Le tour d’horizon de l’année 2017

En attendant les données les plus officielles, le Gouv’ de la BCC a profité du dîner annuel des banquiers pour évoquer le contexte économique et financier qui a marqué l’année dernière et en évaluer l’impact sur l’activité bancaire, pour rappeler les mesures de riposte et esquisser les perspectives.

 

Pour promouvoir et garantir davantage la stabilité financière, la solidité et le développement du système financier national en général, et le système bancaire national en particulier, des mesures ont été prises en guise d’accompagnement de la situation de basse conjoncture. Selon le Gouv’ de la Banque centrale du Congo (BCC), Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, l’analyse pertinente du contexte économique et financier de l’année 2017 requiert que l’on prenne en compte deux périodes. La première période, dite d’« instabilité », de janvier à juillet, est caractérisée par la volatilité des marchés et le déséquilibre des finances publiques. Tandis que la seconde période, dite de « stabilité », d’août à décembre, est caractérisée par la stabilité du cadre macroéconomique et des finances publiques en équilibre.

Lorsque l’on observe la situation de janvier à juillet 2017, on constate que l’instabilité qu’a connue le pays n’a été que le prolongement de celle de la seconde moitié de l’année 2015, à la suite de la baisse des cours des matières premières et aussi à cause des faiblesses structurelles de l’économie nationale. Cette instabilité, fait remarquer Deogratias Mutombo, s’est poursuivie tout au long de l’année 2016, avec comme résultat négatif un « déficit abyssal » des finances publiques de l’ordre de 503 milliards de francs. Ce « déficit déclencheur » a aggravé la spirale inflation-déflation autour de 23 %. Et cette instabilité est montée jusqu’à la période de janvier-juillet 2017.

Mesures de riposte

La stabilité qui s’en est suivie, d’août à décembre, est évidemment la conséquence de la reprise des cours des matières premières (notamment le cuivre et le cobalt dont les prix ont triplé) sur les marchés internationaux. Mais, selon le Gouv’ de la BCC, cette stabilité est aussi et surtout due aux mesures de stabilisation initiées par le Comité mixte stratégique suivant les orientations du chef de l’État, Joseph Kabila Kabange. Ces « mesures de riposte et d’accompagnement » ont été prises lors de la réunion présidée par le président de la République lui-même, fin juillet 2017. Ces mesures dites de « stabilisation », contenues dans la matrice des 28 mesures gouvernementales, portent essentiellement sur l’accroissement des recettes publiques et de l’offre en devises dans l’économie nationale.

Au final, l’année 2017 a enregistré des résultats que le Gouv’ de la BCC qualifie de « satisfaits ». En effet, le taux de croissance a atteint 3.5 %. « C’est encore une projection provisoire, souligne-t-il, sur la base des réalisations de production à fin septembre 2017 ». Il faut donc attendre encore, conseille-t-il, la fin du premier trimestre de 2018 quand on aura intégré les réalisations de production de fin décembre 2017. En tout cas, il espère que le taux de croissance confirmé se placera au moins au niveau du taux de croissance mondial, soit 3.7 %, alors que le taux de croissance pour l’Afrique subsaharienne, lui, est actuellement de 2.6 %.

Par ailleurs, la Banque centrale a réalisé un taux d’inflation « assez élevé », soit 54 %, à fin période. L’année s’est terminée avec un taux de change de 1 615 francs le dollar à l’officiel et 1 652 francs le dollar au parallèle, venant respectivement de 1 215 et 1 269 francs sur ces deux marchés, à fin décembre 2016. Soit une dépréciation moyenne de 23 %.

Le déficit des finances publiques

Sur le plan des finances publiques, l’année 2017 s’est achevée sur un excédent de 50 millions de dollars des réserves de change, qui sont passées de 815, à fin décembre 2016, à 865 millions de dollars, à fin décembre 2017, soit 3.7 semaines d’importation. Les recettes publiques, pour leur part, ont connu un « accroissement notable », selon le Gouv’ de la BCC, soit 4 %, lorsqu’on compare les deux périodes sous analyse. Pendant la période dite d’« instabilité », la Banque centrale a mobilisé en moyenne mensuelle 317 milliards de francs, soit 232 millions de dollars. Au dernier trimestre de 2017, la moyenne mensuelle est passée à 514 milliards de francs, soit 325 millions de dollars.

À l’analyse de ces évolutions, a-t-il poursuivi, quand la Banque centrale a décidé d’arrêter avec l’instabilité, à fin juillet, le déficit des finances publiques s’est situé autour de 100 milliards de francs. Le marché de change était donc en ébullition : le dollar qui gagnait 2 à 3 francs par jour au début de l’année, commençait à en gagner 20 par jour. Par ailleurs, le taux d’inflation mensuel a atteint 8 à 9 %. Avant l’entame de l’ajustement budgétaire, a expliqué Deogratias Mutombo, la Banque centrale a mis en action tous les instruments nécessaires à cette fin. Conséquence : il a suffi d’une semaine seulement pour résorber ce déficit, de telle sorte qu’à fin juillet, les finances publiques ont commencé à renouer avec la stabilité.

