L’Agence congolaise de presse risque d’être dépossédée de son immeuble

Le directeur général par intérim de l’Agence congolaise de presse (ACP), Justin Kangundu Khony, envoie tout le monde circuler. D’après lui, la concession et l’immeuble situés aux n° 44-48 de l’avenue Tabu-Ley, ex-Tombalbaye, dans la commune de la Gombe, sont désormais hors d’atteinte des prédateurs. Il déclare avoir obtenu des services délivreurs de titres immobiliers de Lukunga un certificat d’enregistrement couvrant l’immeuble précité ainsi qu’un titre de propriété de la concession. Pourtant, depuis fin décembre 2016, des rumeurs persistantes font état d’une probable vente de cet immeuble. L’Agence zaïroise de presse (AZAP) l’avait occupé, voilà pratiquement 45 ans, à l’époque où Panu Panu Bibanda était le patron de cette agence.

La rumeur devient plus en plus persistante depuis fin décembre 2016 sur une probable vente du siège l’ACP. Le montant de la vente de ce bâtiment racheté à un grec, il y a près de 45 ans, n’a jamais été versé en totalité. D’où les prétentions des tiers pour son acquisition.

Selon des sources, l’immeuble appartenait à un Grec du nom de Phitidis, qui l’avait vendu pour quelque 63 700 zaïres en 1973. L’État acheteur avait versé d’abord un acompte de 13 700 zaïres. Mais voilà que la même année, le régime décida de zaïrianiser (nationaliser) les biens des étrangers, notamment des Occidentaux. Phitidis en fit les frais et le solde de 50 000 zaïres ne lui est jamais payé, à en croire ce professeur de l’ex-ISTI. Le litige serait versé dans le contentieux de la dette intérieure, explique un ancien journaliste de l’ex-AZAP. Seule certitude, l’argent n’a jamais été versé. Selon un expert, la somme de 50 000 zaïres équivaudrait aujourd’hui à 2,5 millions de dollars.

Pour le moins, l’immeuble est dans le viseur d’un groupe de « prédateurs », pour reprendre l’expression du DG de l’ACP. Qui serait alors derrière cette affaire ? Est-ce Phitidis lui-même ou un de ses héritiers qui serait venu recouvrer les droits perdus ? L’affaire du Grec Youpis qui réclamait son immeuble de Lubumbashi, dûment assuré à la Société nationale d’assaurance (SONAS) à Moïse Katumbi, alors tout puissant gouverneur du Katanga, a-t-elle fait des émules ? Quand on  sait que cette affaire a été transféré au parquet et a fait des vagues…politiques. Autant de questions qui demandent à être élucider. Tout comme l’immeuble qui ne semble pas être sécurisé, la concession de l’ACP n’est pas à l’abri d’un lotissement sauvage. Il y a 10 ans, un Libanais du nom de Ghassan avait défié publiquement, avec des propos orduriers, le ministre de l’Information et des Médias, Toussaint Tshilombo Send, qui voulait s’opposer à la construction des magasins dans la concession par ce Libanais la considérait comme « un bien sans maître ».

Domaine privé de l’État visé

D’ailleurs, c’est sous cette qualification que la plupart des immeubles relevant du domaine privé de l’État ont été spoliés. Par exemple, de 68 immeubles de l’Institut national de sécurité sociale (INSS) inventorié à Kinshasa et à Lubumbashi en 1966, il ne reste plus que 23 dans la capitale et 15 dans le chef-lieu du Haut-Katanga. Un expert des Affaires foncières a laissé entendre, lors du lancement de l’opérartion de numérisation des certificats d’enregistrement que beaucoup d’immeubles de l’État ne sont couverts par aucun titre. Parmi lesquels, le Palais du peuple, la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN)…

Un groupe d’arpenteurs et de géomètres du Cadastre foncier munis d’un ordre de mission du ministère des Affaires foncières, s’emploie actuellement à la FIKIN à saucissonner un terrain de près de 3 ha, le long du boulevard Lumumba, à Limete. La FIKIN considère ce terrain comme revenant à son patrimoine depuis 1997. Et comme pour se protéger, la direction générale de cet établissement public a placé des pancartes tout autour du site indiquant que le terrain est une propriété de la Foire.

« Cela n’a aucune valeur juridique », souligne un expert. La Direction générale des impôts (DGI) en fait une triste expérience. Récemment à la N’Sele, dans la banlieue est de la capitale, le directeur général Sele Yalaghuli, a visité un lotissement décidé en 2010 par un arrêté du ministre des Affaires foncières en faveur des agents de l’Hôtel des impôts. Mais cet espace est actuellement envahi par des tiers avec des documents dûment livrés par les mêmes services des Affaires foncières.

La rédaction de l’ACP est pour le moment submergée par des avis de perte de certificat d’enregistrement. Ce média public en aurait même fait un acte générateur de recettes. Mais, ironie de l’histoire, l’ACP se retrouve aujourd’hui dans le même lot que des personnes physiques ou morales en proie à des soucis des titres de propriété de leurs biens immeubles. Le port privé SAC (Société agricole et commerciale Sarl) invite la population à se méfier de toute personne qui prétend vendre ledit port, sis n°1918-1919, avenue des Poids-Lourds, en se servant d’anciens certificats d’enregistrement déjà annulés.

Le ministère des Finances, compte aussi parmi les victimes. Il semble que les titres originaux sont introuvables à la Banque centrale du Congo (BCC). Voilà la raison avancée, le plus officiellement du monde, par le secrétaire général à ce ministère, Christophe Bitasimwa Bahii. Au total, 14 certificats d’enregistrement des 14 immeubles, tous situés dans la commune de la Gombe, sont introuvables.