La pandémie bouleverse tous les scénarios envisagés par l’industrie pétrolière

Les pertes sont colossales pour les entreprises en 2020 : 20 milliards pour le britannique BP, 5,5 milliards pour Chevron, plus de 20 milliards sur le 4è trimestre seulement pour l’américain Exxon...

ALORS QUE la plupart des experts s’accordaient sur une hausse de la demande au moins jusqu’en 2040, voilà que certains estiment désormais que l’inflexion se rapproche. C’est le cas de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le pétrolier britannique BP considère même que la consommation de pétrole a déjà atteint son pic. Face au réchauffement climatique, de nombreux pays réduisent aujourd’hui leur dépendance aux énergies fossiles. Une transition accélérée par la crise actuelle et qui remet en cause le modèle des compagnies, selon Alexandre Andlaeur, un spécialiste des matières premières. « L’accélération dans le renouvelable est quelque part un danger. Parce que ça va beaucoup trop vite pour ces sociétés, qui ont fait la même chose pendant plus d’un demi-siècle, ce sont des sociétés avec plus de 100 000 salariés », explique-t-il. 

Le déclin des pétroliers

Les pétroliers accélèrent malgré tout de même leur mutation. Total multiplie les acquisitions dans le renouvelable et vise la neutralité carbone en 2050. BP compte lui multiplier par dix ses investissements dans le bas carbone d’ici 2030. Même les majors américaines, bien plus réticentes au changement, s’y mettent aussi. Exxon vient d’annoncer un investissement de 3 milliards de dollars dans les technologies faible émission d’ici 2025. Il est très clair que le Covid-19 a accéléré le déclin des pétroliers. C’est dû à la baisse des prix du pétrole mais aussi aux décisions politiques d’accélérer la transition énergétique dans le renouvelable. Traditionnellement, on observe une corrélation entre croissance et consommation de pétrole. La question est de savoir quel sera le scénario d’après-crise.

La semaine dernière, les cours du pétrole ont encore augmenté le vendredi 5 février 2021. Le Brent flirtant avec la barre de 60 dollars le baril plus franchie en séance depuis le 20 février 2020, au tout début de la pandémie de Covid-19. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril a gagné 50 cents ou 0,84 % à Londres par rapport à la clôture de jeudi, à 59,34 dollars. En séance, il avait grimpé à 59,75 dollars mais n’a pu franchir le seuil pré-pandémie des 60 dollars.

Le baril américain de WTI pour le mois de mars s’est apprécié dans le même temps de 1,10 % ou 62 cents à 56,85 dollars, après avoir atteint 57,09 dollars, au plus haut depuis le 22 janvier 2020.

« Les prix du pétrole continuent de grimper en flèche et le Brent s’approche de la barre psychologique importante des 60 dollars le baril », a constaté Eugen Weinberg, analyste de Commerzbank. « Les commentaires de soutien de l’OPEP au sortir de leur réunion de mercredi sont le principal moteur de cette hausse », a expliqué de son côté Stephen Innes chez Axi. Un nouvel affaiblissement du dollar a aussi aidé, notaient les analystes. Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés ont signifié la semaine dernière leur confiance dans la reprise de l’économie mondiale, et par ricochet celle de la demande de pétrole brut, tout en maintenant leur politique de contrôle drastique de l’offre.

« Les premières données sur la production de l’OPEP en janvier suggèrent également que le respect des quotas s’est amélioré », a ajouté Stephen Innes. Mais pour Matt Smith de Clipper Data, « le marché est un peu trop sûr de lui ». 

Appétit pour le risque

L’analyste ne partage pas cet optimisme sur la demande « alors que celle d’essence aux États-Unis est toujours inférieure de 10 % à ce qu’elle était il y a un an et que des confinements sont encore en vigueur en Europe et en Asie ». 

L’espoir et l’optimisme d’une reprise totale semble déjà intégré dans les prix et il est inévitable que l’on approche cette barre des 60 dollars », a affirmé l’analyste, soulignant « l’appétit général pour le risque à travers les marchés », comme l’a montré Wall Street en hausse pour la 5è séance d’affilée. S’il a atteint de nouveaux records en près d’un an, le Brent n’est cependant pas à son maximum de l’année dernière, à 71,75 dollars, touché le 8 janvier.

L’optimisme de l’OPEP donne un nouveau coup de fouet au pétrole, qui poursuit son petit bonhomme de chemin. Enfin, façon de parler puisque le Brent progresse de plus de 60 % depuis le 1er novembre 2020. 

L’OPEP+ met ses lunettes roses. La 26è réunion du JMMC (Joint Ministerial Monitoring Committee), qui contrôle le respect de l’accord de l’OPEP+, s’est déroulée par visioconférence. Dans les grandes lignes, le Comité se montre optimiste sur la reprise de la demande de pétrole cette année et voit par conséquent une « accélération du processus de rééquilibrage » de l’offre et de la demande. 

Le graal serait-il à portée de main ? Cela dépend de beaucoup de facteurs (vigueur de la reprise de la demande, évolution de la production américaine, come-back de l’Iran sur les marchés internationaux, etc.) mais force est de constater que les opérateurs veulent y croire. 

En enchaînant cinq séances de hausse, les marchés pétroliers ont réalisé un sans-faute la semaine dernière. L’OPEP+ a entretenu l’optimisme ambiant puisque le cartel élargi se montre optimiste sur la reprise de la demande de pétrole cette année et voit par conséquent « une accélération du processus de rééquilibrage » de l’offre et de la demande.