Les derniers jours de la pensée unique du G20

En Allemagne, on pourrait assister à la désintégration d’un consensus qui a guidé le monde depuis bientôt vingt ans

La situation ne manque de sel. A Baden-Baden, les ministres des finances du G20 doivent réitérer ce samedi le credo de l’organisation la plus influente de notre planète: la défense du libre-échange comme moteur de l’économie et principe d’ouverture. Le Groupe des 20 (les dix-neuf principales économies, plus l’UE, qui représentent deux tiers de la population et 90% du PIB mondial) affirme année après année, depuis son lancement en 1999, l’attachement à ce principe, décrié par d’aucuns comme la «pensée unique» de notre temps.

Moscovici contre Mnuchin

Hors cette année, il y a un hic. Le représentant de Washington refuse de jouer la partition imposée jadis par son pays. Le nouveau Secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, se fait prier. «Je peux comprendre que nos partenaires américains ne veulent pas s’engager à ce stade, c’est une administration qui s’installe, expliquait vendredi Pierre Moscovici, le Commissaire européen aux Affaires économiques. Mais la tradition du G20 c’est d’affirmer le libre-échange et de refuser le protectionnisme.» C’est ainsi que l’ancien ministre socialiste français, dont le parti ne s’est jamais vraiment accommodé du libéralisme économique, fait la leçon à l’ancien cadre de Goldman Sachs et membre du parti républicain qui faisait jusqu’il y a peu figure de champion du marché. L’émissaire de Donald Trump ne veut pas entendre parler d’une condamnation d’un «protectionnisme» qui a été le principal argument de vente du candidat milliardaire pour s’emparer de la Maison Blanche.

L’Allemagne résiste

En Allemagne, on pourrait assister à la désintégration d’un consensus qui a guidé le monde depuis bientôt vingt ans. Si ce n’est pas ce week-end avec les ministres des finances, cela devrait se jouer en juillet à Hambourg lors du sommet des chefs d’État du G20 qui sera sans doute la première grande sortie internationale, dans un cadre multilatéral, de Donald Trump. Tout n’est pas encore joué. Si Donald Trump affirme vouloir tenir ses promesses de campagnes, celles-ci se fracassent sur la réalité des traités et des lois, nationaux et internationaux. Le commerce n’échappe pas à la règle. Ainsi, les Etats-Unis, qui accusent un déficit commercial important avec l’Allemagne, menacent-ils d’imposer des taxes douanières aux importations allemandes (comme pour la Chine ou le Mexique). Encore faut-il que cela ne contrevienne pas aux accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). «Ce ne serait pas la première fois que Monsieur Trump échouerait devant les tribunaux», ironisait vendredi la ministre allemande de l’Economie, Brigitte Zypries, en évoquant un possible recours auprès de l’instance genevoise au cas où Washington actionnerait l’arme des taxes douanières.

La Chine en embuscade

C’est ce qu’est allée rappeler Angela Merkel au président des Etats-Unis de vive voix ce week-end. Avant de prendre son vol pour Washington, elle a eu un coup de fil avec Xi Jinping, le chef du parti communiste chinois, et désormais principal tenant de l’ordre économique libéral aux côtés de l’Allemagne. Ce n’est pas qu’avec les Européens que le président chinois compte faire bloc face au reflux protectionniste. En milieu de semaine, un émissaire chinois s’est joint à une rencontre organisée par le Chili pour relancer un partenariat transpacifique (TPP) arraché de haute lutte par Barack Obama et aussitôt abandonné par Trump. Pékin se verrait bien occuper la place laissée vide au banquet du principal traité commercial négocié ces dernières années. Est-ce que les engagements contractuels des Etats-Unis et la prise de conscience que leur retrait du multilatéralisme jouerait en faveur de leur principal concurrent, la Chine, feront finalement dévier Donald Trump de sa ligne? Rien n’est moins sûr. On pourrait bien vivre les derniers jours de la pensée unique du G20.