LA CROISSANCE en Afrique subsaharienne devrait rester de 3,2 % en 2019 et monter à 3,6 % en 2020, pronostique le Fonds monétaire international (FMI). Cependant, souligne l’institution de Bretton Woods, la reprise attendue est plus lente que prévu précédemment pour environ deux tiers des pays la région. La cause en partie à une conjoncture extérieure difficile.
La croissance devrait demeurer vigoureuse dans les pays pauvres en ressources naturelles, avoisinant en moyenne 6 %. Par conséquent, 24 pays, comptant environ 500 millions d’habitants, verront leur revenu par habitant augmenter plus vite que le reste du monde. Par contre, la croissance devrait être lente dans les pays riches en ressources naturelles (2,5 %). En conséquence, 21 pays devraient enregistrer une croissance par habitant plus faible que la moyenne mondiale.
Pour réduire les risques et promouvoir une croissance durable et inclusive dans tous les pays subsahariens, il convient de calibrer avec soin le dosage à court terme de la politique économique, de renforcer la résilience et de relever la croissance à moyen terme, estime le chef du Département Afrique au FMI.
La montée des tensions commerciales et géopolitiques a entraîné un ralentissement économique généralisé à l’échelle mondiale. « L’Afrique subsaharienne subit les conséquences de ce contexte plus délicat. Même si la croissance dans la région devrait se maintenir à 3,2 % en 2019, elle est plus faible que ce que nous avions prévu il y a six mois, lors de notre dernière prévision. Il convient en outre de noter que cette situation ne se limite pas à quelques pays uniquement. La croissance dans deux tiers des pays de la région a été révisée à la baisse, bien que modestement (0,3 point de pourcentage en moyenne) », explique l’expert du FMI à l’Agence Ecofin.
Et il poursuit : « Ce ralentissement se produit à un moment où les pays doivent afficher une croissance beaucoup plus rapide pour créer des emplois pour les 20 millions de jeunes qui entrent sur le marché du travail en Afrique subsaharienne. » Dans ce contexte, que peuvent faire les pays pour améliorer leurs perspectives de croissance ? « Une concurrence accrue entre les entreprises peut stimuler de manière décisive l’investissement privé, la croissance de la productivité et la compétitivité extérieure. La concurrence entre les entreprises en Afrique subsaharienne est plus faible que dans le reste du monde ».
Ainsi, les consommateurs d’Afrique subsaharienne font face à des prix plus élevés que les consommateurs de régions comparables. Les marges bénéficiaires brutes des entreprises, un indicateur de la mesure dans laquelle les prix sont supérieurs aux coûts de production, sont, en moyenne, 11 % plus élevées dans les pays d’Afrique subsaharienne que dans les autres pays émergents et pays en développement.
Approche nouvelle
Comme dans d’autres parties du monde, explique l’expert du FMI, ces marges ont augmenté dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne au cours de ces dernières années, notamment au Nigéria et en Afrique du Sud, les principales économies de la région. « En moyenne, les marges bénéficiaires brutes des entreprises sont généralement plus élevées dans le secteur des services, pour les pays exportateurs de pétrole dont l’économie est moins diversifiée, et dans les entreprises publiques, qui sont plus répandues dans les pays d’Afrique subsaharienne que dans le reste du monde », dit-il.
D’après lui, une concurrence accrue peut être extrêmement bénéfique pour la région : « Elle permettrait d’accélérer la croissance du PIB réel par habitant d’environ 1 point de pourcentage, ce qui se traduirait par une augmentation du niveau de vie deux fois plus rapide que celle que connaît actuellement la région (en parités de pouvoir d’achat). Elle profiterait directement aux consommateurs en entraînant une baisse des prix des biens et services, en particulier des produits de première nécessité. » Les prix des denrées alimentaires, par exemple, sont en moyenne 27 % plus élevés en Afrique subsaharienne que dans les autres régions en développement et environ un tiers de cette différence pourrait être éliminé si la concurrence était renforcée.
Une vague de réformes à la fin des années 1990 et au début des années 2000 a contribué à accroître le potentiel de croissance dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, mais la dynamique de réforme a ralenti ces dernières années, note le FMI. « Il faut adopter une approche nouvelle et globale pour améliorer la concurrence. Il convient pour cela de définir un véritable cadre d’action, y compris un droit de la concurrence adéquat garanti par une autorité de la concurrence indépendante et dotée de ressources suffisantes », souligne le chef du Département Afrique.
Il est donc indispensable d’engager des réformes permettant à un plus grand nombre d’entreprises du secteur privé d’entrer sur le marché. Il est en outre essentiel de prendre des mesures complémentaires, notamment en faveur de l’ouverture aux échanges et à l’investissement étranger direct, pour encourager la concurrence. « Dans ce contexte, la mise en œuvre de l’Accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) est l’occasion unique d’accroître la concurrence et de stimuler la croissance dans la région », fait-il encore remarquer.
Par ailleurs, il convient de définir soigneusement d’autres mesures macroéconomiques, notamment sur le plan budgétaire et en ce qui concerne les passations des marchés, afin de ne pas fausser la concurrence en créant des conditions inéquitables entre les acteurs du marché. « Il faut bien avoir à l’esprit que toutes ces mesures ont tendance à se renforcer les unes les autres.
La libéralisation du commerce et de l’investissement, par exemple, stimule la concurrence, mais sans un véritable cadre d’action en la matière, les retombées positives de cette ouverture ne se concrétiseraient pas et les marchés pourraient être repris par quelques grandes entreprises qui se livrent à des pratiques commerciales déloyales », avertit l’expert du FMI. Ce qu’il faut : un bon dosage de mesures peut permettre d’instaurer un climat de concurrence sain en Afrique subsaharienne et contribuer ainsi à améliorer les résultats macroéconomiques.
Afin d’intensifier la concurrence sur les marchés de produits, une stratégie de réforme globale devrait prévoir : des mesures visant à réduire les obstacles structurels et réglementaires ; un cadre d’action efficace pour la politique de la concurrence, comprenant une solide loi sur la concurrence, accompagnée d’une autorité de la concurrence indépendante et dotée de ressources suffisantes ; des politiques du commerce et de l’investissement qui encouragent la concurrence étrangère ; et des politiques d’accompagnement sur le plan des finances publiques et de la passation des marchés publics.