La date a été respectée. Le lancement officiel de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) a eu lieu le 21 mars à Kigali, comme prévu. Plusieurs chefs d’État et de gouvernement se sont rendus dans la capitale rwandaise, Kigali, pour signer l’Accord-cadre ou la Déclaration de création de la ZLEC. La République démocratique du Congo fait partie du groupe de 40 pays qui ont adopté ce traité. Reste qu’il doit être ratifié par les Parlements respectifs de ces pays avant d’entrée en vigueur. Cependant, certains pays, pas de moindres, comme le Nigeria (actuellement première puissance économique en Afrique), sont encore réticents. D’ailleurs, le président du Nigeria, Buhari, ne s’est pas rendu à Kigali pour signer ce traité. Ce qui n’est pas sans laisser de doute sur l’avenir de la ZLEC.
Mandaté en janvier par ses pairs africains pour conduire le processus de création de la ZLEC, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, veut minimiser les critiques entendues ici et là. D’après lui, quoi qu’il en soit, la ZLEC induira une croissance forte des économies africaines, car elle est « la clé du succès » qui évitera à l’Afrique de continuer d’avoir des « économies exigües, faibles et vulnérables », ne parvenant pas à créer des emplois, à réduire la pauvreté ou à sortir du cycle d’une croissance faible. Concrètement, la ZLEC va fédérer toutes les zones de libre-échange existantes pour les rendre plus compétitives.
Pour rappel, la décision de lancer la ZLEC a été prise en janvier 2012, à la 18è session ordinaire de la conférence de l’Union africaine (UA). L’échéance a été l’année 2017. Le projet de l’Accord-cadre établissant la ZLEC a été adopté, le 1er décembre 2017, à Niamey, au Niger, lors de la 4è réunion des ministres du Commerce. Et il a été validé par les chefs d’État et de gouvernement en janvier dernier. C’est un Accord-cadre dont l’impact sur l’amélioration de la place de l’Afrique dans le monde ne fait aucun doute, estiment des spécialistes de l’intégration économique.
À Addis-Abeba, lors du 30è sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UA, les dirigeants ont affiché leur volonté politique de « réduire, ou carrément supprimer les barrières tarifaires et douanières » entre leurs pays. Objectif : permettre désormais à 1,2 milliard de consommateurs de jouer un rôle plus actif dans la compétitivité au sein du continent. Selon la Commission de l’UA, l’Afrique a réalisé un taux de croissance de 5 % entre 2000 et 2014.
Toutefois, en raison des faibles perspectives économiques, il faut s’attendre à des scores moins bons dans un contexte marqué essentiellement par une faible diversification des économies africaines et l’insuffisance en matière de gouvernance et d’absence d’inclusivité sociale. Selon des connaisseurs, l’idée d’un marché commun continue à séduire l’Afrique, mais il est difficile à ce stade d’en évaluer les effets et les opportunités possibles pour les économies africaines. Une grande question se pose à ce stade : les États africains pourront-ils en tirer profit et capitaliser cette ouverture du marché ? Pour réussir ce projet, certains spécialistes font remarquer que l’Afrique doit poursuivre inlassablement son industrialisation et la modernisation de ses infrastructures.
Pour bien des pays comme la République démocratique du Congo, la tâche est plus difficile parce qu’elle n’arrive pas à développer son commerce au niveau national, faute d’un système de transport multimodal adapté à l’immensité de son territoire. Par conséquent, les produits de base pourrissent dans les contrées reculés du pays car ne pouvant pas atteindre les centres de consommation ou d’approvisionnement que sont les villes provinciales et la capitale Kinshasa. Dans ce contexte, la prudence de certains pays dont la RDC est justifiée car ils craignent de subir les conséquences d’un marché commun continental.
Tout est dans le sérieux qu’on mettra
Les mêmes connaisseurs notent qu’il faut qu’il y ait d’abord des produits (compétitifs) à échanger entre pays africains, sinon la ZLEC va ressembler à une « coquille vide ». Cependant, bien exploité, ce projet pourra accroître de 52 % le commerce intra-africain, soit un peu plus de 35 milliards de dollars, d’ici à 2022. Avant tout, il faudra réunir toutes les conditions utiles et mettre en œuvre les politiques de développement visant l’amélioration des infrastructures liées au commerce et les procédures douanières. Enfin, chaque État devra réduire les coûts de transit et autres coûts des échanges.
Cette initiative d’un marché commun africain vise in fine l’élimination des droits de douane, des restrictions quantitatives à l’importation entre les 54 États africains, tout en laissant libre cours à chaque pays d’adopter sa propre politique commerciale. Cet Accord-cadre est la concrétisation de la promesse de faire de l’Afrique un « acteur compétitif en matière d’investissements, de production, d’innovations et de commerce ». Le but ultime est un « meilleur rapprochement des peuples du continent », a rappelé le président Issoufou. Pour qui, l’Afrique compte des pays moins avancés, des pays à revenus intermédiaires et des pays à revenus intermédiaires avancés. « Bon nombre de ces pays ont des difficultés à se hisser sur l’échelle du développement durable, notamment en raison de leur dépendance vis-à-vis de la production et de l’exportation de matières premières, ainsi que de par la taille réduite de leurs économies », a-t-il encore souligné à Kigali. Pour cela, son leitmotiv est que tous les gouvernements africains et tous les acteurs concernés œuvrent à la transformation structurelle des économies africaines afin de les placer sur la voie d’une croissance forte et inclusive, de la création d’emplois et de la diversification économique.