Le pape François confronté à la loi du silence

Au sein de l’Église catholique, on ne parle pas le même langage à propos de l’homosexualité et le souverain pontife se trouve de ce fait dans une posture embarrassante.

L’ÉGLISE de France est montée sur la ligne de front. Elle récuse toute « loi du silence » en matière de pédophilie. Des victimes d’actes de pédophilie au sein de l’Église seront reçues à l’assemblée plénière des évêques de France, en novembre prochain à Lourdes. On se rappelle qu’elle avait mis en place en avril 2016 plusieurs dispositifs destinés à mieux prendre en compte les plaintes de victimes et à sensibiliser le clergé. C’est après la révélation de nouveaux cas que la Confédération des évêques de France (CEF) avait annoncé ces mesures pour tenter d’éteindre la controverse, qui vient d’être relancée par la pétition d’un curé réclamant la démission du cardinal Barbarin, poursuivi pour non-dénonciation d’agressions sexuelles.

Selon une étude de la CEF de janvier 2017, près de 70 des 15 000 prêtres et diacres de France étaient alors mis en examen pour pédophilie ou avaient été condamnés pour de tels faits. 

Une meilleure écoute des victimes

« Reconnaissant et constatant la pauvreté des moyens existants », la CEF a créé des « cellules d’écoute et d’accueil des victimes » afin de leur offrir « un lieu où elles soient assurées d’être accueillies, écoutées et accompagnées ». Agissant au niveau du diocèse ou partagées sur plusieurs diocèses, ces cellules sont composées « de professionnels et de toute personne pertinente pour accueillir les victimes et/ou leurs familles) » au niveau juridique, psychologique, médical, ecclésial, et parfois d’anciennes victimes ou parents de victimes. Ces cellules peuvent notamment être contactées via une adresse électronique spécifique (paroledevictimes@cef.fr).

Des outils de prévention

L’Église française a lancé un site internet dédié à cette question (contrerévolutionnaire.catholique.fr) à destination tant du grand public que des éducateurs et du clergé. On y rappelle, entre autres, les attitudes à adopter au contact des enfants, la détection des « signaux d’alerte » et les obligations et les sanctions prévues par la loi. Pour sensibiliser « à la maltraitance et à la pédophilie », la CEF édite également une brochure « Lutter contre la pédophilie, repères pour éducateurs », diffusée chez les prêtres et religieux, dans les séminaires et les lieux d’éducation religieuse.

Une Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP), dirigée par l’évêque du Puy-en-Velay Mgr Luc Crepy, a succédé à la « cellule de veille » déjà existante au sein de la CEF pour « organiser la lutte contre la pédophilie dans l’Église et être au service de chaque évêque dans son diocèse pour y concrétiser cette mission ». Elle est composée de huit membres et coordonne les différents volets de la politique menée par l’Église (sensibilisation, formation, lien avec les associations, suivi législatif…). 

Une commission nationale d’expertise indépendante a également vu le jour. Elle est présidée par Alain Christnacht, ancien directeur de cabinet de Christiane Taubira au ministère de la Justice, et composée de quatre médecins, d’une ancienne Défenseure des enfants et d’un parent d’élève. « Saisie par les évêques », elle a pour rôle de « les conseiller dans l’évaluation des situations de prêtres suspectés ou convaincus d’actes de pédophilie, afin de les éclairer sur les missions pouvant être confiées à ces prêtres sans faire courir de risques à des mineurs », selon la CEF. « Elle n’interfère en aucune manière avec les procédures judiciaires. Elle se prononce, par conséquent, sur des cas pour lesquels la justice soit s’est déjà prononcée, soit n’a pu se prononcer, compte tenu des délais de prescription », détaille-t-elle.

Le pardon du pape François

Le pape François a « imploré » dimanche 26 août « le pardon du Seigneur » pour les agressions sexuelles commises en Irlande par des prêtres catholiques, lors de sa visite dans le pays. « J’implore le pardon du Seigneur pour ces péchés, pour le scandale et la trahison ressentis par tant de personnes dans la famille de Dieu », a déclaré le pape à l’occasion d’une visite du sanctuaire de Knock, site de piété mariale distant de 180 km de Dublin.

Le pape François avait rencontré samedi 25 août, pendant une heure et demie, huit victimes irlandaises d’abus commis dans le passé par des membres du clergé, des religieux et des personnes au sein d’institutions catholiques. Parmi ces « survivants », Paul Jude Redmond et Clodagh Aileen Malone. Ils furent adoptés illégalement après avoir été retirés à leurs mères non mariées avec la complicité d’institutions catholiques. « Le pape nous a demandé pardon pour ce qui s’est passé dans ces maisons » pour filles mères, ont-ils raconté dans un communiqué, impressionnés par une « rencontre puissante ».

Le pape François a parlé en outre avec une victime du prêtre catholique Tony Walsh, qui a fait subir des sévices sexuels à des enfants durant près de deux décennies avant d’être défroqué et emprisonné. Pour appréhender l’homosexualité de ses proches, le pape François prône la « psychiatrie ». D’aucuns pensent que le pape François s’est rendu « coupable d’une maladresse de langage fâcheuse », dimanche 26 août.

« Si une personne est gay, qu’elle cherche le Seigneur et qu’elle est de bonne volonté, qui suis-je pour juger ? » Ces mots, plutôt progressistes, sont ceux prononcés par le pape François en 2013. Mais ce dimanche 26 août, dans son avion qui le ramenait d’Irlande, le pape a cette fois tenu des propos qui ont fait polémique. Que faut-il dire aux parents d’enfants homosexuels ? « Ne pas condamner, dialoguer, comprendre », explique-t-il d’abord, dans la lignée de ses précédents propos. Et puis, il dérape : « Quand cela se manifeste dès l’enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment vont les choses. C’est autre chose quand cela se manifeste après vingt ans ».

La réaction du Vatican

« Psychiatrie », un mot condamné par les associations. Parmi elles, David et Jonathan, une association de chrétiens LGBT. « C’est sûrement une maladresse, voire pire, un faux pas, car il met sur le même pied l’homosexualité et le fait d’aller voir un psychiatre », souligne Anthony Favier, membre de l’association. « Il y a un implicite très fort, qui est très, très condamnable : c’est l’idée que l’homosexualité est potentiellement une pathologie, voire une maladie. C’est assez grave, car associer homosexualité et maladie, c’est revenir sur les pires années. » En France, l’homosexualité n’est plus considérée comme une pathologie psychiatrique depuis 1992. 

Le Vatican rétropédale. Son service de presse a retiré, lundi 27 août, la référence à la « psychiatrie » dans la déclaration faite la veille par le pape François au sujet de l’homosexualité. Le souverain pontife avait recommandé la veille le recours à un médecin lorsque des parents constatent des « tendances homosexuelles » chez leurs enfants, au cours d’une conférence de presse dans l’avion entre l’Irlande et l’Italie.  Le mot « psychiatrie » a été donc retiré du verbatim « pour ne pas altérer la pensée du pape », a expliqué à l’AFP une porte-parole du Vatican. « Quand le pape se réfère à la ‘psychiatrie’, il est clair qu’il le fait comme un exemple qui rentre dans les différentes choses qui peuvent être faites, a-t-elle indiqué. Mais avec ce mot, il n’avait pas l’intention de dire qu’il s’agissait d’une maladie psychiatrique, mais que peut-être il fallait voir comment sont les choses au niveau psychologique. »

La déclaration du pape François a provoqué une vive polémique.