C’EST UNE SORTE de « BBC à la française », hormis TV5 Monde et Arte. Le gouvernement français va également retirer au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le pouvoir de désigner leurs dirigeants, pour le confier aux conseils d’administration de ces sociétés.
Franck Riester, le ministre français de la Culture a détaillé dans un entretien au Figaro paru le mercredi 25 septembre la future organisation du service public de l’audiovisuel, l’ultime volet de la vaste loi réformant l’audiovisuel dont il a égrené les mesures depuis le début du mois de septembre.
Comme l’avaient indiqué des sources concordantes à l’AFP début septembre, le gouvernement français, qui souhaite « un service public plus efficace et agile face aux révolutions du numérique », a opté pour la solution d’un regroupement des entreprises du secteur au sein d’une même entité, un holding baptisée « France Médias ». Le projet de loi prévoit la création d’une société mère à la tête d’un groupe baptisé « France Médias ». La société mère détiendra 100 % du capital des sociétés filles: France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (qui chapeaute RFI et France 24, ndlr) et l’Institut national de l’audiovisuel, INA).
Ce grand « meccano » de l’audiovisuel français reviendra à regrouper sous un même toit des télévisions et des radios séparées depuis l’éclatement de l’ORTF en 1975, mais qui doivent de plus en plus faire cause commune sur de nombreux fronts, de la création de la chaîne d’info franceinfo et la lutte contre la désinformation à l’information de proximité, avec le lancement de matinales communes aux antennes régionales de France 3 et de France Bleu.
Arte et TV5 Monde, autonomes
En revanche, comme l’avait déjà rapporté l’AFP, Arte France et TV5 Monde conserveront leur indépendance. Les deux entreprises, aux statuts particuliers car issues de partenariats internationaux, « participeront à cette dynamique en conservant leur actionnariat et leurs gouvernances actuels », a précisé Franck Riester. De quoi rassurer au sein d’Arte, qui avait demandé à ce que son autonomie soit respectée.
Ce holding, en débat depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, devrait être créée début 2021, a précisé encore Franck Riester, et les dirigeants des entreprises concernées verront leurs mandats prolongés jusqu’à fin 2022, pour s’aligner sur la mise en place de cette nouvelle organisation. Le ministre français de la Culture a assuré que, pour préserver l’indépendance du service public, l’État sera minoritaire au sein du conseil d’administration de France Médias, et le président ou la présidente qui aura été désigné(e) ainsi devra être validé(e) par le CSA et par les commissions parlementaires de la Culture. Ces commissions pourront exercer un droit de veto, aux « 3/5è des voix ».
Des lignes éditoriales différentes
D’après lui, c’est le meilleur système pour garantir la nomination d’un « président compétent et indépendant », sans revenir au régime en rigueur sous le quinquennat Sarkozy où c’est le président de la République lui-même qui désignait le patron de France Télévisions. Enfin, il a annoncé que la future autorité de régulation issue de la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de l’Hadopi (l’agence de lutte contre le piratage des œuvres en ligne), toujours dans le cadre de cette réforme, s’appellerait « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique », et aurait pour sigle l’ARCOM.
Le futur holding qui chapeautera les différents groupes de l’audiovisuel public ne sera pas responsable de leur ligne éditoriale qui restera l’apanage de chaque société, a assuré Franck Riester. Qui a détaillé le volet public de la future réforme audiovisuelle, à présenter mi-novembre en conseil des ministres. « Ce sont ces sociétés-là qui garderont la ligne éditoriale, qui décideront de la programmation, et les directeurs et directrices générales de ces entreprises seront les directeurs de publication, comme aujourd’hui », a-t-il précisé.
France Médias sera une structure « légère », en charge « de la stratégie, de l’organisation, de la cohérence, et les contenus resteront dans les organisations », a-t-il poursuivi. Le ministre français de la Culture a également assuré que la baisse de la redevance audiovisuelle (un euro en moins par foyer) n’entraînerait « pas d’évolution » sur le financement de l’audiovisuel public.
« Une trajectoire financière a été demandée, des efforts sont demandés à toutes les administrations, cet effort est prévu jusqu’à 2022 et nous parait soutenable », a-t-il estimé, expliquant que la baisse de la redevance avait été décidée car la collecte était supérieure à la somme prévue dans les budgets de l’audiovisuel public. Soulignant qu’il n’y aurait « pas d’effort supplémentaire pour Radio France », il a indiqué que la redevance pourrait également être « adaptée dans l’autre sens » pour coller à la trajectoire financière prévue: « on veut donner de la visibilité à l’audiovisuel public ».
Pour sa part, Sibyle Veil, la présidente de Radio France, a souligné ceci, dans un message diffusé aux salariés : « Dans un contexte où la question de la redevance est régulièrement remise sur la table, mettre en évidence nos complémentarités et l’ampleur de notre utilité à la société peut être un atout pour l’audiovisuel public. »
Elle estime que l’entité commune devra « porter une ambition spécifique pour Radio France » et assure aux salariés qu’elle sera à leurs « côtés pour porter cette spécificité, ainsi que la nécessité que la nouvelle organisation ne s’accompagne pas de rigidités ou de coûts qui viendraient s’ajouter aux efforts importants dans lesquels nous sommes engagés ».
Roch-Olivier Maistre, le président du CSA, qui s’est dit devant la commission de la culture du Sénat « très attaché à l’idée d’un financement spécifique de l’audiovisuel », a souligné que la question des ressources « se poserait en 2022 avec la fin de la taxe d’habitation ».
La réforme gouvernementale prévoit aussi la fusion du CSA avec l’Hadopi avec un pouvoir de sanction étendu aux plateformes comme Netflix.
Les plateformes devront notamment se conformer aux obligations de financer des contenus audiovisuels français à hauteur d’au moins 16 % de leur chiffre d’affaires, contre « moins de 10 % » aujourd’hui. « Et ce sera plus de 16, croyez-moi! », a évalué le ministre français de la Culture.