Le 1ER Ministre mis au courant des maux qui rongent la Cour des comptes

Les dirigeants de l’organe de contrôle des comptes de l’État ont demandé à être reçus par le chef du gouvernement. Ce dernier leur a accordé le lundi 3 août une audience à l’hôtel du gouvernement sur le boulevard du 30 Juin. L’entretien a tourné autour des difficultés de fonctionnement.

AU SORTIR de l’audience, Ernest Izemengia Nsaa-Nsaa, le président de la Cour des comptes, a déclaré avoir été impressionné par l’attention et l’écoute de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre. « Nous avons demandé à être reçus pour régler les problèmes de fonctionnement », a-t-il déclaré. « Nous », c’est bien sûr lui-même, mais aussi Albert Mwema Mulungi, le secrétaire général, et Léon Vangu Kimwaka, le magistrat procureur général. Le management de la Cour des comptes est allé solliciter de la bienveillance du chef du gouvernement en faveur de la Cour des comptes l’exécution de son budget de fonctionnement. 

Rassuré par les propos de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, Ernest Izemengia a ajouté : « Nous avons posé le problème au 1ER Ministre qui nous a recommandé de rester en contact avec les ministres sectoriels pour poursuivre les pourparlers. Nous sommes des juges des comptes publics, et nous avons besoin, par conséquent, des moyens pour bien faire ce travail. » 

Autorité indépendante

Comme on peut le constater, la Cour des comptes cherche à se sortir de l’hibernation qu’on lui impose. Pourquoi ? Un magistrat de cette juridiction explique : « Dans les États qui se respectent, la Cour des comptes est une autorité indépendante qui exerce à la fois les fonctions de contrôle et de juridiction suprême des comptes publics. Sa mission classique est de publier de nombreux rapports permettant aux citoyens de prendre connaissance des dysfonctionnements constatés à l’occasion de ses contrôles et des mesures correctrices qu’elle suggère. Voilà pourquoi la Cour des comptes n’est pas souvent la bienvenue, et on fait tout pour contrecarrer son action. »

Selon un sondage du centre de recherche multidisciplinaire Alter de Kinshasa pour Business et Finances, deux personnes sur dix interrogées ont une perception exacte, voire bonne, de la Cour des comptes en République démocratique du Congo. Six personnes sur dix disent avoir entendu parler de cette institution et de sa mission. Et deux personnes sur dix ont déclaré ne rien savoir sur la Cour des comptes. 

Et pourtant, l’existence de la Cour des comptes en RDC remonte à la période coloniale. En effet, la Charte coloniale du 18 octobre 1908 soumettait les finances publiques de la Colonie du Congo Belge au contrôle de la Cour des comptes de Belgique (article 13). Et la Loi fondamentale (de Luluabourg) du 19 mai 1960 prévoyait la création d’une Cour des comptes (article 243), mais en attendant son organisation, les finances publiques restaient soumises à la vérification de la Cour des comptes de Belgique.

Pouvoir de contrôle

Ce n’est que le 16 avril 1963 que va être promulguée une loi relative à l’organisation d’une Cour des comptes d’essence parlementaire. Elle sera dissoute en 1965, avant de réapparaître en 1967. Mais il a fallu attendre l’année 1987 pour que la Cour des comptes soit effectivement organisée par les ordonnances-lois n°87-005 du 6 février 1987 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes ; n°87-031 du 22 juillet 1987 réglementant la procédure devant la Cour des comptes ; n°87-032 du 22 juillet 1987 portant statut des magistrats de la Cour des comptes ainsi que l’ordonnance n°87-275 portant organigramme de la Cour des comptes. Pour rappel, depuis janvier 1983, une commission parlementaire instituée par la loi 0001 du 12 janvier 1983 faisait office de Cour des comptes.

