La production toujours en-deçà de la capacité installée

C’est la Banque Centrale du Congo qui le révèle : l’industrie du ciment a tourné à la moyenne de 40 % à 50 % entre janvier 2017 et février 2019. Pourtant, le secteur du BTP est en plein essor dans le pays.

EN 2017, la République démocratique du Congo a produit 899 533 tonnes de ciment, dont 881 733 tonnes destinées à la consommation locale et 84 221 tonnes autres destinées au stockage. En 2018, l’industrie du ciment a produit 1 842 782 tonnes, dont 1 825 757 tonnes écoulées sur le marché local et 87 362 tonnes stockées. Cette année, jusqu’à avril, elle a produit 397 221 tonnes, dont 390 279 consommées localement et 94 304 tonnes stockées, rapporte la Banque Centrale du Congo (BCC). 

Sur le marché de Kinshasa, le plus important du pays, le sac de ciment gris de 50 kg, tous producteurs confondus, est passé de 16 500 FC à 13 300 FC. Selon l’Association des distributeurs de ciments, la baisse du prix résulte du fait que l’offre surabonde par rapport à la demande. Mais la Fédération des entreprises du Congo (FEC) soupçonne la reprise des importations du ciment en violation de l’arrêté d’août 2018 du ministre du Commerce extérieur interdisant l’importation du ciment et des bars de fer. 

En 2007, le gouvernement avait décidé d’exonérer les importations du ciment gris pour soutenir le programme de construction des infrastructures connu sous le nom de « 5 Chantiers de la République ». Mais certaines des entreprises bénéficiaires de ces partenariats ont profité des exonérations pour importer du ciment et le vendre sur le marché local.

Par ailleurs, l’activité de production a repris à la Cimenterie de Lukala (CILU). L’État ayant décidé de reprendre des participations à CILU. Fin 2018, la partie est du pays comptait encore une seule cimenterie produisant en quantité insuffisante du ciment, et donnant ainsi lieu à des spéculations sur le prix de ce produit sur le marché local. Actuellement, on compte deux cimenteries en activité dans cette partie du pays, et une troisième est en voie de réhabilitation. 

Le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) se reprend après une décote de -0,7 point sur la croissance en RDC en 2017, selon un rapport du ministère du Budget. Dans la foulée, le nombre d’entreprises de construction est en nette augmentation depuis 2018. Selon les estimations de la Commission des études statistiques et des comptes nationaux (CESCN), se fondant sur les réalisations à fin février 2017, le secteur secondaire devrait connaître une performance en 2018 et 2019. 

Celle-ci sera essentiellement tirée par la bonne tenue attendue de la branche BTP. L’entrée en production de deux nouvelles cimenteries, PPC Barnet et Cimenterie Kongo (CIMKO) aura été déterminante pour le secteur du génie civil, selon la CESCN. Ces cimenteries devraient produire à terme 2,2 millions de tonnes de ciment par an, à raison de 1,0 million pour le PPC Barnet et 1,2 million pour CIMKO. Selon les chiffres officiels, les besoins en ciment gris en RDC sont évalués à environ 3 millions de tonnes par an. 

La capacité actuelle de l’industrie locale se rapproche de cette demande nationale. Par ailleurs, au moins 16 projets de construction de cimenterie existent dans le Kongo-Central, notamment dans la région de Matadi, Kasangulu et Songololo. À cet effet, la Société nationale d’électricité (SNEL) a porté à 100 MW la capacité de son poste de Kwilu, sur la ligne très haute tension Inga-Kinshasa. Le renforcement de la puissance du poste de Kwilu a permis également de fournir une énergie stable et suffisante aux entreprises de la région, dont les cimenteries de CILU, CIMKO et PPC. 

En ce qui concerne la cimenterie de Maïko, désormais CIMSAT, dans la province de la Tshopo, des obstacles entravent encore sa mise en œuvre. CIMASAT, fusion de Maïko et SATAREM, est un projet visant à créer des emplois directs et indirects et à réduire le coût du ciment sur le marché de Kisangani et de ses environs. 

Le sort de CINAT

Des observateurs se demandent pourquoi le gouvernement a préféré réhabiliter CILU, une cimenterie privée, au détriment de la Cimenterie nationale (CINAT) implantée à Kimpese, une localité non loin de Lukala dans la province du Kongo-Central. Toutes les tentatives de sa privatisation partielle ont accouché d’une souris. Pourtant, le ministère de l’Industrie sous le cabinet Badibanga avait ficelé un rapport complet sur la situation de la CINAT.

Désormais, dans cette province, PPC Barnet, CIMKO et CILU sont des concurrents sur le marché du BTP en RDC. Par ailleurs, le gouvernement a donné des assurances aux responsables de trois nouvelles unités de production de ciment gris du territoire de Songololo, Nyumba ya Kiba, PPC Barnet et CIMKO, quant aux mesures d’accompagnement pour écouler leur production sur le marché local envahi par des importations turques, chinoises… 

Ces entreprises ont sollicité en effet la suspension des importations du ciment pour une durée de six mois, le renforcement des mesures de lutte contre la fraude, les allègements fiscaux ainsi qu’un accompagnement consécutif en termes de logistique, afin de permettre une bonne distribution de leur production. Leny Ilondo, administrateur de PPC Barnet, a indiqué que le secteur de la cimenterie locale est victime des fraudes continues qui ruinent tous les efforts du gouvernement dans cet investissement consenti pour produire un ciment de meilleure qualité et à un prix extrêmement compétitif. 

Le gouvernement avait pourtant, en 2015, conditionné l’importation du ciment par la détention d’un contrat-programme signé entre l’opérateur économique intéressé par l’activité et le ministère de l’Économie nationale. La fraude préjudicie le climat des affaires et l’essor économique du pays.