Business et Finances : Quelle réflexion préliminaire faites-vous de l’agriculture, notamment en Afrique ?
Lambert Pungu Okito : D’après plusieurs rapports et études croisées des institutions de développement des Nations Unies et autres recherches récentes, il est clairement démontré que le développement de l’Afrique passe inexorablement et avant tout par l’amélioration de l’agriculture. Disons-le, l’agriculture doit constituer la priorité des priorités pour les États africains en général. Si cette réalité est vraie pour toute l’Afrique, elle n’en demeure pas moins pour la République démocratique du Congo, un pays à vocation agricole par excellence. À l’instar donc des autres pays du continent africain, le progrès de la RDC repose sur le secteur agricole. Incontestablement ! À notre avis, la dialectique du Triangle de la vie ou Triangle of life (Okito, 2014) pourrait servir d’antidote efficace pour le développement de l’agriculture en RDC.
BEF : Justement, comment l’Okito’s Theory peut-elle s’appliquer à la situation de la RDC ?
LPO : L’application de cette théorie à notre pays devrait permettre à la fois de booster son développement économique et d’enrayer la sous-alimentation et la malnutrition, souvent considérées comme la cause de la mortalité infantile en RDC. De ce point de vue, la sécurité alimentaire constitue le poumon du développement économique des pays émergents et la théorie du Triangle de la vie est une panacée aux importants défis auxquels la RDC est confrontée en ce début du XXIe siècle.
BEF : Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ?
LPO : Le Triangle de la vie démontre clairement que le secteur agricole est l’épine dorsale dont les principaux axes sont l’éducation, la santé, et l’économie. Donc, l’agriculture est l’orthocentre de ces trois secteurs. Okito’s Theory représente, en quelque sorte, la courroie de transmission pour l’envol économique de notre jeune nation. Curieusement, la jeunesse qui constitue la tranche d’âge de la population la plus nombreuse et la plus vigoureuse en RDC, semble moins s’intéresser aux travaux agricoles. Or, c’est parmi les jeunes déscolarisés que le chômage sévit le plus. La faiblesse de l’économie de la RDC est due en partie à l’absence d’exportation des produits agricoles. Point n’est besoin de dire que l’inflation dans un pays est fonction de l’importation et de l’exportation des produits domestiques.
BEF : Donc, pour vous, l’agriculture est assurément le secteur clé dans la transformation et la consolidation de la structure de l’économie….
LPO : Je ne vous le fais pas dire. En effet, les chercheurs affirment que l’agriculture est le moteur de développement économique des pays du Sud. Si elle est appliquée, l’équation de la production agricole devrait être favorable à la RDC, à cause justement de ses mérites climatiques, sa localisation géographique, et sans oublier sa biodiversité. Il faut dire que la nature a été clémente, voire trop même, pour notre pays. Surtout, si on ajoute à cela les meilleures conditions pédologiques que l’on trouve dans le pays. La pluviométrie et le photopériodisme sont des éléments importants de la production agricole, et sont sans doute un atout pour la RDC.
Par ailleurs, la forêt équatoriale qui regorge d’énormes éléments de la biodiversité et de ressources naturelles, offre des meilleures conditions pour la production agricole. Tous ces paramètres de production sont applicables dans toutes les provinces du pays. S’ils sont réunis, la production agricole donnera des meilleurs résultats, et notre pays pourrait exporter les produits agricoles et devenir le grenier de l’Afrique.
BEF : Depuis longtemps, dans notre pays, l’agriculture a été décrétée priorité des priorités. Et cela n’est resté qu’un simple slogan…
LPO : Il est démontré que sans le développement du secteur agricole, le démarrage économique des pays du Sud est difficile. La raison est simple : l’inflation affecte les prix des denrées alimentaires. Pour un développement solide et durable, il est recommandé aux responsables (Police Markers) de mettre sur pied un plan de développement agricole autonome dans chaque province du pays…
BEF : Mais le pays dispose d’une loi sur l’agriculture et de plusieurs plans agricoles… Ça ne suffit-il pas ?
LPO : À mon avis, de nouvelles initiatives et innovations dans le secteur agricole peuvent développer l’économie de chaque province. Par exemple, en utilisant l’équation de production (température, humidité et pluviométrie), le développement agricole se fera sur les points suivants : la diversification des cultures par région ou province ; l’évaluation pédologique par région ou province et systématique des cultures par région ou province ; l’évaluation des centres de recherches scientifiques ; le renouvellement des écoles techniques agricoles.
BEF : Vu sous cet angle, quelles sont les cultures à développer région par région ou province par province ?
LPO : Les céréales (graminées), telles que le blé, le maïs, les haricots, le riz, le sorgho, le millet, le bambou, les arachides… ; les denrées d’exploitation industrielle, à savoir le café, l’huile de palme, le caoutchouc, la noix de coco, le coton, la canne à sucre, le plantain, le melon… ; les tubercules comme l’igname, le manioc, le taro, la pomme de terre… ; les légumes comme les tomates, les concombres, les courges, les oignons, les ails, les céleris, le persil, les betteraves… ; les agrumes, notamment le citronnier, l’oranger, le citronnier… ; et les fruits comme le manguier, le goyavier, le bananier… La liste n’est pas exhaustive.
BEF : Après cette réflexion préliminaire, quels sont les problèmes, les préoccupations et les défis de l’agriculture en RDC ?
LPO : Les problèmes liés à la production sont nombreux, mais les principaux sont l’absence d’infrastructures routières appropriées pour soutenir l’agriculture (un large éventail de services permettant la production) ; l’insuffisance des structures adéquates pour la recherche scientifique et biotechnologique (création de laboratoires des recherches agricoles), la transformation des aliments locaux ; la conservation des aliments ; et la vente des produits agricoles.
En outre, il y a la faiblesse de la chaîne de valeur alimentaire, c’est-à-dire les menaces et les obstacles à la chaîne de valeur agricole en raison du manque d’installations de conservation et de transformation agroalimentaires ; la perte et le gaspillage énormes des produits agricoles ; la mauvaise gestion des produits agricoles ; les entraves à l’exportation des produits ; l’insuffisance de pouvoir (législation) pour l’application des règlements sur la quarantaine ; et le manque d’installations de transport appropriés et abordables des produits agricoles.