Concernant l’inflation (54 %), on constate que la période de janvier à juillet est responsable à 84 % et la période d’août à décembre n’en est qu’à 16 %. Quant à la dépréciation (23 %), la période de janvier à juillet en est responsable à 22 % contre seulement 1 % pour la période d’août à décembre. Les réserves de change qui ont atteint un creux de 660 millions de dollars, à fin juillet, sont remontées à 865 millions de dollars, selon les chiffres le Gouv’ a fournis. Des résultats obtenus, selon lui, grâce justement aux mesures d’ajustement et d’accroissement des recettes publiques et de l’offre en devises.

Il rassure que ces mesures, quoique satisfaisantes jusque-là, vont se poursuivre car « les résultats obtenus sont loin des attentes ». Pour y parvenir, il faut intensifier la lutte contre la fraude fiscale et la contrebande. Il faut réduire effectivement à quatre le nombre des services habilités à opérer à la frontière, et celui des postes de contrôle… Il faut aussi revoir à la baisse le taux d’imposition et le coût fiscal… Il faut supprimer les taxes illégales et les exonérations sans base légale… Il faut intégrer en un taux unique toutes les perceptions connexes opérées par les services autorisés. Ce taux ne doit pas dépasser un certain seuil (en %) de la valeur CIF ou marchande… Il faut également simplifier le bulletin de liquidation comme document, seul et unique, libératoire de la marchandise à l’import-export…

D’après Deogratias Mutombo, l’accroissement de l’offre en devises passe nécessairement par « le respect de la réglementation de change en matière de rapatriement des devises par les entreprises minières ». Le régime des sanctions a été durci pour dissuader toute velléité de fraude, a-t-il insisté. Estimant qu’il est important que le pays mobilise suffisamment des ressources financières et fiscales, la collecte de l’épargne intérieure. Et au-delà. D’ailleurs, la loi de finances pour l’exercice 2018 a retenu aussi le recours aux marchés financiers extérieurs, ce qui est fait pour le moment. Il est donc impératif, estime-t-il, d’avoir tous ces moyens pour financer les investissements et tirer la croissance vers le haut.

L’État ne vivra plus au-delà de ses moyens

C’est plus qu’un objectif de stabilité seulement, c’est la croissance qui est visée. Le gouvernement s’est fixé des « grandes orientations stratégiques » dans lesquelles doivent s’inscrire les mesures de réforme parmi les 28. « Ces orientations vont permettre d’atteindre les objectifs chiffrés en termes de perspectives », a-t-il souligné.

L’objectif de croissance pour 2018 est projeté à 5.2 %, soit un taux supérieur à 4.4 % qui avait été retenu à l’élaboration du cadre macroéconomique ayant servi à la conception de la loi de finances, à l’époque, sur base de 3.2 % en fonction des éléments de fin juin 2016. Comme on peut le constater, la situation a évolué et les 5.2 % ne sont pas aussi suffisants pour avoir une croissance rapide. Il faut donc se serrer le coudes et travailler ensemble autour du nouveau modèle de croissance.

Autres objectifs : en matière d’inflation, 28.5 % à fin période de 2018 ; le taux de change moyen à fin période, 1 934 francs le dollar. « Nous ne devons plus avoir de déficit sur le plan des finances publiques. C’est une instruction de la haute hiérarchie. L’État ne vivra plus au-delà de ses moyens », a déclaré publiquement, une fois de plus, le Gouv’ de la BCC. Comme il le reconnaît lui-même, c’est un pari difficile à gagner, mais il faut vraiment s’imposer « cette discipline ». Wait and see, comme disent les Anglais.

Les réserves de change sont actuellement au niveau de 3.7 semaines d’importations. Mais l’objectif est de se hisser au niveau des standards des communautés économiques régionales : 6 mois d’importations pour le COMESA (Marché commun des États d’Afrique de l’Est) et 3 mois pour la SADC (Communauté économique et de développement des États de l’Afrique australe). L’économie nationale consacre aujourd’hui 1.1 milliard de dollars pour importer. Il faudra donc pour cela 6.6 milliards de dollars. Voilà l’effort à faire pour atteindre ce niveau des réserves. Deogratias Mutombo estime qu’on ne doit pas s’en préoccuper outre mesure parce qu’il faut tout faire pour produire aussi localement. D’après lui, il faut nous guérir du « syndrome hollandais ».Pour atteindre tous les objectifs fixés pour l’année 2018, le Gouv’ de la BCC rassure que la politique économique en cours va être poursuivie, notamment sur le plan budgétaire (l’exécution sur base caisse) et sur le plan monétaire (politique restrictive). Il s’agit aussi de maintenir le niveau du coefficient de la réserve obligatoire actuelle. Mais, précise-t-il, la Banque centrale va revenir progressivement au taux de change courant dans la notification de l’encours de la réserve obligatoire dès février 2018. Elle va donc passer à des taux de change fixes révisables périodiquement. Le taux de change est demeuré fixe depuis mai 2017. Les banques seront ainsi notifiées sur le nouveau taux de change qui ne sera pas courant. Cette option a été levée au regard de l’accroissement de la liquidité. Il faut revenir au refinancement. Le coût de politique monétaire est dur pour la Banque centrale qui doit encadrer la régulation de la liquidité en franc de cette façon là. Le taux directeur sera encore maintenu à son niveau actuel, soit 20 %. En attendant que le rythme de formation des prix intérieurs (endettement annuel) soit en-deçà de l’objectif de 28.5 %, la Banque centrale va recourir à l’émission des Bons de la BCC pour réguler la liquidité, les achats des vivres en fonction des besoins du marché…