NOTRE demande d’interview adressée à Hubert Miyimi Muwawa, le directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SONAHYDROC), par l’entremise de son conseiller particulier en communication, est à ce jour sans réponse. Dans quel état cet ingénieur civil et, de surcroît, évangéliste chez RTIF/Église dans la Maison, a-t-il trouvé cette entreprise publique à son arrivée en 2017 ? Partant de ce constat des lieux, quel a été le business plan (plan stratégique) qu’il a concocté pour la remettre sur les bons rails ? De ce business plan, qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui reste encore à faire ?
Un des problèmes récurrents dans les sociétés d’État en République démocratique du Congo, c’est l’amoncellement de salaires non payés, souvent à l’origine des mouvements de grève. Quid de la situation à la SONAHYDROC ? Quelles sont les difficultés que rencontre cette entreprise publique ? Quelles sont ses sources de revenus pour le moment ? Qu’en est-il de ses partenariats ? Et last but not least, comment le DG, lui-même, réagit aux critiques sur sa gestion de l’entreprise ? Toutes ces questions et bien d’autres sont révélatrices d’une réalité : les travailleurs de la SONAHYDROC n’ont plus confiance en son management.
À l’heure du bilan
Que reste-t-il du plan de relance 2017-2021 de la société vanté avec pompe, selon des agents, par le management actuel ? La feuille de route de 2017 prévoit : redonner confiance au personnel, réhabiliter et/ou construire des stations-service, augmenter le volume des produits, nouer des partenariats gagnant-gagnant, assurer la logistique de transport pétrolier, remotoriser les unités fluviales et verser régulièrement les salaires. À l’analyse, ces actions ne sont pas perceptibles. Par exemple, combien de stations-service ont été réhabilitées et/ou construites alors que les crédits auraient été alloués selon les syndicats ?
Quant aux arriérés des salaires, la SONAHYDROC traînait jusqu’à peu un passif des 15 mois dans toutes les provinces, et des 12 à 14 mois à Kinshasa selon les catégories. Sous la pression des syndicats, le DG Miyimi a payé le salaire, tenez-vous bien, de juillet 2019, pour les catégories 63, 62, 61, 53, 52, 51, 43, 42 et 41, c’est-à-dire d’huissier au chef de bureau principal. Tous agents de Kinshasa. Du chef de service jusqu’au directeur, il promet de payer le même salaire depuis deux semaines déjà. Jusque-là rien. Les chefs de division, les sous-directeurs et les directeurs, eux, attendent le salaire de mai 2019. En province, il n’a rien payé. Les agents totalisent 17 mois d’arriérés, nous confie-t-on au siège de cette entreprise publique.
Colère et grincement des dents. Au mois de mai dernier, le syndicat Tous au Travail a écrit à Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, dénonçant « la mauvaise gestion » d’Hubert Miyimi et alerte sur « les actes qui mettent en mal les intérêts vitaux des travailleurs, de l’entreprise du portefeuille de l’État et du Trésor public ».
Médard Simbi Ngemba, le président national du syndicat Tous au Travail, dont le DG Miyimi conteste la légitimité et dont on dit qu’il vit maintenant en clandestinité, a notamment écrit ceci : « Les agents de la SONAHYDROC traversent une situation sociale calamiteuse suite à un contexte de malversations financières savamment créé et entretenu par l’actuel comité de gestion. En républicain, après des efforts répétés sans succès, j’ai finalement pris la responsabilité de porter ces faits infractionnels à la connaissance du procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa-Matete à l’effet de faire éclater la vérité judiciaire en toute indépendance ».
« Un dossier explosif »
Au propre comme au figuré, c’est « un dossier explosif qui est désormais entre les mains de la justice », souligne un cadre syndical de l’entreprise, qui dénonce par ailleurs « un système concentrationnaire mis en place dont les effets sont la clochardisation des travailleurs ». Ces derniers reprochent à leur directeur général le non-respect des textes réglementaires (gestion administrative) de la SONAHYDROC.
Face à une gestion financière qu’ils décrient, les travailleurs de la SONAHYDROC sont persuadés que l’entreprise ne pourra pas remplir sa mission et reprendre son activité en amont tout comme en aval pétroliers, après plusieurs années de mauvaise gouvernance. Dans le plan quinquennal 2017-2021, des objectifs stratégiques ont été assignés au management de l’entreprise : en amont, la prospection, l’exploration, la certification des hydrocarbures (pétrole et gaz) et le relèvement du niveau de la production nationale actuelle du pétrole brut, en mettant en valeur tous les gisements identifiés de différents bassins sédimentaires. En aval, la formation des stocks stratégiques et l’approvisionnement régulier du pays en produits pétroliers. Cette dans cette optique que le management actuel a signé des accords de partenariat.
Cependant, dans ces accords, les travailleurs ne voient que « détournement de deniers publics » et « opacité ». Ils épinglent à ce propos les accords passés avec la société FracGeo LLC et avec la société Log (Ledya Oil&Gaz) Sarl. « Lorsqu’on n’a pas une évaluation correcte ou lorsqu’on fait une mauvaise évaluation des réserves, il y a possibilité de bradage ou de détournement et de corruption », se contente de souligner un expert maison.
Les travailleurs dénoncent également la « cession illégale des actifs » de la SONAHYDROC dans le dossier Surestream, « bradés en faveur de Log, une société sans expertise pétrolière reconnue dans l’amont pétrolier (exploration-production) et sans assiette financière suffisante selon les normes de l’industrie pétrolière internationale ». Ce n’est pas tout. Ils citent aussi SOMICO comme bénéficiaire de la cession des actifs « dans un flou total et sans contrepartie avérée ». D’après eux, « une transaction opaque et à la limite mafieuse ». Et ils chiffrent les pertes pour l’État en millions de dollars.
Les mêmes travailleurs rappellent que les données pétrolières sont la propriété de l’État. Pour les acquérir, il faut payer. « C’est une des sources de revenus pour le gouvernement et pour la société ». Cependant, sous le couvert d’une société créée de toutes pièces, « des données pétrolières ont été vendues à une société basée en France et qui est une société-écran de FracGeo basée aux États-Unis ». On rapporte que les deux sociétés ont un même actionnaire, qui offre argent, voyages en France, frais de séjour, etc. « Un mandataire ne peut pas vendre ces données pour son compte personnel. C’est une faute grave. Il y a à la fois un conflit d’intérêt et un délit d’initié », râle un cadre de l’entreprise.
Dans le partenariat avec Petrocam, le DG et son adjoint sont accusés par les syndicats de « se faire payer des salaires », alors qu’ils sont rémunérés par la SONAHYDROC.
Pour rappel, en 2014, FracGeo LLC basée à Houston avait proposé à la RDC un projet de « digitalisation et vectorisation des données existantes » et de « traitement des données numérisées » par la méthode 3G (géologie, géophysique et géo-mécanique) dans ses centres à Houston et à Pau en France. Le projet visait « l’optimisation de la production des réserves et la découverte des ressources additionnelles, notamment dans la zone du bassin côtier : blocs de Nganzi ainsi que Yema Matamba/Makanzi/Ndunda, et dans la cuvette centrale. FracGeo a estimé le coût du projet à 2 millions de dollars, mais est prête à consentir une remise de 800 000 dollars.
Mais, Augustin Matata Ponyo, alors 1ER Ministre, a, après analyse, retoqué ce projet : « La précarité des données existantes de nos bassins sédimentaires ne permet pas d’évaluer le potentiel par la méthode proposée… » Dossier à suivre.