Développer le secteur des services pour croître la productivité 

Quatre ans après, on s’interroge sur le suivi des recommandations de la rencontre africaine d’Addis-Abeba sur la promotion du secteur des services et du commerce en tant que moteur de croissance. Organisée par la CEA, la conférence avait pour objectif d’évaluer les initiatives afin de répondre aux défis. 

Les thématiques proposées au débat au cours de la rencontre d’Addis-Abeba ont porté sur le développement durable, la création d’emplois par le biais du secteur des services, les opportunités et enjeux de la libéralisation du commerce en Afrique. Convoquée par la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), cette rencontre s’est également penchée sur les initiatives prises aux niveaux national et régional dans ces domaines, ainsi que sur les moyens d’améliorer le soutien apporté par les partenaires au développement et les donateurs afin de répondre aux problèmes auxquels les pays africains font face. Parmi les participants à ce forum, organisé conjointement avec l’Union africaine et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), des responsables du secteur commercial et des services, des organisations de la société civile, du secteur bancaire et des représentants d’organisations internationales actives dans la promotion du développement du secteur des services sur le continent.

Les organisateurs avaient relevé qu’un secteur des services efficace contribue de manière significative à la croissance de la productivité. Par ailleurs, les pays développés continuent de dominer la filière des services. La part du secteur pour les pays en développement a connu une forte croissance ces dernières années, évaluant à 2,2 % la contribution de l’Afrique aux exportations mondiales de services en 2012, contre 8 % en Asie et 6 % en Amérique. Aujourd’hui, on note avec satisfaction que des enfants des migrants commencent à faire le voyage retour pour investir davantage dans le secteur des services et du commerce. Leurs grands-parents et parents avaient fui la misère africaine pour chercher un avenir meilleur en Europe. Aujourd’hui, ils font le voyage en sens inverse… exactement pour les mêmes raisons. Avec, cette fois, très souvent l’atout d’une formation supérieure, héritage des sacrifices consentis par leurs aînés.

Exploiter le potentiel du secteur africain des services passe par une amélioration de la règlementation des services d’infrastructure

Réglementation et politique

Des problèmes de réglementation et de politique générale empêchent l’Afrique de tirer parti du potentiel de son secteur des services, indiquait la CNUCED dans son Rapport 2015 sur le développement économique en Afrique intitulé : « Libérer le potentiel du commerce des services en Afrique pour la croissance et le développement ». Selon la CNUCED, c’est parce que les infrastructures africaines sont insuffisantes et coûteuses que le secteur des services n’a pas été en mesure d’assurer la transformation structurelle requise pour que le continent puisse se développer en fonction de ses besoins. Ce secteur a pourtant été un moteur de croissance dynamique au cours des dernières années. Les services d’infrastructure sont essentiels à la réalisation des objectifs de développement durable pour 2016-2030 que les Nations Unies s’efforcent de fixer et à la création des conditions d’une croissance diversifiée en Afrique.

En outre, certains services d’infrastructure, tels que les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ont un lien direct avec les objectifs de développement durable dont la réalisation est indispensable au développement social. De plus, si les services tels que la distribution d’électricité, les télécommunications et les transports contribuent à la productivité, ils sont également déterminants pour la compétitivité des entreprises africaines. L’Afrique abrite 15 % de la population mondiale, mais ne représente que 2,2 % des exportations mondiales de services, ce qui signifie que le potentiel du secteur est largement sous-exploité.

La CNUCED montre que les pays africains doivent résoudre les problèmes de réglementation et de politique générale qui sont à l’origine de ces dysfonctionnements et pèsent sur la capacité du continent d’exploiter pleinement le potentiel de son secteur des services. Le secteur africain des services enregistre un taux de croissance de 4,6 %, contre 5,4 % dans les pays en développement. Les sous-secteurs les plus dynamiques sont ceux des transports, de l’entreposage et de la communication. Le secteur africain des services a stimulé la croissance du Produit intérieur brut (PIB) dans 30 des 54 pays du continent. Dans 30 des 45 pays où la part des services dans la production a augmenté, on a observé une contraction de l’activité manufacturière.

