« Le cumul des pertes de 2015 à 2020 ne dépasse le capital social »

Les lignes exploitées par Congo Airways sont en majorité déficitaires ne permettant pas de couvrir totalement les charges d’exploitation.

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Dans plusieurs pays, le gouvernement accorde les subventions d’équilibre aux compagnes qui exploitent les lignes déficitaires pour combler le gap. « Il aurait été souhaitable que l’équipe de contrôle fasse une analyse comparative des indicateurs de gestion d’un échantillon des compagnies aériennes à travers le monde pour comprendre que cette situation n’est pas propre à Congo Airways, et qu’elle est liée au secteur d’activité aérienne. Néanmoins, si Congo Airways veut fonctionner comme une société commerciale au sens strict, elle sera appelée à ne plus exploiter les lignes déficitaires avec comme conséquence l’enclavement de la quasi-totalité des provinces de la République. Personne n’est en mesure de prendre une telle décision. »

Sixièmement, « le risque élevé de faillite car les pertes enregistrées dépassant le capital social ». Congo Airways fait observer que le cumul des pertes enregistrées de 2015 à 2020 ne dépasse pas le montant du capital social fixé à CDF 109 999 100 000. Les comptes de 2020 sont en cours d’audit. L’hypothèse de faillite n’est pas envisageable. Il sied de relever la volonté de l’État d’accompagner Congo Airways dans le programme d’acquisition des avions avec le versement des acomptes qui seront capitalisés. Donc, cette affirmation devrait être relativisée. »

Septièmement, « l’échec total dans l’atteinte des objectifs assignés à la société dans le cadre du code des investissements ». Congo Airways a porté à la connaissance des inspecteurs des finances que le plan d’affaires initial élaboré en octobre 2015, lors de la création de la compagnie, prévoyait, au démarrage, l’exploitation avec 4 avions (2 A320-200 et 2 Q400), et qu’au bout de 5 ans, la flotte serait constituée de 10 avions dont 8 A320-200 et 2 Q400. « Faute d’investissement nécessaire de la part des actionnaires de la compagnie, cette prévision n’a pas été réalisée. De plus, en termes de besoins financiers pour les investissements, la compagnie avait besoin de USD 139 millions pour les deux premières années, montant non reçu jusqu’à ce jour. En 2021, soit 6 ans après, le capital de la société demeure inchangé à USD 117 millions. D’où un gap de USD 22 millions. » Et à cela s’ajoute la pandémie à Covid-19 qui a frappé de plein fouet les compagnies aériennes dont certaines sont en liquidation. Point n’est besoin aussi de souligner la concurrence déloyale à laquelle fait face la compagnie aérienne nationale au vu et au su de tous. « Cela impacte significativement les revenus de la société. »

L’IGF a tout faux ?

Ce n’est pas tout. L’IGF a retenu également à charge des mandataires à Congo Airways le « paiement non justifié de 2 352 144.26 dollars résultant de la surfacturation manifeste en faveur des fournisseurs des services de douane », le  « détournement de fonds par les agents à hauteur de USD 2 040 858.79 résultant du non reversement des recettes des ventes de billets », le « paiement de USD 8 784 710 au titre des prestations à l’Autorité de l’aviation civile (AAC) sans que lesdites prestations ne soient réelles pour la période de 2016 à 2020 ».

Mais aussi le « paiement de USD 3 517 910.80 au profit de la société ITM sans soubassement contractuel », la « cession à Engen/DRC (USD 946 317.90) et à Cobil/RDC (USD 1 086 625.90) au titre des décotes non justifiées de la subvention accordée à Congo Airways par le gouvernement dans le cadre de la structure des prix des produits pétroliers », l’« existence des sorties des fonds non justifiées pour un montant total de CDF 2 770 273 464.25 passées en charge au détriment de la société »

Ainsi que le « paiement injustifié de USD 123 200 en faveur d’un organisme privé Congo Challenge au motif d’arbitrage d’un conflit d’ordre administratif entre Congo Airways et la RVA, d’une part, et, d’autre part, entre Congo Airways et le FPI », le « paiement anticipatif de USD  99 600 au profit de la chaîne de télévision Wapicom pour diffusion des spots publicitaires en violation de toute procédure des marchés publics » et enfin le « paiement exorbitant au titre de location des matériels de transport pour USD 1 917 424 ».

