À FIN juillet, le gouvernement devait débourser quelque 35 milliards de francs comme sa quote-part dans le financement d’une série de projets, dont la construction des infrastructures ou la mise en place des services publics auxiliaires de l’État. Mais le gouvernement n’a même pas décaissé 2 milliards de francs sur les 35 milliards attendus.
Selon la Direction de suivi budgétaire du ministère du Budget, l’État n’a sorti que 1 189 802 311 FC, soit un taux de réalisation de 3,4 %. La mouvance de la société civile menée par le Réseau gouvernance économique et démocratie (REGED) a fait remarquer, dans son rapport critique sur le budget 2017, que l’État n’avait apporté aucun centime dans aucun projet.
Ainsi le projet de réhabilitation de 22 artères de la capitale, à titre d’exemple, piétine à ce jour. Et pour l’exercice 2018, une dizaine de ministères disposent des projets pour lesquels l’État doit apporter des centaines de milliers de dollars en vue de leur matérialisation.
Le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité dispose d’un projet de recensement administratif pour lequel la contrepartie du gouvernement se chiffre à 1 700 000 000 FC. Mais il appert que le projet n’intéresse plus le gouvernement après la farouche résistance de l’opposition et d’une large frange de l’opinion contre la volonté du gouvernement à conditionner la tenue des élections générales par un recensement préalable de la population. L’Office national d’identification de la population (ONIP) ressemble à une coquille vide, même les frais de fonctionnement posent problème.
Au ministère de l’Économie nationale, l’État doit apporter 500 000 000 FC au projet de notification de fusion des entreprises multinationales. Le ministère des Finances avait annoncé la construction des guichets uniques à Kasindi et Beni (Nord-Kivu) et à Mahagi (Ituri), mais il va falloir la contribution de l’État de l’ordre de 6 590 000 000 FC. Ces postes frontaliers sont comptés parmi ceux qui devaient recevoir les missions de contrôle mixtes (Direction générale des impôts et Direction générale des douanes et accises) afin de faire la lumière sur l’origine des produits vendus sur le territoire national, et où le contrôle de la destination des marchandises exonérées. Il sera notamment question de faire le suivi électronique des cargaisons grâce à une application du COMESA, le Marché commun de l’Afrique australe et orientale.
Au ministère du Plan, l’État doit décaisser 3 105 000 000 FC au titre d’appui à la PGAI (organisation du recensement général de la population). Au ministère de la Santé publique, il est programmé une contribution de 12 500 000 000 FC pour les projets PNSR, PEV, SIDA, Tuberculose, PNMLS. Sans doute que l’État devrait dépenser davantage suite à la fièvre hémorragique d’Ebola qui a tendance à devenir une pandémie en RDC.
La santé à la merci des partenaires
Mais la réalité est que ce sont plutôt les partenaires extérieurs de la RDC qui se sont davantage mobilisés. En 2017, le budget de la Santé publique reposait à 62,5 % sur les ressources extérieures, soit 490.7 milliards de francs sur des prévisions globales de 780 milliards. L’État compte ainsi sur l’apport des partenaires afin de porter la part de la santé à 7,9 % sur le budget global.
À la faveur d’une conférence-débat sur le budget 2017 organisée, le 23 juin, par la société civile à l’hôtel Venus à Kinshasa, des experts de la santé ont déploré le fait que le gouvernement a pratiquement abandonné l’un des attributs de sa souveraineté, la santé publique, à la « compassion » des partenaires extérieurs. En tout état de cause, la RDC reste en-dessous du niveau exigé par la Déclaration d’Abuja (2001) qui demande aux États signataires d’allouer une part d’au moins 15 % du budget national au secteur de la santé.
Il est ainsi aléatoire pour la RDC de réaliser son Plan national de développement sanitaire (PNDS 2016-2020), dont la couverture sanitaire universelle pour les interventions mère et enfant, ou encore la politique du gouvernement en 2017 présenté par le cabinet du ministre de la Santé publique, Oly Ilunga. Qui vise, entre autres, l’offre de médicaments et produits de santé de qualité, prioritaires et vitaux, la lutte contre les maladies endémiques, notamment le paludisme, le VIH/sida, la tuberculose, la fièvre jaune, la rougeole, le choléra, ainsi que la réhabilitation et l’équipement des infrastructures sanitaires, des hôpitaux et des centres de santé de référence dans les chefs-lieux des provinces.
