Malgré la volonté du gouvernement d’améliorer le niveau de vie des Congolais, force est de constater qu’il ne cesse de baisser. C’est comme si le pays revenait à la décennie 90, période dite de la croissance négative.
Quartier Bobozo, non loin du rail, dans la commune de Limete. François Malubu, sa femme, ses enfants et quelques-uns de ses petits-fils vivent dans une pièce de trois mètres sur deux, appelée communément « studio» à Kinshasa. Chômeur, le père de famille vit au rythme du lever et du coucher du soleil. A quelques encablures de là, Odon Makolo vit sur la route de Mokali, à Kimbanseke, dans l’une des communes de l’Est de Kinshasa. Ayant obtenu d’une banque de la place un crédit de 1000 dollars qu’il doit rembourser jusqu’en avril 2016, il n’arrive plus à affronter la vie avec les 55 000 francs qui lui restent à la fin de chaque mois. La soixantaine, Odon Makolo est un agent auxiliaire de première classe dans l’administration publique. « Je souffre terriblement même si j’ai ma propre maison. Nous vivons très difficilement, ma femme et mes deux enfants dans ce quartier où il n’y a ni eau ni électricité », explique-t-il en regrettant que le barème de « Mbudi » n’ait jamais été appliqué. A Lemba Terminus, Joséphine Muwawa vit dans un studio avec ses deux adolescents et ses deux grandes filles déjà mères. Chaque matin, chacun de ses enfants s’adresse aux voisins pour demander du dentifrice et brosser les dents. Ces quêtes multiples exaspèrent le voisinage. C’est dire que la situation sociale des Kinois n’est pas reluisante et il y a fort à parier que le nombre de personnes vivant avec moins de un dollar par jour est en régulière augmentation. Selon le Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté « deuxième génération » (DSRP2), élaboré par la RDC, sept ménages sur dix sont pauvres avec une disparité entre le milieu urbain et le milieu rural où environ huit personnes sur dix sont pauvres. Le cas d’Odon Makolo est donc facile à comprendre lorsque le DSCRP2 indique que rien que « l’alimentation représente 62,3 % des dépenses totales des ménages congolais ». Cependant, beaucoup de Congolais sont loin de saisir la raison pour laquelle la transformation des conditions de vie de la population n’est pas proportionnelle à la croissance économique. Ils n’ont pas tort, même si le niveau d’instruction pose problème. Dans le document de stratégie, il est précisé que « le niveau d’instruction du chef du ménage influence la vulnérabilité à la pauvreté, les ménages dont le chef n’a aucun niveau d’instruction étant, en général, les plus pauvres ». Certes, la RDC occupe une bonne place au classement des pays africains ayant connu le plus faible taux d’inflation et une stabilisation qualifiée d’« historique et exceptionnelle » du taux de change. Mais, les retombées en termes sociaux sont encore loin d’être au rendez-vous. Les Congolais devront attendre longtemps avant de voir dans leurs assiettes les effets de la croissance économique. Le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo l’a encore redit à l’Assemblée nationale lors de la défense du budget 2015 : « Les efforts fournis sont considérables, mais il faut du temps pour voir les fruits tomber ». Cette affirmation de Matata Ponyo corrobore le rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) sur l’Indice de développement humain (IDH), publié chaque année. Avant de connaître une petite amélioration, le pays a eu à occuper, à deux reprises, notamment en 2012, la 186ème place sur 186 pays classés dans ce rapport.
Selon une économiste, beaucoup de personnes n’arrivent pas à trouver de l’emploi parce que seuls les secteurs des mines, du commerce, de la construction et de l’agriculture soutiennent la croissance. Ce qui est encore faible. D’après elle, les efforts du gouvernement sont une tentative de combler un gouffre en vue de rattraper le bon niveau. Autrement dit, c’est la croissance nulle des années 1990 que l’on cherche difficilement à rattraper. Du coup, la croissance actuelle ne peut pas améliorer les conditions de vie de la population.
Pourtant, avec l’atteinte du point d’achèvement qui a conduit à l’annulation de la dette extérieure du pays, évaluée à plusieurs milliards de dollars, l’argent épargné sur recommandation des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI), était destiné aux secteurs porteurs de croissance.
Le statu quo social
La pauvreté a encore, peut être pour longtemps, droit de cité. Si les dernières années, comme l’indiquent les chiffres de la Banque mondiale, son niveau a baissé passant, par exemple, de 2005 à 2012, de 71 % à 63 %, cette diminution n’influence rien. Le niveau de vie prosaïque de la population se déprécie davantage. Les réformes monétaires, budgétaires et de l’économie nationale, quoiqu’importantes, demeurent un langage difficile à comprendre pour la population tant que ce qu’elle cherche, le fameux «social », n’arrive pas. D’où l’importance de la diversification des secteurs d’investissement comme le recommandent les institutions financières internationales. L’extension du projet Bukanga Lonzo aux autres provinces du pays peut renforcer le cadre stratégique de création d’emplois et de réduction de l’inflation. Le 29 octobre, s’adressant à des hommes d’affaires aux Pays-Bas, Matata Ponyo a affirmé qu’« en 2014, les estimations sur la base des réalisations de production au cours de six premiers mois situent la croissance à 8,9 % ». Mais l’amélioration de la gouvernance doit être le leitmotiv de la gestion, parce qu’une mauvaise gouvernance est une des principales causes de la pauvreté.