Pas facile de diriger Congo Airways

D. L.

Quand Désiré Balazire Bantu a pris les commandes de Congo Airways en avril 2016, le gouvernement – donc l’État qui est l’actionnaire majoritaire de la société – lui a assigné une mission bien précise : améliorer la gestion de la compagnie. Par amélioration de la gestion, il lui a été demandé clairement de « réduire les dépenses ou les charges de la société et de revoir les dossiers du personnel ». Désiré Balazire a hérité d’un personnel pléthorique, 426 agents, pour une jeune compagnie aérienne qui a démarré avec seulement deux avions en exploitation. Les deux autres avions sont arrivés bien après, en mai 2016 et c’est à ce moment là que Congo Airways a lancé les vols commerciaux avec ses modules Q 400. 

Redresser la compagnie signifiait qu’il ne fallait plus recruter. En effet, dans ce secteur, la norme internationalement admise est d’environ 35 employés par avion. Ici, tout ou presque se fait encore manuellement alors qu’ailleurs c’est la technologie. En plus, la sous-traitance est très développée et à des coûts abordables. Ailleurs, le gros du personnel est constitué des navigants qui sont dans les avions tandis que l’administration est tenue par un personnel vraiment réduit. 

Congo Airways a rectifié sa commande ferme de décembre 2019 de deux aéronefs E175 avec deux droits d’achats supplémentaires. Désormais, ce sont deux avions E190-E2 avec deux options supplémentaires qu’elle va acquérir auprès de l’avionneur Embraer. Probablement en décembre prochain, a laissé entendre Désiré Balazire qui est un homme de parole. En janvier 2020, lors de la cérémonie d’échange de vœux entre le management et le personnel de la compagnie aérienne nationale, il déclarait que l’année 2019 aura été une année difficile mais Congo Airways envisageait l’avenir avec optimisme. 

Il prévenait également que l’année 2020 n’allait pas être de tout repos. Et c’est comme s’il voyait déjà venir la pandémie de Covid-19. En effet, depuis 2018, Congo Airways fait face à une concurrence déloyale. Le bilan 2019 n’est pas reluisant pour la compagnie. Les avions de la flotte Q400 n’ont pas été tous disponibles du fait de la maintenance dont le check-c. Cela a laissé des traces sur la productivité et les recettes de la compagnie. 

Néanmoins, la compagnie aérienne nationale a su garder la tête hors de l’eau. Des lignes ou escales ont été ouvertes : Kinshasa-Kolwezi via Mbuyi-Mayi, Goma-Lubumbashi-Kalemie via Kinshasa… Avec son plan d’expansion, Congo Airways ambitionnait de prendre une nouvelle dimension : il était prévu que l’E175 fasse son entrée dans la flotte, 9 nouvelles escales soient ouvertes…

Le nouvel accord conclu avec l’avionneur Embraer pour l’acquisition de deux E190-E2 full options à 256 millions de dollars (prix du catalogue) devait être inclus dans le carnet de commandes d’Embraer pour le deuxième trimestre de 2020. « Ces nouveaux appareils remplaceront nos anciens turbopropulseurs et nous permettront d’étendre nos opérations à travers le pays et également dans la région vers l’Ouest, le Sud et le Centre de l’Afrique », déclarait Désiré Balazire Bantu. 

Et d’ajouter : « Malgré les circonstances actuelles difficiles, les fondamentaux de notre marché n’ont pas changé. L’avionneur Embraer promet d’« apporter son soutien à Congo Airways qui améliore l’offre destinée à ses clients ». C’est ainsi que les deux appareils seront configurés en double classe avec une capacité totale de 96 sièges dont 12 sièges décalés en classe d’affaires.