Loi organique n°18/024 du 13 novembre 2018 fixe, conformément aux articles 179 et 180 de la Constitution du 18 février 2006, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes en RDC. Elle vise entre autres à renforcer le pouvoir de contrôle de la Cour des comptes. « Par rapport aux textes précédents, la loi organique apporte plusieurs innovations, notamment l’adoption des terminologies courantes dans les Cours des comptes et les organisations internationales de contrôle des finances et biens publics ; la détermination du nombre et des attributions des chambres laissée à l’appréciation du Conseil supérieur de la Cour des comptes ; la création dans les provinces des chambres des comptes déconcentrées ainsi que du ministère public y rattaché », relève ce même magistrat de la Cour des comptes. 

Ce n’est pas tout : cette loi innove également en instituant la formation inter-chambres pour statuer sur les appels formés contre les arrêts rendus définitivement en premier jugement des comptes et de discipline budgétaire et financière. 

Elle instaure l’obligation à charge du 1ER président de la Cour des comptes de requérir l’avis des membres de la Cour avant d’arrêter les prévisions budgétaires définitives ou le programme annuel de la Cour des comptes. Elle réaffirme la prépondérance de la compétence de la Cour des comptes sur les autres organes de contrôle en matière de contrôle des finances publiques. Elle renforce également le pouvoir de contrôle de la Cour des comptes sur les comptes de l’État…

La Cour des comptes comprend un président, des vice-présidents et des conseillers qui ont qualité de magistrats régis par un statut particulier. Le procureur général qui exerce le ministère public près cette Cour, est assisté d’un ou de plusieurs avocats généraux. Les membres de la Cour des comptes sont nommés, le cas échéant, relevés de leurs fonctions par le président de la République, après avis de l’Assemblée nationale. Ils ont la même préséance que les membres de la Cour de cassation. 

Le président de la Cour des comptes définit l’organisation générale et arrête un programme annuel. En principe, son mandat est irrévocable pour garantir son indépendance. Le procureur général exerce son ministère par voie de conclusions, d’avis ou de réquisition. Il veille à la production des comptes dans le délai prescrit et, en cas de retard, requiert l’application des amendes prévues par la loi. Il défère à la Cour des comptes les opérations présumées constitutives de gestion de fait. Le secrétaire général, quant à lui, assiste le président dans la gestion du personnel et assure le greffe central. 

Missions

Selon le même magistrat de la Cour des Comptes, dans l’exercice de sa mission de contrôle des comptes publics, la Cour des comptes est en charge de la vérification sur pièces et sur place de la régularité des recettes et des dépenses inscrites dans les comptabilités publiques. Elle doit aussi s’assurer du bon emploi des crédits et des fonds gérés par les services de l’État, fait-il savoir.

La mission principale de la Cour des comptes, comme le prescrit l’article 180 de la Constitution, est le contrôle de gestion des finances de l’État, des biens publics et des comptes des provinces, entités territoriales décentralisées ainsi que des organismes publics.

La Cour des comptes porte un jugement sur la régularité des états financiers et des comptes des comptables publics selon une approche contradictoires et conformément à des normes généralement reconnues. « Par ses missions de vérification et de contrôle de conformité, la Cour des comptes est censée contribuer à l’amélioration de la gouvernance financière et au respect des principes de reddition des comptes. Elle soumet au président de la République, au Parlement et au gouvernement un rapport assorti de recommandations sur les résultats de ses travaux. »

En matière de discipline budgétaire et financière, la Cour des comptes relève et sanctionne toute infraction à la réglementation relative à l’exécution des opérations de recettes et des dépenses des provinces et des entités territoriales décentralisées, tout responsable ou agent des entreprises et établissements publics soumis à son contrôle, auteur d’une faute de gestion. 

Selon Ernest Izemengia, la réforme de la Cour des comptes exige qu’elle améliore son potentiel professionnel et institutionnel. Le plan stratégique de développement à moyen terme a été conçu comme une réponse aux défis dans le domaine des finances publiques et de la décentralisation.