L’État a, en effet, passé du simple au double le budget de la santé publique sur deux ans. De 366 005 338 403 FC en 2016 à 785 029 880 031 FC en 2017. Il se dégage ainsi un accroissement de 114 %, largement tributaire des partenaires extérieurs. La planification faite dans le PNDS 2016-2020 prévoit que les ressources propres du gouvernement dans le budget de la santé augmentent de 2 dollars par habitant par année et avec un accroissement progressivement pour atteindre 15 dollars par habitant d’ici 2020. Or, dans le projet du budget 2017, le ratio (pour 77 millions d’habitants) est à 7 dollars par habitant.
Très faible et loin du seuil minimum prévu pour 2017 qui devrait être de 9 dollars par habitant. Les fonds prévus pour les interventions dans les 26 provinces ne sont que 19.8 milliards de francs, soit 2,9 % du budget de la santé publique, dans un espace où se concentrent plus de 70 % de la population. Si le gouvernement s’est engagé à atteindre la couverture sanitaire universelle à travers le groupe mère et enfant, il n’a cependant réservé que des crédits de 202 643 179 dollars alors que la contribution prévue dans le PNDS 2016-2020 est de deux fois plus, soit 405 952 641dollars. Le ministère de la Santé publique a élaboré un cadre d’investissement dans lequel le gouvernement devrait contribuer chaque année d’au moins 300 millions de dollars sur ressources propres pour soutenir les actions spécifiques devant réduire la mortalité maternelle et infantile. Et pourtant, aucune ligne budgétaire spécifique de la santé mère et enfant n’apparaît clairement dans le budget 2018 de la santé.
Services et infrastructures de base
Au ministère de l’Enseignement primaire et secondaire, l’État doit apporter une contrepartie de 5 800 000 000 FC pour des contrats d’études du Projet d’appui à la qualité de l’éducation (PAQUE), du Programme d’analyse du secteur de l’éducation (PASEC) et de la Conférence des États membres de la Francophonie (CONFEMEN).
Au ministère de la Recherche scientifique et technologique, la contrepartie attendue de l’État est de 1 650 000 000 FC pour la construction de l’Observatoire volcanologique de Goma/programme AISTI/NEPAD. Au ministère des Infrastructures et des Travaux publics et de la Reconstruction, il faut 700 000 000 FC de contrepartie pour la construction du pont Iyanza-Basimba.
Au ministère de l’Agriculture, la quote-part de l’État est de 2 155 000 000 FC pour le Projet d’appui à la réhabilitation et à la relance du secteur agricole, le Programme d’appui aux pôles d’approvisionnement de Kinshasa, l’appui à la gestion intégrée et l’aménagement régional du lac Kivu, le Service national des semences, etc. Au ministère de la Pêche et de l’Élevage, le gouvernement doit verser 1 771 360 702 FC pour la mise en place d’une cellule de coordination pour la recherche des financements, le suivi et l’évaluation des actions et le renforcement des capacités. Autres ministères : Développement rural, 2 800 000 000 FC comme contrepartie du projet PAMOVI et de l’Agence nationale de centre de développement intégré. Industrie, 900 000 000 FC de contrepartie dans les projets de la Cimenterie de Maïko (CIMAKO). Commerce extérieur, 3 000 000 000 FC de contrepartie en faveur du projet Guichet unique, CIR et PFCGL. Énergie et Ressources hydrauliques, 12 300 000 000 de contrepartie dans le Programme de construction des nouvelles infrastructures énergétiques.
Environnement et Développement durable, 1 000 000 000 FC dans le Programme d’investissement forestier. Emploi, Travail et Prévoyance sociale, 300 000 000 FC dans le cadre de l’acquisition des équipements divers. Affaires sociales, 2 500 000 000 FC de contrepartie à l’appui au FNPSS. Genre, Famille et Enfant, 1 000 000 000 FC dans le cadre des équipements divers. Aménagement du Territoire et Rénovation de la Ville, 1 500 000 000 FC dans le projet CAFI.
Bref, l’État doit apporter au moins 60 milliards de francs pour la matérialisation de tous ces projets, endéans 5 mois. Impossible (?) quand on sait que le gouvernement a refusé tout appui extérieur pour l’organisation des élections.