Un nouveau mécanisme pour la gestion durable de ses ressources naturelles est en voie d’expérimentation. Il s’agit des paiements pour les services environnementaux (PSE). But poursuivi : explorer les conditions d’intégration dudit mécanisme dans les projets du Programme d’investissement forestier (PIF) que le pays met en œuvre.
Le mécanisme envisagé fait partie de nouveaux outils destinés à financer les actions qui éliminent les causes directes et sous-jacentes de la destruction des forêts. En clair, un paiement est proposé pour compenser le coût de la restriction d’accès aux ressources pour les communautés locales, les peuples autochtones et les acteurs du secteur privé afin de les inciter à changer de pratiques. Un PSE peut ainsi être proposé aux communautés riveraines d’une aire protégée. La création des zones protégées a souvent conduit à l’expropriation de populations vivant sur ces territoires. Ce qui provoque régulièrement l’incompréhension, des révoltes et mêmes des comportements prédateurs liés à un très fort sentiment de confiscation de la ressource. La chasse, l’exploitation forestière et la destruction des forêts à des fins commerciales menacent fortement la préservation de plusieurs aires protégées. De multiples conflits naissent autour des zones de conservation, à cause surtout de l’incompatibilité entre les programmes de conservation et les besoins des populations riveraines.
Dans la concrétisation du projet, il a été recommandé de procéder par étapes, notamment par l’organisation du monde rural en vue de l’identification de ses priorités, la mise en œuvre des actions convenues, la conclusion de contrats d’entretien basés sur le résultat (quantité et qualité), l’encadrement (équipement, formation), le contrôle et, enfin, le paiement. Plusieurs obstacles menacent la conservation des ressources naturelles. Du fait de leur forme ou de leur emplacement, de nombreuses aires sont vulnérables à des influences négatives telles que la pollution, le bruit, la chasse illicite et les empiétements de l’agriculture. Les espaces protégés font également l’objet de multiples convoitises de la part de braconniers, de défricheurs, voire de mouvements rebelles et des forces armées. L’accroissement rapide de la population riveraine augmente la pression sur la ressource. Dernier défi : le manque de ressources financières pour assurer une conservation à long terme. D’où l’intérêt de concilier la nécessité de permettre un développement durable et celle d’assurer la conservation de la biodiversité en associant les populations locales à la prise des décisions concernant leur gestion.
Contribuer à la protection de la biodiversité
C’est dans ce cadre qu’un atelier national, initié par la coordination du Programme d’investissement forestier, a été organisé à Kinshasa. Objectif : permettre aux participants d’analyser les différents cas de PSE en vue d’en tirer des meilleures pratiques susceptibles de contribuer à la protection de la biodiversité et à l’amélioration des stocks de carbone forestiers. La coordination du PIF entend former les différentes parties prenantes à l’utilisation du « PSE » dans la conception et l’élaboration des stratégies ainsi que des projets visant la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation de la forêt (REDD+) en RDC. Les systèmes de paiement pour les services environnementaux ne sont pas encore pleinement développés en Afrique. Le continent ne comptait que 7 % des 287 cas répertoriés à travers le monde en 2002. Mais la RDC veut affirmer son rôle de « pionnier » du processus REDD+ en s’inspirant des exemples à succès des projets « PSE » développés par la Banque mondiale au Costa Rica, au Kenya ainsi que du projet de gestion intégrée de la Colombie, du Costa Rica et du Nicaragua. Pour de nombreux experts, ce mécanisme constitue une alternative aux approches réglementaires qui prônent une conservation des ressources naturelles alors que les investissements indispensables pour leur gestion et leur assainissement sont insuffisants.
Le programme d’investissement forestier est une des fenêtres des Fonds d’investissement pour le climat qui disposent d’une enveloppe de près de 8 milliards de dollars pour aider les pays en développement à atténuer et gérer les bouleversements dus au changement climatique. Depuis 2010, la RDC fait partie des huit pays pilotes du PIF au niveau mondial, dont trois en Amérique latine (Brésil, Mexique, Pérou), trois en Afrique (Burkina Faso, Ghana, RDC) et deux en Asie (Indonésie, Laos). Le pays bénéficie d’un don de 60 millions de dollars pour les deux projets qui sont respectivement exécutés avec l’appui de la Banque mondiale dans le bassin d’approvisionnement de Kinshasa intitulé « Projet de gestion améliorée des paysages forestiers (PGAPF) d’un montant de 37 millions de dollars et de la Banque africaine de développement (BAD) dans les deux bassins d’approvisionnement de Kananga-Mbuji-Mayi et de Kisangani (Projet intégré REDD+ dans les bassins de Kananga-Mbuji-Mayi et de Kisangani, PIREDD/MBKIS) pour un montant de 23 millions de dollars.
Seize millions de tonnes de CO² sur quinze ans
Le PGAPF a pour objectif de tester les nouvelles approches pour améliorer le bien-être communautaire et la gestion des forêts, ainsi que de réduire les émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans la zone sélectionnée. Il comprend trois composantes dont la troisième localise les activités le long de la nationale n° 1 sur une bande large de 100 km de part et d’autre, depuis l’océan Atlantique jusqu’à Kenge, dans le Bandundu. Le carbone généré par ce projet est estimé à 16 millions de tonnes de CO² sur quinze ans pour une valeur moyenne de 80 millions de dollars. Le deuxième projet vise la diminution du taux de déforestation et de dégradation des forêts, le développement durable de la filière bois-énergie et la sécurisation foncière et la promotion d’alternatives à « l’abattis brûlis ». Le carbone généré par le projet est estimé à 23 millions de tonnes de CO2 sur vingt-cinq ans pour une valeur moyenne de 115 millions de dollars. Le bassin de Kananga-Mbuji-Mayi est caractérisé par un paysage fortement dégradé avec prédominance accrue de savanes herbeuses et une composante ligneuse de plus en plus rare. Quant au bassin de Kisangani, il présente une zone forestière avec de vastes territoires déboisés pour cause d’agriculture, de coupe de bois (industrielle) ou pour l’énergie domestique (artisanale). Son couvert forestier est fort diminué et dégradé sur les axes vers la ville de Kisangani avec comme conséquences, notamment, l’éloignement des champs et la raréfaction du gibier…