Le franc congolais se donne un temps de répit

La pression sur la monnaie nationale observée en fin 2017 et début 2018 semble désormais derrière nous. La Banque centrale qui a demandé de ne pas céder à l’affolement, rassure que la situation est sous contrôle. 

 

Un dollar vaut actuellement 1 630 francs, voire plus sur le marché parallèle de change, soit une dépréciation d’environ 26 % sur l’année. Une accalmie certaine est observée sur ce marché après un moment de flottement en décembre et janvier. La Banque centrale du Congo (BCC) était alors dans l’obligation de communiquer. À l’issue de la dernière réunion de son comité de politique monétaire, elle a décidé de maintenir son dispositif. Du moins pour l’instant.

Explication : le mois de janvier est souvent marqué par une légère dépréciation du franc congolais face au dollar. Par ailleurs, les variations moyennes mensuelles des cours de change n’ont pas dépassé les 2 % en janvier depuis 2010. Sauf en janvier 2017 où il y a eu une forte dépréciation (-4,1 % pour l’indicatif et -3,5 % pour le parallèle). Et à la fin de l’année, l’inflation a atteint 54 % alors que les prévisions étaient établies à environ 26 % sur l’année.

Quand l’inflation nous tient !

Depuis le début de cette année, l’inflation a repris de plus belle. Par conséquent, on assiste à une valse des prix des biens et services alors que le pouvoir d’achat, lui, se réduit comme peau de chagrin. Selon l’Institut national de la statistique (INS), l’inflation en janvier a été principalement alimentée par la hausse des prix de certains produits (surtout importés) de grande consommation tels que les laits et produits laitiers, les poissons (surgelés et fumés), les viandes (carnée et blanche), les huiles végétales, les vêtements, les appareils électroménagers et les produits pharmaceutiques. En cumul, l’inflation se situe déjà à 0,575 % et en glissement annuel, elle a atteint les 49,62 % à Kinshasa. Or, dans la loi de finances 2018, la prévision du taux d’inflation fin période est de 28,5 %. L’accélération du rythme de formation des prix intérieurs inquiète les experts de l’INS même si le gouvernement croit dur comme fer à l’amélioration du comportement du marché de change depuis le second semestre 2017. La tendance pourrait bien se poursuivre cette année grâce aux mesures d’ajustement structurel et de resserrement monétaire.

Pour contrôler la liquidité sur le marché, la Banque centrale utilise une politique monétaire. Celle-ci est soit restrictive, soit expansionniste. Lorsqu’elle est restrictive, la Banque centrale vend des titres via des opérations d’appel d’offre et augmente le ratio de réserves bancaires obligatoires. Elle est expansionniste quand la Banque centrale achète des titres via des opérations d’appel d’offre et diminue le ratio des réserves bancaires obligatoires. Par offre de la monnaie, il faut entendre surtout le suivi de la masse monétaire par la Banque centrale. La masse monétaire a tendance à augmenter à mesure que l’économie croît. Le coefficient de réserve obligatoire sert également à réguler la masse monétaire en circulation. L’augmentation de la dépense publique, par exemple lors des élections, contribue à une forte augmentation de la masse monétaire dans l’économie.

L’angélisme de la BCC

La Banque centrale s’est tout de même donné une ligne de conduite pour cette année. Ce sont en fait des nouvelles orientations qui portent sur l’inflation, le taux de change et le processus de dédollarisation. Elle affiche un optimisme sur les perspectives de l’économie nationale en raison de la reprise des cours des matières premières à l’international, notamment ceux du cuivre et du cobalt qui représentent plus de 90 % des exportations de la République démocratique du Congo.

Par ailleurs, elle maintient son objectif d’inflation à moyen terme à 7 %, tirant ainsi tous les enseignements de la relative stabilité du marché de change. Elle s’attend à une baisse du taux directeur dans le cadre des mesures d’assouplissement des conditions monétaires. En 2017, il est passé de 7 à 20 % pour faciliter la régulation courante de la liquidité. Il s’est agi donc d’une réduction de moitié qui vise à rétablir le potentiel de relance de la croissance par l’accélération de l’investissement et de l’activité des entreprises. En ce qui concerne les réserves de change, elles ont accru de 13,3 millions de dollars, passant de 845,4 millions de dollars en 2016 à 858,7 millions à fin 2017, soit moins que le niveau atteint en 2011 (1,6 milliard de dollars). Ce niveau correspond actuellement à 3,77 semaines d’importation de biens et services sur les ressources propres. L’objectif est d’atteindre le milliard, voire le niveau de 2011, laisse entendre le ministre d’État et ministre de l’Économie nationale, Joseph Kapika Dikanku. C’est même une recommandation du président de la République, Joseph Kabila Kabange, a-t-il dit.

