BEF : Bref, l’inflation a des effets cycliques sur le marché…
LPO : Absolument ! L’importation des produits nécessite l’achat des devises, notamment le dollar. La demande en devises va donc augmenter, ce qui va bouleverser le taux de change ou la parité dollar-franc congolais. Par conséquent, les produits importés vont devenir rares sur le marché par le simple fait que la demande de devises a connu une hausse. Sur le marché donc, un client achètera 2 kg de sucre pour 2 dollars et un autre va débourser 6 000 FC pour la même marchandise.
En schématisant, l’inflation se résume à ceci : plus de liquidité – plus de consommation – plus de demande de produits sur le marché – hausse des prix et diminution des produits importés par rapport aux produits domestiques – hausse des importations – augmentation des devises étrangères – dévaluation de la monnaie locale – coût élevé d’achat des devises – augmentation de la demande de la monnaie locale et de produits étrangers – hausse des produits exportés.
BEF : quel risque fait courir l’inflation à l’économie ?
LPO : En général, si le change monétaire s’effectue dans les conditions décrites ci-haut, la situation d’importation des produits va poursuivre son cycle. Cependant, il y aura rareté des produits domestiques sur le marché. Ce qui va décourager la production locale des produits agricoles et pouvoir occasionner le chômage. À ce moment-là, le gouvernement doit mener une action rigoureuse pour réduire l’inflation et maintenir la désinflation (garder le taux d’inflation en baisse).
C’est le cycle normal de l’économie agricole dans notre pays : quand la monnaie locale est faible ou dévaluée, le prix des produits de l’importation subit une augmentation. Quand le pays dévalue sa monnaie locale, l’importation des produits est coûteuse, parce que l’achat des devises devient aussi onéreux. Ce qui favorise le chômage et la cherté de la vie dans les pays du Sud (pays en voie de développement). Cela explique aussi la baisse du niveau de vie. La consommation d’aliments de base devient alors difficile.
BEF : Ce qui entraîne le déficit de croissance, notamment chez les enfants…
LPO : Absolument ! Les enfants ont plus besoin d’éléments nutritifs pour leur croissance physique et intellectuelle. S’ils ne sont plus en mesure de respecter le programme alimentaire qui favorise la croissance normale, cela entraîne le déficit en croissance qui affecte le quotient intellectuel ou le QI. Le quotient intellectuel est un score dérivé d’un test psychométrique, dit d’intelligence, qui mesure les capacités cognitives ou l’intelligence d’une personne par rapport à son groupe d’âge.
Le Triangle de la vie explique cette corrélation entre l’agriculture (orthocentre), l’économie, la santé et l’éducation. L’intersection de ces trois disciplines est l’agriculture. La bonne santé se trouve dans la bonne cuisine. Ainsi le gouvernement congolais doit s’intéresser à améliorer la santé de la population par une alimentation équilibrée.
BEF : Notre planète est actuellement confrontée à des défis complexes du futur. Quel est le rôle que le secteur agricole va y jouer ?
LPO : Notre monde est aujourd’hui confronté à des enjeux capitaux : changement climatique, explosion démographique, épuisement des énergies fossiles, vieillissement et santé, inégalités croissantes et déséquilibres socio-économiques, perte de biodiversité… Pourtant, la biodiversité, c’est le tissu vivant de notre planète, l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie. Ces défis qui sont complexes et interdépendants, nécessitent l’alliance de nombreux acteurs, s’inscrivent dans le long terme et ne s’accommodent pas des réponses simplificatrices. Il est certain que l’agriculture va jouer un rôle important dans de nombreux domaines malgré le changement climatique qui fait basculer les données climatologiques et météorologiques.
BEF : La RDC qui est le 2è poumon du monde en matière de forêt humide n’a rien à craindre du changement climatique…
LPO : L’intensification des cyclones, sècheresses et canicules sont des phénomènes météorologiques palpables de réchauffement global. À cela s’ajoute l’augmentation des émissions de gaz, notamment le dioxyde de carbone (CO2). Évidemment, la RDC est un pays de référence pour lutter contre les phénomènes météorologiques qui menacent notre planète. Sa forêt équatoriale et sa biodiversité sont des atouts considérables pour lutter contre le réchauffement de la planète.
Par nature très dépendante du climat, l’agriculture doit s’adapter et élaborer des stratégies pour affronter ces nouvelles conditions. Par exemple, l’adoption de nouvelles variétés résistantes à la chaleur, aux maladies, aux insectes…, l’utilisation des engins agricoles, la fabrication des engrais, et l’élevage de bovins, poulets, poissons, moutons et chèvres, pour ne citer que ceux-là, peuvent contribuer à l’amélioration de l’économie du pays.
L’agriculture va devoir nourrir cette population congolaise qui est en forte hausse (explosion démographique due à l’exode du milieu rural). La production brute actuelle (moins de 800 kilocalories/jour par habitant) est pour le moment considérée comme insuffisante pour nourrir la population. Nous pouvons créer des structures d’appui telles que la Chambre de l’agriculture et la Coopérative agricole.
BEF : Quel contenu donnez-vous à cette Chambre de l’agriculture ?
LPO : La Chambre de l’agriculture s’occupera du transfert d’innovations de la recherche vers les acteurs de terrain parce que le monde agricole est confronté à des défis majeurs et complexes (adaptation au changement climatique, érosion de la biodiversité, recherches d’alternatives aux pesticides…), et alors que les attentes sociétales sont de plus en plus fortes.
La Chambre de l’agriculture se chargera également de la mutualisation des connaissances. L’objectif principal de la Chambre sera de rendre accessible l’ensemble de ces connaissances pour améliorer les conseils agricoles apportés aux agriculteurs,…
ainsi que de leur permettre d’accéder de manière simple aux données et ressources via une plateforme.
BEF : Et la Coopérative agricole ?
LPO : La création d’une Coopérative agricole est impérative parce que c’est une entreprise qui appartient aux agriculteurs. C’est une entreprise créée par les agriculteurs, collectivement, et qu’ils gèrent eux-mêmes sur la base du principe démocratique : 1 homme = 1 voix. La Coopérative agricole valorise les produits agricoles, collecte et transforme les productions (céréales, fruits et légumes, lait et viande) des agriculteurs-coopérateurs. Elle contribuera à booster l’économie locale. La Coopérative agricole se situera dans des zones rurales. Chaque territoire aura une coopérative, ce qui créera des activités économiques et des emplois pour la jeunesse déscolarisée. La RDC compte plus de 145 territoires, ce qui fera le total de 145 coopératives. On peut imaginer les coopératives dans tous les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Elles peuvent être de toutes les tailles, mais la grande majorité d’entre-elles seront des petites et moyennes entreprises. La force de l’économie congolaise sera basée sur la Coopérative agricole qui est un pilier de l’économie. Ce sont des acteurs incontournables de l’emploi et de la formation parce qu’ils participent à l’innovation agricole et au rayonnement de la RDC en exportant les denrées agricoles.
BEF : La dialectique du Triangle de la vie, c’est l’agriculture, la santé, l’éducation et l’économie. Quid alors de la santé et de l’éducation ?
LPO : La diversification des productions agricoles et l’amélioration de la qualité sanitaire des aliments peuvent contribuer à allonger l’espérance de vie de la population congolaise. Le taux très élevé de morts subites et de maladies cardiovasculaires de la population congolaise est en grande partie lié à la mauvaise alimentation. L’espérance de vie en RDC est faible (60 ans) comparée à d’autres pays de l’Afrique (70 ans) dont les conditions socio-médicales prévalentes à leur naissance demeurent les mêmes tout au long de leur vie.