La SOKIMO passe à côté de l’embellie des cours mondiaux

Les prix de l’or sur le marché international sont repartis à la hausse et les perspectives à long terme sont rassurantes, selon le FMI. Mais la Société des mines d’or de Kilo-Moto ne tirera pas profit de cette remontée

C’est le ministère du Portefeuille qui l’affirme. Cette année, une fois encore, l’ex-OKIMO n’apportera aucun rond au budget de l’État. En 2014 et 2015, la principale entreprise publique qui exploite l’or en Ituri, pouvait justifier le non-versement de ses dividendes par les cours moyens annuels du métal jaune qui  avaient baissé de 8 %. En 2016, par contre, un retournement de tendance a été observé de janvier à décembre, avec une hausse des cours moyens mensuels de  5 %. Et selon les projections du Fonds monétaire international (FMI) du début du second trimestre 2017, le cours de l’or pourrait, en effet, atteindre 1 272,4 dollars à fin décembre 2017. Le FMI s’est, en effet, basé sur le cours moyen mensuel enregistré à fin mars situé à 1 231,15 dollars l’once contre 1 151,47 à fin décembre 2016, pour établir le cours du métal jaune à 1 272,4 dollars dans les cinq prochains mois.

Après les mésaventures des contrats d’amodiation avec les Damseaux, la SOKIMO avait paru reprendre son embonpoint des années 1950-1960, quand elle était cotée dans la Bourse de Bruxelles grâce à la joint-venture Kibali Gold Mines. Hélas.

Joint-venture salvatrice 

Le projet Kibali a produit son premier lingot d’or le 24 septembre 2013. Son investissement initial se chiffre à 1,7 milliard de dollars, constitué de capitaux apportés par Rand Gold et Anglo Gold Ashanti. L’apport de la SOKIMO est en nature un gisement dont les réserves sont estimées à 11 millions d’onces. La joint-venture dispose de dix permis d’exploitation. Rand Gold Resources détient 45 % de la mine, à parité avec le sud-africain Anglo Gold Ashanti. L’État congolais est propriétaire de 10 % restants, à travers la Société des mines d’or de Kilo-Moto. Mais en numéraires, ces 10 % des parts ne sont guère perceptibles dans les caisses de l’État.

Présomption de mauvaise gestion

L’ancienne ministre du Portefeuille, Louise Munga Mesozi, a longtemps accusé le directeur général Michel Makaba de « n’en faire qu’à sa tête » ou encore de « naviguer à vue ». Le directeur général de la SOKIMO sera finalement éjecté de son poste. Mais la situation financière de l’entreprise est toujours loin de se redresser. Les travailleurs de la SOKIMO accusent plus de 12 mois d’arriérés des salaires. La nouvelle équipe dirigeante accuse plutôt Kibali Gold Mines de « mauvaise foi ». Qu’elle refuse de s’acquitter de la redevance inhérente à la cession des gisements d’or d’Ituri. Le directeur général de Kibali Gold Mines, Mark Bristow, s’en défend : « la redevance est payée régulièrement à l’État congolais conformément aux lois qui existent. (…) Si la SOKIMO veut que nous allions encore dans d’autres contrats qui peuvent être négociés différemment, Kibali est tout à fait à l’aise pour en discuter. Mais, nous n’allons pas changer les contrats qui nous lient actuellement à la SOKIMO ».

Pour Mark Bristow, la société vise, pour 2017, une production de 610 000 onces d’or. Alors que la SOKIMO n’a officiellement aucun objectif déclaré. Tous ses gisements non exploités jugés « fabuleux » par les experts de renommée mondiale constituent à ce jour les principales sources de production d’or de nouvelles entreprises, telles que la société minière de Moku-Beverendi avec 6 permis d’exploitation, la société minière de Lubutu, Ituri Gold Mining Company, etc. SOKIMO s’est constituée, au fil des années, d’énormes parcs de rejets ou taillings de 1 476 000 tonnes avec 44 481 kg d’or et 64 364 000 m3 de terrils et sable de décantation avec 14 676 tonnes de cassitérite stocké. Contre  4 016 714 tonnes de cuivre, 603 703 tonnes de cobalt et 1 542 182 tonnes de zinc pour la Gécamines et 6 720 000 m3 des rejets pour la MIBA avec 9 503 000 carats de diamants.

comptoirs

La SOKIMO n’a pas, non plus, tiré profit de cette opportunité alors que le retraitement de ces rejets est désormais possible avec l’évolution des nouvelles technologies. Selon des sources à la Direction générale des douanes et accises (DGDA), certaines entreprises de grande taille produisent de l’or mais dont la traçabilité pour ce qui est de l’exportation pose problème. Il s’agit notamment de la Société minière du Kivu (SOMINKI), Kivu Mining (KIMIN) ou encore Banro. D’après une note de la DGDA transmise aux ministères des Finances et du Budget, la régie financière dit ne s’intéresser qu’à l’« exportation de l’or exploité de manière artisanale par les producteurs économiques autres que la SOMINKI, KIMIN, etc. ». Députés et sénateurs sont montés au créneau ces derniers mois pour fustiger la ruée des Chinois le long de grandes rivières de l’Est dont Ituri, Itimbiri, Ulindi, etc., en quête de l’or avec des dragues et des produits chimiques peu recommandables qui ont porté, par ailleurs, préjudice aux écosystèmes. Il appert que les galonnés de l’armée se soient aussi impliqués dans cette pratique. Hélas, aucun service de l’État ne comptabilise la quantité d’or produit qui est, d’ailleurs, exporté de manière frauduleuse, selon les élus du peuple.

Exploitation artisanale

Les recettes réellement budgétisées de l’État dans le secteur de l’or proviennent essentiellement des activités des orpailleurs. Mais en dépit de la ruée observée à Shabunda, Mambasa, etc., la DGDA n’espère gagner que 100 millions de francs des droits de sortie de l’or artisanal, contre 4,100 milliards pour le diamant artisanal. Selon le Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des matières précieuses et semi précieuses (CEEC), la production de l’or artisanal est estimée, cette année, à 65 623, 14 kg. En 2015, alors que la douane tablait sur plus de 5 milliards de francs, elle n’a perçu que 46,8 millions, soit environ 50 000 dollars. Alors que, selon les statistiques du CEEC, les exploitants artisanaux ont produit  444 038 kg d’or.

En 2016, malgré l’embellie des cours, une production officielle de 63 404 kg d’or, la Direction générale des douanes et accises n’a reçu que 25.4 millions de francs sur des prévisions de 78,1 millions. Au premier trimestre de 2017, la douane s’est, une fois encore, contentée du menu fretin : 6.7 millions de francs sur des assignations de 19 millions. À fin 2016, la RDC comptait officiellement 36 comptoirs d’achat et de vente du métal jaune. Mais selon des sources bien renseignées au ministère des Mines, une bonne vingtaine de comptoirs opéreraient dans le noir.