Le café contribuait à plus de 35 % du budget dans les années 1950, a rappelé le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, dans un speech où il déplorait que la réforme des entreprises publiques ne ciblait guère le secteur-clé de l’économie nationale. La dernière fois que les recettes du café ont été comptabilisées dans le budget de l’État remonte à 2015. Moins de 170 millions de francs, soit environ 200 000 dollars. L’État a visiblement changé de fusil d’épaule. Il veut avant tout donner de la valeur ajoutée au café national et répondre en priorité à la consommation locale.
Le ministre de l’Agriculture, Georges Kabongo Kazadi, a procédé, mi-juillet, au siège de l’Office national du café (ONC) à Limete, à la pose de la 1ère pierre pour la construction de l’usine de torréfaction du café. Il a indiqué que cette usine, dotée d’un équipement de la dernière technologie, permettra à l’ONC de produire en grande quantité du café moulu, prêt à la consommation. Face au scepticisme de certains travailleurs de l’ONC de voir le projet aboutir à l’image de la cimenterie de l’ex-Province Orientale, le ministre de l’Agriculture a précisé que la construction de l’usine est une réponse à la recommandation de l’Organisation internationale du café (OIC), notamment en ce qui concerne la promotion de la consommation, de la production locale et la réduction des exportations.
Il a également déclaré que cette acquisition constitue un déclencheur de développement relevant de la détermination du gouvernement de relancer la production du café. Le ministre Kabongo a invité l’ONC à encourager les paysans et cultivateurs à reprendre cette culture en milieux ruraux, avant de souligner que ce geste d’une portée politique, sociale et économique importante apportera un soulagement à la situation sociale des agents et cadres de cet office qui accuse des dizaines de mois d’arriérés des salaires.
Organe de régulation en déliquescence
L’Office national du café est, en pratique, le régulateur traditionnel dans le secteur et dans d’autres produits d’exportation comme le cacao, le quinquina, le thé, la banane, la papaye…, a rappelé le directeur général de l’ONC, Guy Bompate Bo-Lounda. L’ONC, a-t-il ajouté, s’emploie notamment à encadrer des paysans et agriculteurs du secteur de cultures pérennes. Il a également rappelé aux autorités l’obligation pour la République démocratique du Congo de donner une valeur ajoutée à ces produits d’exportation, en vue de générer des recettes en devises au pays. À cet effet, il a demandé au gouvernement de donner à l’ONC les capacités nécessaires pour arriver à cet objectif, signalant que des exportations frauduleuses privent le pays d’une bonne partie de ses recettes.
« La décote du café congolais est en grande partie liée à l’exportation frauduleuse du café sans certificat de l’ONC. Ceci donne un doute à la qualité du vendeur », a soutient Bompate. Ce n’est plus qu’un secret de polichinelle, l’essentiel de la production du café est frauduleusement exporté vers l’Ouganda et est comptabilisé comme production de ce pays.
Lors de dernières assises des industriels du café qui se sont tenues à Kinshasa, des experts ont estimé à 45 millions de dollars, le manque à gagner qu’enregistre le Trésor public à chaque campagne de café et cacao dans l’Est du pays. Dans l’ancienne région de l’Équateur, la contrebande fait plutôt les affaires du Congo d’en-face ou des commerçants centrafricains.
Consommer congolais
Le directeur de production de l’Office national du café, Boniface Tshiani Muana Kalala, a, quant à lui, vanté les qualités des machines à implanter pour une torréfaction moderne avec plusieurs mécanismes automatiques jusqu’à l’obtention du café moulu. Il a rapporté qu’un hangar couvrant 396 m pourra abriter lesdites machines, ajoutant que les consommateurs préfèrent du café torréfié non moulu pour son arôme. Fin juillet, le directeur général de l’Office national du café a annoncé, lors de son séjour de travail à Goma, l’organisation d’une vaste campagne de vulgarisation de la caféiculture. Le marché du chef-lieu de la province du Nord-Kivu ainsi que ceux de plusieurs agglomérations de l’Est sont, à ce jour, inondé du thé et du café rwandais. L’initiative de l’ONC a été favorablement accueilli par le vice-gouverneur de la province du Nord-Kivu, Feller Lutayichirwa Mulwahale.
Malgré un retour graduel du climat de bon voisinage dans la région, un certain sentiment chauvin domine toujours une grande frange de l’opinion notamment à Goma, où consommer congolais est un véritable acte de foi. La ville de Goma va, d’ailleurs, abriter une journée d’échange devant mettre autour d’une même table l’ONC et ses partenaires intervenant dans la chaîne de valeur des produits agricoles. C’est l’occasion d’envisager les voies et moyens pour la relance de cette culture très bénéfique en RDC dans les années 1960 et 1980.
Tracheomychose, la terreur des caféiculteurs.
Le directeur général de l’ONC a notamment rassuré les caféiculteurs sur la maîtrise de la tracheomychose, cette maladie qui décime champs et plantations au Nord-Kivu. Guy Augustin Bompate a soutenu que tout est revenu à l’ordre et que le moment est venu pour que toutes les sensibilités s’impliquent dans la culture des produits pérennes à l’instar du café. La RDC, a-t-il poursuivi, a actuellement la meilleure qualité du café. L’ONC s’est assigné pour objectif d’informer et de vulgariser les nouvelles méthodes culturales, de traitement et de vente de ce produit dans des conditions idéales.
Une étude révèle que le café arabica produit dans les collines surplombant le lac Kivu, dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, est coté de meilleure qualité. Ce café de première qualité est vendu à 10 dollars/kg et fait actuellement l’objet des sollicitations au niveau des marchés internationaux. Mais curieusement aucun franc n’a été versé au Trésor public, depuis 2016, pour le compte des exportations du café. L’ONC passant depuis des années comme une coquille vide.