La Société congolaise des industries de raffinerie (SOCIR) va mal. C’est le moins que puissent dire les employés. Par exemple, les différents projets annoncés tambours battant par le comité de gestion se sont tous arrêtés nets. Il s’agit de la construction d’une usine de bitume, une usine de production de gaz industriels ainsi que de la réhabilitation de la raffinerie. À la SOCIR, l’on soutient que le projet de la production du bitume a été abandonné parce que les essais préliminaires ont démontré que la silice, une substance abrasive contenue dans les sables asphaltiques de Mavuma, provoquait une corrosion intense sur les pompes des installations industrielles de la SOCIR. Pourtant, du matériel importé continuait d’arriver, il y a encore quelques mois, pour le montage de cette usine, notent des experts.
Concernant l’usine de production de gaz, elle n’a jamais démarré depuis son annonce en 2015, autant pour la réhabilitation de la raffinerie. Par ailleurs, les hauts cadres de cette entreprise mixte auraient monté de bric et de broc des sociétés de sous-traitance, sinon ils s’y seraient liés pour rabioter sur les salaires des employés permanents. Point de réaction à ce jour du conseil d’administration, dont le président, Nestor Ankiba, et le directeur général adjoint, Philippe Mahele, ont été désignés par l’État congolais, alors que le directeur général, Franck Beausaert, représente la firme X Oil.
De la raffinerie au transport du fuel
À ce jour, la Société congolaise des industries de raffinage ne s’emploie plus qu’à la logistique pétrolière, juste comme le Service des entreprises pétrolières (SEP Congo). Pour se distinguer de SEP, la SOCIR opère en amont. Elle assure d’abord la réception des tankers pétroliers de haute mer, stocke les cargaisons des produits pétroliers importés par les entreprises pétrolières opérant en RDC, et assure ensuite leur transbordement sur ses propres tankers à fond plat, à destination du terminal pétrolier de SEP Congo de Ango-Ango situé à quelques encablures du port de Matadi. SEP Congo, à son tour, achemine ces produits pétroliers vers ses installations de Kinshasa.
La SOCIR dispose, en effet, d’une capacité de stockage de 160 000 m3. Pour l’exercice budgétaire 2015, par exemple, elle a reçu et fait transiter dans ses installations plus de 1 101 056 tonnes métriques (TM) des carburants. Mais la question de la relance de la raffinerie, mission originelle de la SOCIR, se repose avec acuité. La société constitue, en pratique, un maillon stratégique de la chaîne pétrolière de la RDC. Crée en 1963, l’entreprise a réellement débuté ses activités en 1968, comme entreprise d’économie mixte, à parts égales entre l’État congolais (50 %) et un partenaire privé, la multinationale italienne ENI (50 %). Elle s’appelait alors Société zaïro-italienne de raffinage (SOZIR). Après 30 ans d’activité, les Italiens d’ENI n’ont pas renouvelé la joint-venture. ENI sera remplacé bien plus tard par X Oil dans des conditions on ne peut plus troubles.
Une firme nommée X
La SOCIR avait déjà arrêté de tourner en 1994 suite à des ennuis techniques et une gestion financière plutôt calamiteuse. L’usine du raffinage du brut de la SOCIR a une capacité installée de 750 000 tonnes métriques. L’entreprise a été obligée de mettre à l’arrêt ses installations de raffinage en 1998 alors que trois ans plutôt elles avaient subi un check-up complet. C’est à ce niveau que les experts font remarquer le début d’une gestion trouble de l’ex-SOZIR. D’abord, le Comité de pilotage de la réforme des entreprises du portefeuille (COPIREP) a soutenu dans un rapport que l’ex-Société zaïro, puis congolo-italienne de raffinage devenue par la suite Société congolaise des industries de raffinage a été débaptisée X-Oil.
Cette dénomination est la conséquence des décisions de l’assemblée générale de l’entreprise tenue en 1998. Une assemblée sujette à caution, selon des experts congolais.
Mobil et Shell indésirables ?
Des questions restent encore entières, note le professeur Bafala, expert en questions pétrolières, alors qu’en 1996, la raffinerie venait d’être réhabilitée, sur fonds propres de la SOCIR, pour un montant de 26 millions de dollars, s’interroge-t-il.
Sur quelle base et quels critères X-Oil s’est affichée avec le montant de 2.5 millions de dollars pour reprendre les parts (50 %) des Italiens d’ANIC Spa, filiale d’ENI, co-partenaire de l’État congolais dans SOCIR ? Pourtant, il y a des prétendants sérieux pour relancer la joint-venture aux côtés de l’État congolais.
Parmi lesquels les majors Mobil et Shell qui comptait par ailleurs raffiner le brut de Muanda avec ses propres condensats. Et à l’époque, la valeur assurée de la raffinerie était de 91 millions de dollars. Et l’expert de s’interroger sur l’apport de X-Oil à ce jour dans la raffinerie comme actionnaire B ? Dans son ouvrage, « L’industrie pétrolière en RDC : des réseaux d’intérêts croisés pour le profit d’aujourd’hui ou de demain », José Bafala évoque également ce contrat d’assistance technique qui a contraint la SOCIR à transférer 350 000 dollars par trimestre à X-Oil qui est actionnaire B pendant que la raffinerie était en arrêt alors que, précédemment, pour le même type de contrat convenu avec AGIP, au moment où la raffinerie tournait, la SOCIR ne dépensait que 100 000 dollars. Que de questions, que de zones d’ombre, que de flous juridiques sur lesquels la ministre du Portefeuille, Wivine Mumba Matipa, devrait éclairer l’opinion publique.
Côté purement technique. Les principales unités de production que compte la SOCIR se composent d’une unité de distillation atmosphérique (topping) avec un dessaleur dont la capacité nominale est de 750 00 TM/an de brut léger, d’une unité d’hydrotraitement d’essence lourde et de kérosène en opérations séparées de capacité 230 000TM/an, d’une réformation catalytique (reforming) d’essence lourde désulfurée de capacité de 275 000TM/an, le traitement d’essence légère à la soude (merox) de capacité 70 000 TM/an ainsi que les unités auxiliaires (centrale thermoélectrique, parcs à réservoirs de capacité totale de 160 000m3, de la flotille…). Plusieurs études ont déjà été menées pour la modernisation de la raffinerie et son adaptation au brut local. Il s’agit, entre autres, des études menées par la société française TECHNIP qui ont conclu à un besoin d’investissement de 65 millions de dollars.
Celles de la brésilienne PETROBAS avaient notamment l’avantage de proposer quatre alternatives pour moderniser la vieille raffinerie. Il y a aussi l’offre de la sud-africaine Fluor Engineers, qui prévoit non seulement la modernisation de la raffinerie mais aussi la production de bitume pour un coût de 16 700 000 dollars. L’étude date de 1994. Depuis, l’État souffle le chaud et le froid sur la relance de la raffinerie de Muanda qui, il y a 30 ans, couvrait 88 % des besoins en carburant de l’ex-Zaïre.