La réforme institutionnelle semble être un échec

Des recettes insignifiantes et des dépenses de misère. Voilà la situation qui prévaut au Service d’assistance et d’encadrement et d’exploitation des mines artisanales à petite échelle, l’ex-SAESSCAM. À quoi aura servi alors la mutation, s’interroge-t-on ? 

 

Aucune prévision des recettes n’a été programmée pour les produits ex-SAESSCAM pour l’exercice 2018. Mais comme pour les années précédentes, l’État devrait se contenter de quelques dividendes à la fin de l’année. En 2015, par exemple, le fait générateur dit « produits SAESSCAM » avait rapporté plus de 84 millions de francs sans prévision au préalable. En 2016, juste 37 000 francs ont été versés par des exploitants artisanaux. En 2017, à mi-exercice, sans assignation aucune, plus de 200 000 francs des produits estampillés SAESSCAM ont été versés au Trésor public. 

Par ailleurs, les prévisions pour l’appui aux communautés de base par SAEMAPE, dans la loi de finances 2018, ne se limitent qu’au suivi des activités liées aux droits des communautés de base. Les crédits accordés au Service d’assistance et d’encadrement et d’exploitation des mines artisanales à petite échelle, soit 600 000 000 francs ne constituent qu’une goutte d’eau dans un océan des besoins financiers, compte tenu de la dimension du pays et des pesanteurs d’ordre techniques et humains. 

Enfants dans le site minier 

Dans un récent rapport sur le budget 2018, le Réseau gouvernance et démocratie (REGED) estime que la modicité des crédits ne permet pas de lutter efficacement contre l’utilisation des enfants dans les sites miniers. Le grand réseau d’associations des mouvements de la société civile rapporte que les prévisions du projet de loi de finances 2018 ne concernent que les missions de contrôle des services spécialisés (SAEMAPE) du ministère des Mines sur les conditions des enfants dans les mines et les communautés de base. REGED recommande au gouvernement de ramener à 1 milliard de francs les allocations du SAEMAPE pour améliorer les missions de contrôle. 

Le service SAEMAPE, ex-SAESSCAM, qui est censé, selon le code minier, s’occuper de la petite mine, évolue dans une totale opacité, de l’avis des experts. En 2015, ses assignations étaient de 84 131 330 francs, mais aucun franc n’a été versé par ce service d’assiette à la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD). Autant qu’en 2016, au cours duquel ses prévisions étaient de 69 450 375,4 francs. Pour l’exercice 2017, rien n’a été prévu. Idem pour 2018. Les produits du Centre d’expertise, d’évaluation et de certification sous gestion, naturellement, du CEEC, sont, davantage confus. Alors qu’aucune prévision n’a été mentionnée pour les deux précédents exercices, le CEEC a versé au Trésor public près de 340 millions de francs et environ 280 millions de francs, respectivement en 2016 et 2017. 

Pour autant, dans le budget 2018, l’État n’attend rien du CEEC. Toutefois, il a décidé de coller des assignations de plus de 592 millions de francs au CEEC pour ce qui est de la taxe rémunératoire de la valeur expertisée des substances précieuses. En 2015 et 2016, ladite taxe n’avait aucune prévision alors qu’elle a respectivement rapporté plus de 100 millions et 83 millions de francs. La DGRAD n’a rien perçu sur la redevance annuelle anticipative pour les laboratoires d’analyse des produits miniers marchands en 2015 et 2016. Mais entre janvier et mars 2017, la redevance a rapporté plus de 333 millions à l’État, soit un taux de réalisation de 160 %. 

Hélas, dans le budget de Tshibala, la redevance annuelle anticipative pour les laboratoires d’analyse des produits miniers marchands n’a pas été activée, sans justification aucune. Les droits d’octroi de carte d’exploitation artisanale des substances précieuses et semi-précieuse n’ont pas non plus été activés dans le budget 2018 alors qu’ils avaient précédemment rapporté plus de 15 millions de francs au Trésor public. La quotité de la taxe ad valorem à payer à chaque exportation de l’or, du diamant et des pierres de couleur de production artisanale pour le Trésor public a pratiquement été éteinte depuis 2015 alors que les exploitants artisanaux soutiennent la payer régulièrement auprès des commis de l’État. 

Alors qu’elles ont rapporté, ces dernières années, en moyenne 45 millions de francs, les ventes résiduelles de biens des établissements non marchands dont les droits de vente des cahiers de charge (DAO) pour l’attribution de gisements miniers n’ont pas d’assignation pour l’exercice 2018. Pourtant, le secteur minier a repris de plus belle. Invité lors de l’analyse du budget 2018, par la société civile, cet expert en mines estime que le service chargé de la gestion de la petite mine, SAESSCAM, fait figure de parent pauvre dans le secteur : pas d’allocations budgétaires conséquentes et son déploiement dans les 26 provinces pose problème alors que l’exploitation illicite des minerais comme la cassitérite, le coltan et le wolframite, l’or et le diamant par des exploitants artisanaux a tendance à devenir une activité normale. 

Le gouvernement a plutôt préféré poursuivre le déploiement du Cadastre minier à travers le pays. En 2016, plus de 1,750 milliard de francs avaient été alloués à l’opération et 2,015 milliards prévus pour 2017. Par ailleurs, le gouvernement a programmé la création du Service géologique national avec plus de 7 milliards de francs. La Banque mondiale a, une fois, encore porté ses préférences sur le projet Promines avec 5,8 milliards de francs en 2018, quand bien même que l’apport du Promines dans le développement du secteur n’est guère perceptible. 

Coulage des recettes

Les experts font aussi remarquer que les investissements sur ressources propres de l’État dans le secteur minier accusent des incohérences des chiffres en dépenses. Dans un document fourni par le ministère du Budget (Analyses explicatives des dépenses en 2017), les dépenses pour la réhabilitation des bâtiments et l’acquisition des véhicules terrestres sont de l’ordre de 902 840 934 francs, alors que dans le document sur le développement des titres et crédits 2017 fourni par le même service du ministère du Budget, les dépenses ne sont que de 702 840 934 francs. Plus de 200 millions d’écart ! La loi de finances publiques pour 2017 et ses appendices ont été votés avec ces écueils par les deux chambres du Parlement. 

Par ailleurs, des analystes de la société civile ont fait remonter à la surface des pratiques susceptibles de passer pour des manœuvres dilatoires de coulage des recettes de l’État. Dans la rubrique « Fonctionnement des ministères », les indemnités kilométriques prennent une grosse part de l’enveloppe, soit 204 304 455 francs et autres prestations, soit 395 342 508 francs pour le cabinet du ministre et 287 991 994 francs pour le secrétaire général, contrairement à d’autres cabinets tels qu’au ministère des Hydrocarbures qui n’ont que 74 154 517 francs et dont le SG n’a même pas d’indemnités kilométriques. 

L’ex-SAESSCAM, créé en 2003, est sous la tutelle du ministère des Mines et dispose d’une autonomie de gestion. Il a pour objectif principal d’encadrer techniquement et financièrement les exploitants du secteur de la petite mine et de lutter contre la fraude en canalisant les productions dans le circuit officiel de commercialisation.