La redistribution des cartes se poursuit dans les mines

ERG veut vendre sa mine de cuivre Frontier. C’est une nouvelle tentative après celle de 2014 pour cette compagnie kazakhe « criblée de dettes », malgré une baisse de l’estimation de la valeur du projet à 400 millions de dollars, selon des sources bancaires rapportées par Bloomberg. 

 

En 2014, la tentative de vente avait échoué, dit-on, à cause du ralentissement de l’économie mondiale et de la chute des prix des matières premières sur le marché international. Selon plusieurs sources, le minier Eurasian Resources Group (ERG) envisage à nouveau la cession de sa mine de cuivre Frontier en République démocratique du Congo. Cette firme multinationale qui y détient également les mines de cuivre et cobalt Boss Mining et Comide, a bien l’intention de quitter le pays dans deux ans. « Il ne semble pas opportun de vendre les mines de cuivre congolaises – à cause de l’incertitude qui règne encore autour du changement de la charte minière – à moins que vos créanciers ne vous y obligent », a déclaré une des sources proches du dossier. Et selon lesquelles ERG aurait déjà envoyé des « documents d’information » aux parties intéressées. Les acheteurs les plus probables seraient les entreprises chinoises qui opèrent déjà en RDC, ont encore indiqué les mêmes sources. ERG serait endetté. La compagnie doit à ses principaux créanciers, VTB et Sberbank, environ 6 milliards de dollars.

La mine Frontier en question est située à quelque 2 km de la frontière zambienne, près de la ville de Sakania. Acquise par ERG en 2012 auprès de First Quantum Minerals (FQM), elle a une capacité annuelle de 370 000 tonnes de concentrés de sulfure titrant 27 % de cuivre. On se souvient que le Serious Fraud Office (OFS) ou le Bureau britannique de la lutte contre la fraude a officiellement demandé aux autorités congolaises de lui fournir des renseignements bancaires et commerciaux concernant quatre entreprises enregistrées en RDC. Selon toujours Bloomberg, l’OFS veut lever le voile sur les transactions à travers lesquelles ENRC, cotée à la Bourse de Londres, a acquis cinq projets miniers en RDC entre 2010 et 2012. Il soupçonne que les coûts des rachats, entre autres, de Kolwezi Tailings, Lonshi et Frontier, naguère sous gestion de FQM, ont violé les lois du Royaume-Uni, particulièrement la loi de 2010 sur la corruption ainsi que la loi sur la fraude de 2006.

Conjoncture

Des connaisseurs notent que la conjoncture actuelle profite à ERG, qui s’apprête à exploiter un important gisement de cobalt en RDC entre 2018 et 2019. Le projet d’exploitation de cobalt d’ERG est estimé à 1 milliard de dollars. Le cobalt explose tous ses records de prix depuis janvier 2017. Les cours du minerai devraient atteindre la crête des 90 000 dollars la tonne métrique d’ici décembre 2018, pronostiquent les mêmes observateurs. La demande est de plus en plus croissante car le cobalt est un composant essentiel dans la fabrication des batteries utilisées par les voitures électriques, notamment les véhicules fabriqués par Tesla, dans l’industrie du téléphone mobile et dans celle des électroménagers. La hausse des cours poussent les acheteurs à ouvrir des négociations avec les exploitants pour s’approvisionner en cobalt à prix fixes directement des mines.

Suite donc à la forte demande du minerai, ERG va devoir revoir à la hausse sa production pour se fixer un objectif de 14 000 tonnes/an à partir de son site de Metalyol Roan Tailings Reclamation en RDC. Une ambition qui pourrait permettre à ERG de détrôner Glencore de sa place de numéro 1 mondial du cobalt. Ceci pourrait expliquer la vente de la mine de cuivre pour se concentrer sur celle de cobalt, pensent les mêmes connaisseurs. Au Katanga où sont exploités le cuivre et le cobalt, on observe un jeu de passe-passe. L’anglo-suisse Gleencore a repris, pour près d’1 milliard de dollars, les parts de Fleurette Group afin de prendre le contrôle (total) de la mine de cobalt de Mutanda (MUMI) et a augmenté sa participation dans Katanga Mining Company. Le canadien First Cobalt s’est également invité en RDC. Pour sa part, Bohaï Harvest RST (BHR) a clos le dossier de la reprise de la mine de Tenke Fungurume par des entreprises chinoises. BHR est une firme de « Private Equity » basée à Shanghaï en Chine.

Avec dans son tour de table des institutionnels et des privés chinois ainsi que des investisseurs américains, elle vient finaliser l’acquisition « indirecte » par des sociétés chinoises de la mine de Tenke Fungurume au Katanga pour un montant de base estimé à une bagatelle de 3,8 milliards de dollars. Sa filiale, Newwood Investment Management Ltd (NIM Ltd) a clôturé la reprise de la totalité du capital de Lunding DRC Holdings, la filiale en RDC de l’opérateur minier canadien Lunding Minning pour 1,14 milliard de dollars. La société acquise était actionnaire à 30 % de Tenke Fungurume Holding, un groupe minier incorporée au Bahamas, qui à son tour contrôle 80 % du complexe minier de Tenke Fungurume.

Cette acquisition fait de BHR Capital l’actionnaire effectif de 24 % de la mine congolaise, présentée comme un actif minier de classe mondiale. Le capital investisseur rejoint ainsi le conglomérat China Molybdenum Corporation (CMOC), un groupe détenu par des institutionnels de la Chine continental et des privés de Hong-Kong. Ce dernier avait déjà finalisé l’acquisition pour le prix de base de 2,65 milliards de dollars de la totalité des 70 % que détenait l’opérateur minier américain Freeport McMoRan dans le capital de TF Holding. Il s’est offert ainsi une participation indirecte de 56 % sur le site minier congolais. Par ailleurs il recevra une prime de 14 millions de dollars pour avoir accompagné BHR dans sa transaction sur ce dossier.

Les firmes chinoises ont ainsi finalisé l’acquisition indirecte d’une participation majoritaire sur ce site minier, dans le cadre de transactions qui auront vu couler beaucoup d’argent. L’autre actionnaire du projet, la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), représentant l’État avec 20 % des parts sur la mine, a touché 33 millions de dollars de Freeport McMoRan, selon des données publiées par ce dernier sur son rapport financier du quatrième trimestre 2016. Le grand gagnant de cette opération est toutefois CMOC. En janvier, elle a annoncé la signature d’un accord d’actionnaires qui lui permettait de garantir la finalisation de l’entrée au capital de TF Holding par BHR. En contrepartie, le capital investisseur acceptait l’option pour CMOC d’acquérir sa participation indirecte dans TFM à un prix prédéterminé.

L’évolution des cours du cuivre et de cobalt sont désormais sous surveillance. Une hausse des prix au-delà des seuils fixés par l’acquisition sera une bonne chose pour les affaires. Mais dans le même temps, elle les obligera à verser des sommes supplémentaires aux sociétés qui leur ont cédé leurs participations respectives dans TF Holding. BHR Equity Investment Fund Management Co., Ltd. est une société de capital-investissement spécialisée dans les fusions transfrontalières et le capital d’acquisition et de croissance. Il se concentre principalement sur les transactions en Europe et en Amérique du Nord. BHR (Shanghai) Equity Investment Fund Management Co., Ltd. a été fondée en décembre 2013 et est basée à Shanghai, en Chine. Il opère en tant que filiale de Bohai Industrial Investment Fund Management Co., Ltd.