Certains pays ont développé leur secteur des services avec un relatif succès et fournissent même des services sur les marchés africains. On peut citer à titre d’exemples les industries de services financiers et bancaires de Maurice et du Nigéria, l’industrie du transport aérien de passagers et de marchandises en Éthiopie, au Kenya et en Afrique du Sud, le secteur des services d’éducation en Ouganda, les services de télécommunication en Égypte et l’industrie des services portuaires à Djibouti et au Kenya.

Des infrastructures propres

L’exemple d’Ethiopian Airlines, la plus grande, la plus dynamique et la plus rentable des compagnies aériennes africaines, qui affiche chaque année depuis 2005 un taux de croissance moyen compris entre 20 % et 25 %, est représentatif. Ce géant africain, qui pèse 2,3 milliards de dollars, a enregistré un bénéfice net de 228 millions de dollars au cours de la période 2013-2014, ce qui en fait la compagnie de transports la plus rentable d’Afrique. Pourtant, les pays africains sont toujours aux prises avec la nécessité de créer les infrastructures propres à favoriser l’industrialisation et la croissance économique. Pour assurer l’efficacité des services, il faut mettre en place des cadres réglementaires et des systèmes de contrôle clairs et cohérents. La réglementation des services d’infrastructure joue aussi un rôle décisif en ce qu’elle est garante d’éléments étroitement liés, à savoir l’accès aux services, l’accessibilité économique, le contrôle de la qualité et les exigences en matière d’investissement.

Ce dernier élément est très important en Afrique, où, souvent, les réseaux ont une portée relativement limitée et sont mal entretenus, mais où les prestataires privés peuvent être réticents à les développer et à les moderniser. Toutefois, la tendance étant à la libéralisation plus poussée du commerce des services au niveau régional et au renforcement de l’intégration économique en Afrique, il deviendra peut-être plus aisé de donner la priorité au secteur des services et aux politiques visant à améliorer la contribution du secteur à la croissance. Pour la CNUCED, il faut absolument réglementer efficacement les services d’infrastructure pour les trois raisons. Premièrement, dans l’optique des objectifs de développement durable pour l’après-2015 relatifs à la protection sociale, à l’eau et à l’assainissement ainsi qu’aux indicateurs de santé, une attention accrue est accordée au rôle que joue la réglementation en vue de protéger les consommateurs, d’attirer les investisseurs et de permettre aux gouvernements d’atteindre leurs objectifs. Deuxièmement, les services d’infrastructure, en particulier le transport terrestre de marchandises, sont beaucoup plus chers et de moins bonne qualité en Afrique que dans les autres régions du monde. La CNUCED estime que le coût des transports en Afrique représente 7,7 % de la valeur livrée des exportations, soit plus du double de la moyenne mondiale, qui s’établissait à 3,7 %. Les coûts de transaction sont plus élevés en ce qui concerne le commerce intra-africain que le commerce avec les autres pays du monde. Le coût élevé des transports, qui a fait augmenter le coût de l’activité économique et donc freiné l’investissement privé, empêche aussi les pays africains de tirer profit de la rapide expansion du commerce mondial.

Troisièmement, peu d’Africains ont accès à l’électricité, et la quantité d’électricité produite de manière fiable et constante est trop faible pour faire face à la hausse de la demande. Par exemple, les fournisseurs d’énergie africains auront bien du mal à attirer les investissements et à mener à bien des projets d’investissement de grande envergure car jamais les besoins en investissement dans les infrastructures du secteur n’ont été aussi importants; 74 % des Africains n’ont pas accès à l’électricité. On estime qu’il en coûterait 93 milliards de dollars par an pour combler le déficit énergétique d’ici à 2030. La plupart des États d’Afrique affichent un faible degré d’indépendance de leurs autorités de réglementation dans l’ensemble des secteurs, et les modèles internationaux traditionnels de réglementation des infrastructures ne sont pas régulièrement appliqués en Afrique.