverneur du Nord-Kivu qui est le représentant du pouvoir exécutif en province, a violé le droit à la propriété individuelle de la société TOURHOTELS S.A sur la parcelle SU 3863 du plan cadastral de la commune de Goma, acquis conformément à la loi et couvert par le certificat d’enregistrement Vol. N.G 21 Folio 28 du 1er septembre 2004, tel que confirmé par l’arrêt RCA 1581 de la Cour d’appel de Goma, à ce jour coulé en force de chose jugée. »
Ensuite, l’alinéa 3 de cet article dispose : « L’État encourage et veille à la sécurité des investissements privés, nationaux et étrangers. » Pour les avocats de TOURHOTELS, cet alinéa a été violé par le gouverneur du Nord-Kivu qui, par sa lettre n°01/876/CAB/GP-NK/2018 du 9 octobre 2018, « décourage et insécurise l’investissement privé national important qu’est l’hôtel Karibu, propriété de la société TOURHOTELS S.A ». Évidemment, les avocats-conseils de TOURHOTELS ont introduit des recours.
La foi en la justice
Toutes nos tentatives d’entrer en contact avec Julien Paluku Kahongya, le gouverneur du Nord-Kivu, par le truchement de ses services, afin d’avoir son de cloche, se sont avérées vaines. Toutefois, les avocats-conseils de TOURHOTELS S.A rappellent que ce faisant, le gouverneur du Nord-Kivu engage la responsabilité civile de la province et de l’État, qui dans l’avenir seront condamnés à indemniser cette société pour les actes posés par ses organes, notamment le Gouv’. TOURHOTELS met en garde tous ceux qui, de mauvaise foi, s’emploient à acquérir des parcelles de terre dans la concession de l’hôtel Karibu et d’y construire. « Ils prennent des risques inutiles et s’exposent à des poursuites judiciaires, à la destruction par le fait de l’État de droit, et au paiement des dommages et intérêts », font remarquer ses avocats-conseils. Au nom de la société TOURHOTELS S.A, Victor Ngezayo affirme que la RDC est un État de droit : « Nul n’est au-dessus de la loi et, par conséquent, tous les acteurs de ces faits infractionnels subiront tôt ou tard la rigueur de la loi. TOURHOTELS, réconfortée dans ses droits par l’arrêt RCA 1581 déjà coulée en force de chose jugée, ainsi que les lettres du ministre du Portefeuille et du ministre des Affaires foncières, garde sa pleine confiance dans la justice congolaise qui ne manquera pas de la rétablir dans ses droits. »
C’est en tout cas le sens qu’il faut donner à sa lettre du 16 novembre adressée à Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre, dans laquelle il éclaire sa lanterne sur ce dossier. En conclusion, Victor Ngezayo, le PDG de TOURHOTELS lui demande de « bien vouloir instruire M. le Vice-1ER Ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité de rapporter sa lettre n°25/CAB/VPM/MININTERSEC/HMS/866/2018 du 29 mars 2018 et de prendre toutes les mesures qui s’imposent d’une part en mettant hors d’état de nuire les concernés et d’autres de rétablir la situation à son prestin état ».