Ce dernier a salué « les résultats palpables » en 2017 concernant les finances publiques. En effet, la stabilité de l’économie a été au centre des efforts du gouvernement qui se sont traduits par « la mise en place du Comité mixte stratégique au sein de l’exécutif afin d’accélérer la mise en œuvre des mesures économiques urgentes et des réformes, dans l’ordre des priorités dictées par les circonstances ». Si pour le président de la République, les « résultats palpables » sont manifestent à travers un accroissement substantiel des réserves de change, celui-ci s’étend sur des recettes qui ont dépassé le seuil mensuel d’il y a deux ans.

Selon la Banque centrale, les recettes publiques ont évolué à une moyenne mensuelle de 317 milliards de francs (environ 200 millions de dollars au premier  semestre de 2017) et de 515 milliards de francs (environ 320 millions de dollars au second semestre de 2017). Deux facteurs influencent l’insuffisance des réserves internationales de la RDC. La forte propension du crédit intérieur, principalement du crédit net à l’État. La création monétaire qui en résulte alimente la demande essentiellement des biens importés. Ce qui aggrave la situation de la balance des paiements et finit par entraîner la baisse des réserves de change.

La peur du lendemain

Rien ne rassure pour l’instant que le taux de change va amorcer le mouvement contraire dans les prochains mois. Jusqu’où va aller le dollar par rapport au franc ? Des analystes considèrent la barre de 1 500 francs comme était le « seuil fatidique » à ne pas franchir. Cela a été suicidaire pour les ménages, disent-ils, en l’état actuel de la situation déjà volatile à cause des tensions politiques persistantes dans le pays depuis septembre 2016. Le taux de change est un des indicateurs clés dans l’appréciation de la santé économique d’un pays. C’est le cours ou le prix de la monnaie nationale par rapport à une devise, en général le dollar ou l’euro. La RDC a opté pour un taux de change flottant du franc par rapport au dollar, déterminé à chaque transaction par l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché des changes.

En économie, disent les mêmes analystes, ce sont les chiffres qui parlent. Les pressions inflationnistes que l’on observe en ce moment sont la conséquence du ralentissement de la croissance économique. Or, l’accroissement de l’inflation donne souvent lieu à des tensions sociales. Et dans pareilles circonstances, selon le dernier Rapport de suivi de la situation économique de la RDC de la Banque mondiale, le défi immédiat pour les pouvoirs publics est de « réduire l’incertitude politique et d’atténuer les déséquilibres macroéconomiques afin d’éviter une situation où les tensions pourraient se nourrir les unes des autres, conduisant à l’instabilité et au déclin de l’activité économique. » Il faudrait donc une rapide sortie de la situation de crise actuelle. »

En clair, les indicateurs économiques clés sont encore au rouge même si ce n’est plus le rouge vif. Les analystes redoutent que des rentrées insuffisantes en devises ne puissent entraîner une baisse des réserves de change et une pénurie en devises étrangères, rendant ainsi l’importation de produits de base difficile.

La conséquence est que les hausses de prix seront préjudiciables pour les pauvres. Les réserves de change sont des ressources que l’on met à la disposition des opérateurs économiques pour soutenir la monnaie nationale. En RDC, le produit de la vente des matières premières brutes (cuivre, cobalt, pétrole…) contribue pour beaucoup à la constitution des réserves de change. Outre le fait de soutenir la monnaie nationale, les réserves de change contribuent aussi à attirer (afflux) les capitaux étrangers (investissements).

D’où l’on parle alors de l’inflation… qui est tout simplement la hausse des prix. On parle d’inflation lorsqu’il y a une hausse généralisée et persistante du niveau général des prix à la suite d’un grossissement anormal et excessif des moyens de paiement. Autrement dit, l’inflation est la perte du pouvoir d’achat qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix.