Le secteur agricole est essentiel à la résilience de l’économie face aux chocs

À quelque chose malheur est parfois bon, la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 est venue rappeler à l’exécutif la nécessité de mener des réflexions rapides et de trouver des solutions concrètes à cette problématique. C’est en tout cas que le porte-parole du gouvernement a fait savoir à l’issue du Conseil des ministres du vendredi 8 mai.

POUR nombre d’observateurs, la République démocratique du Congo est un mélange de secteurs économiques tels que l’exploitation minière, la pêche, la foresterie, l’agriculture… Avec un PIB estimé à environ 50 milliards de dollars, une population extrêmement importante de plus de 84 millions d’habitants, le pays est un parfait exemple d’économie mixte. Il est un principe en économie selon lequel la production ne vaut pas un franc si les produits ne sont pas consommés. 

Dans un long entretien à Business et Finances (lire l’édition n°265), le professeur Lambert Pungu Okito, Director of International Outreach International Affairs à Southern Utah University (SUU), Utah, aux États-Unis, insistait sur un fait : « Le progrès de la RDC repose sur le secteur agricole. » Son intime conviction est que l’agriculture congolaise est un secteur important de l’économie nationale. « Elle devrait contribuer à l’excédent commercial. Malheureusement, ce secteur a connu un retard considérable. Les conséquences de cette négligence augmentent le taux d’inflation, rarement stable, dans le pays », constate-t-il. 

De ce fait, le pays a intérêt de « créer une agriculture moderne » pour augmenter la production. Et, par conséquent, la croissance économique va suivre. « En RDC, les données de production agricole ne sont pas matérialisées et ni publiées. La sélection des semences améliorées et la mécanisation agricole sont des axes importants pour améliorer la production agricole. Les éléments suivants peuvent aider et augmenter l’économie agricole : la recherche de nouvelles voies pour la santé des plantes (biotechnologie et biologie moléculaire) ; les stratégies des partenariats de recherche pour améliorer la qualité des produits agricoles, de la semence à la récolte, et pour découvrir de nouvelles méthodes alternatives ; la promotion de l’agriculture et des bonnes pratiques auprès des fermiers », préconise-t-il.

Opportunités

Lambert Pungu Okito est convaincu qu’avec un minimum d’efforts, « la RDC peut récupérer sa place de grenier de l’Afrique, grâce à ses ressources naturelles, forêts, eaux, mais aussi humaines ». Sous cet angle, la RDC a l’avantage d’opportunités de production dans le secteur agricole : environ 135 millions d’ha de terres agricoles, soit 34 % du territoire national (source FAO), dont 10 % sont seulement mises en valeur (3 % en agriculture et 7 % en élevage). Ces terres comprennent des zones humides (56 %), des zones subhumides (20 %), des zones situées le long de cours d’eau (17 %) et des terres dont l’utilisation aux fins agricoles nécessite des aménagements peu importants (7 %). 

Le pays jouit de conditions naturelles particulièrement favorables aux activités agricoles : précipitations en quantités suffisantes qui permettent deux saisons culturales par an ; important réseau hydrographique ; fertilité des sols ; et large ensoleillement. Il se caractérise également par sa taille et la diversité de ses conditions climatiques et géologiques. Ce qui a l’avantage d’une grande diversité des cultures et donc d’éviter toute dépendance excessive à l’égard d’une monoculture.

La RDC a aussi l’avantage de consommation : avec sa population, c’est un vaste marché intérieur des consommateurs de produits transformés, avant de songer à l’exportation. Les opportunités se présentent aussi pour les cultures pérennes et d’exportation. En effet, la RDC a joué et peut encore jouer un rôle important sur les marchés internationaux pour un certain nombre de produits, notamment le café, le coton, le thé, l’hévéa, les huiles de palme, le cacao, le quinquina, la papaïne.

Ces cultures pérennes (notamment en zones péri-forestière) offrent l’opportunité d’une sédentarisation de l’agriculture, assurant un réel développement économique durable et des revenus financiers stables pour les producteurs. Les perspectives de développement des filières café et cacao sont excellentes en RDC et la filière palmier à huile répond très bien aux marchés locaux, conseillent des experts à tous ceux qui veulent créer une entreprise en RDC.

Lambert Pungu Okito estime, par exemple, que la création d’une coopérative agricole dans chaque territoire est impérative. « C’est une entreprise qui appartient aux agriculteurs, créée par eux, collectivement, et qu’ils gèrent eux-mêmes sur la base du principe démocratique : 1 homme = 1 voix. La coopérative agricole valorise les produits agricoles, collecte et transforme les productions (céréales, fruits et légumes, lait et viande) des agriculteurs-coopérateurs. Elle contribuera à booster l’économie locale », analyse-t-il. 

On peut imaginer les coopératives dans tous les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, explique-t-il. Elles peuvent être de toutes les tailles, mais la grande majorité d’entre-elles seront des petites et moyennes entreprises. « La force de l’économie congolaise sera basée sur la coopérative agricole qui est un pilier de l’économie. Ce sont des acteurs incontournables de l’emploi et de la formation parce qu’ils participent à l’innovation agricole et au rayonnement de la RDC en exportant les denrées agricoles », tranche ce professeur.

Incitations

L’encadrement des petits producteurs est en majorité assuré par les ONG (internationales et nationales) au détriment des organisations paysannes. Les paysans n’ont pas accès aux moyens financiers (ni crédit ni subvention) et ne sont pas incités à abandonner leurs pratiques habituelles (l’agriculture itinérante sur brulis). La dynamique agricole et le partage d’expériences sont faibles, les ressources et les connaissances du monde paysan sont insuffisamment exploitées, notent les experts.

Le gouvernement a fait de la relance de ces cultures une priorité et a pris des mesures incitatives en faveur de ces segments. 

La configuration géographique avec de larges plaines permet de disposer de très bons pâturages pour l’élevage. Plusieurs initiatives privées commencent à relancer ce secteur longtemps florissant grâce au retour de la paix. Les besoins en protéine animale sont immenses compte tenu de la population. 

Le gouvernement a pris aussi l’option de réduire des importations des denrées alimentaires en promouvant la production locale (relance de la Domaine agroindustriel présidentiel de la N’Sele-DAIPN, aide aux agriculteurs à travers les campagnes agricoles) et la lutte préventive contre les grandes épizooties (PPR, FA, PPCB)… 

Face à la pandémie de Covid-19, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a fait des recommandations au gouvernement au cours du Conseil des ministres du vendredi 8 mai en vue de booster le secteur agricole. « Il a exhorté les membres du gouvernement à lutter en faveur de l’autosuffisance alimentaire afin d’enrayer la dépendance de notre pays à l’égard de l’étranger », a fait savoir David Jolino Diwanpovesa Makelele ma-muzingi, le ministre d’État, ministre de la Communication et des Médias, et porte-parole du gouvernement. Il a été demandé à Jean-Joseph Kasonga Mukuta, le ministre de l’Agriculture ainsi qu’à Guy Mikulu Pombo, le ministre du Développement rural, de produire un plan pour la relance de la culture du riz. Pour rappel, le gouvernement Ilunga projette les actions ci-après : la redynamisation de l’agriculture vivrière, industrielle et pérenne, la pêche et l’élevage ; la consolidation de la base industrielle en favorisant une plus large transformation locale des produits agricoles et miniers, l’implantation des parcs agro-industriels et des zones économiques spéciales ; l’accroissement de l’implication économique des acteurs nationaux par l’élargissement de la classe moyenne nationale, à travers des contrats de sous-traitance en faveur des PME et PMI. Par ailleurs, le président de la République a demandé au gouvernement de « soutenir les initiatives locales visant l’autosuffisance alimentaire ; aider le DAIPN à relancer ses activités en vue de ravitailler Kinshasa en denrées de première nécessité ». José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances, a été invité à faire rapport au gouvernement sur les paiements dus à DAIPN.