LD’EXÉCUTIF fait montre d’un esprit réceptif. En tout cas l’efficacité de la lutte contre la pandémie de Covid-19 en dépend. Face aux critiques de plus en plus nombreuses, non seulement de ceux qui ont une activité profes- sionnelle dans le centre-ville mais aussi des résidents, le gouverne- ment semble avoir opté pour la voie de la raison mais aussi pour celle de la sagesse, en promettant d’apprécier froidement la situation de confinement de Gombe qui dure depuis plus d’un mois déjà.
Point n’est besoin de rappeler que l’économie nationale est fortement impactée par les effets destructeurs de la pandémie de Covid-19. Le Comité de conjoncture économique du gouvernement a, au cours de sa réunion hebdomadaire du mardi 12 mai, présidée par Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, annon- cé une rencontre avec les « auto- rités compétentes », notamment celles de la ville de Kinshasa, on imagine, afin de faire le point sur le confinement de Gombe.
Ce n’est pas rien, a laissé entendre Jean Baudouin Mayo Mambeke, vice-1ER Ministre, ministre du Budget : « La réunion du Comité de conjoncture économique nous a permis de constater que l’économie nationale, comme au niveau mon- dial, reste marquée durement par le Covid-19. Les effets de cette pan- démie sont énormes sur l’économie de notre pays. Le 1ER Ministre réunira les autorités compétentes pour apprécier le confinement de la commune de la Gombe qui est le cerveau moteur non seulement de la ville de Kinshasa mais aussi du pays. Des mesures seront cer- tainement prises. »
Et de souligner : « Le gouverne- ment a constaté que la population a relâché par rapport aux mesures barrières contre le Covid-19. Le Comité de conjoncture économique rappelle que ces mesures doivent être de stricte application et de respect absolu pour ne pas amener le gouvernement à faire relayer la police et l’armée. »
Levée urgente et totale
Sur le confinement de Gombe, on connaît la position de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), le principal syndicat patronal dans lepays : un déconfinement total du centre des affaires de la capitale. La FEC demande « urgemment le dé- confinement total de la commune de la Gombe, centre des affaires de la ville de Kinshasa ». Elle a fait savoir sa position le jeudi 14 mai, à l’issue d’un état des lieux (tour- née) effectuée la veille dans cette commune.
Dieudonné Kasembo, le vice-pré- sident de la FEC chargé des petites et moyennes entreprises (PME) et patron de Gecontrans, va même loin pour laisser entendre que Gombe n’est plus l’épicentre de la pan- démie à Kinshasa. « Nous avons tous salué le travail qui avait été abattu par le Comité de riposte de Covid-19 et la décision du confine- ment, parce qu’en ce moment-là, nous devrions nous enquérir de la vérité sur cette pandémie. Mais, à suivre le rapport qui nous a été communiqué quant à l’évolution de la contamination, nous constatons que la commune de la Gombe ne représente que 10 % des contami- nations pendant que tout le reste, 90 %, c’est en dehors de la commune de la Gombe. », a-t-il déclaré sur les antennes de la radio Okapi.
« Aujourd’hui donc, il n’y a pas de raison pour que nous puissions accepter que la commune de la Gombe continue à être confinée. Les opérateurs économiques ne sont plus à mesure de supporter au-delà de la fin du mois (mai), parce que les quelques activités qui sont organisées au titre de service minimum sont celles des sociétés qui travaillent en télétravail. Nous avons déjà des problèmes de cou- rant (électrique), de connexion internet qui n’est pas suffisante, ce qui fait qu’aujourd’hui nos banques
ne nous donnent pas satisfaction totale faute d’effectif comme les autres sociétés des télécommunica- tions », fait-il remarquer. La main sur le cœur, Dieudonné Kasembo promet : « Dès le déconfinement total, les opérateurs économiques prendront toutes les mesures pour faire respecter strictement les gestes barrières. »
Le 20 avril dernier, Gentiny Ngobila Mbaka, le gouverneur de Kinshasa, avait annoncé des mesures d’as- souplissement du confinement de Gombe, en parlant de « décon- finement progressif ». Il s’agit notamment de la réouverture des banques et des supermarchés pour les résidents. Pour le reste, l’accès à Gombe est soumis à un laisser- passer dérogatoire du gouverneur de la ville.
Gombe, « Ville »
La commune que les Kinois ap- pellent affectueusement « Ville », est le cœur de Kinshasa, au propre comme au figuré. C’est un « autre monde » pour reprendre l’expres- sion des Kinois, où les deals se font. Chaque jour, au matin, tout le
monde essaie de se rapprocher de la « Ville » pour saisir des opportu- nités ou être à proximité des zones d’activité. Avec ses immeubles, ses villas, ses supermarchés, ses maga- sins et boutiques, ses boîtes de nuit, ses hôtels et restaurants, ses ambas- sades, ses banques, ses entreprises, ses administrations, ses écoles, etc. concentrés sur 29 km2, Gombe est vraiment un « monde à part ». C’est aussi à Gombe que le capita- lisme ultra-sauvage a creusé les iné- galités sociales et renforcé la confis- cation des richesses. Intéressant comme commentaire, jugez-en par vous-mêmes : « Désormais, les membres de l’oligarchie in- dienne, libanaise, israélienne et européenne, décriés par la popu- lation, cultivent l’entre-soi de La Gombe avec les leaders politiques, les ONG et les fonctionnaires de l’ONU. Tout ce beau monde tient à l’écart les plus pauvres, entassés dans les quartiers de l’ancienne Cité indigène, où la densité dépasse les 100 000 habitants au km2, contre àpeine1700àlaGombe.»Dès lors, on comprend la boutade bien kinoise : « Le coronavirus est la maladie des gens de la Gombe ».