Les 100 jours de Samy Badibanga au 5 de l’avenue Roi Baudouin

Il savait que son passage à la primature était très limité dans le temps. Au moins jusqu’à l’organisation des élections. Néanmoins, l’accord politique du 31 décembre 2016 est venu disposer autrement. Quel bilan pour les trois mois passés à l’hôtel du gouvernement ? 

« Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va.

Et tout l’art de la politique consiste à bien utiliser ses responsabilités, dans le temps qui vous est imparti », déclare le 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita. Le 1er avril, son gouvernement a totalisé 100 jours… le temps d’un bilan. À ses pairs de la Chambre basse, il a dit, lorsqu’il est devenu 1ER Ministre, vouloir voler haut, au-dessus de la mêlée politicienne, tout en espérant que « la mission noble de médiation confiée aux évêques de la CENCO, loin de laisser le goût d’inachevé, se poursuivra, certainement pour des lendemains meilleurs ». Promouvoir le dépassement de soi, travailler d’arrache-pied, et si nécessaire, ramer à contre courant, pour rassembler la société congolaise, autour des valeurs de la Nation pour le règlement des problèmes politiques qui se posent au pays, et en premier, les élections, Samy Badibanga s’en est imposé tel un vade-mecum.

« Nous ferons tout pour atteindre les objectifs assignés à notre gouvernement, c’est-à-dire consolider la cohésion nationale, organiser les élections et répondre à la crise économique et sociale », avait déclaré Samy Badibanga dans son discours d’investiture, fin décembre 2016, devant l’Assemblée nationale. À cet égard, il s’est engagé à regarder l’avenir proche, c’est-à-dire la tenue des élections dans « le respect des échéances ». Quand Samy Badibanga accédait à la primature, la Commission électorale nationale indépendante (CENI)  enregistrait quelque 805 000 électeurs dans la province du Nord-Ubangi. À fin mars, la CENI a déjà enrôlé 22 millions d’électeurs sur une projection de 40 millions, a fait comprendre Mamadou Diallo.

Cap vers les élections 

« Si nous continuons à ce rythme, avec le soutien financier du gouvernement, nous pouvons dire avec certitude que nous allons tenir le délai du 31juillet 2017 comme étant la date butoir de finalisation du processus électoral… », a indiqué le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU, chargé du processus électoral et coordonnateur des missions humanitaires au sein de la MONUSCO. Malgré une conjoncture économique difficile, le gouvernement Badibanga continue à financer la CENI. Les opérations d’enrôlement s’étendent à court terme dans Kinshasa, le Kongo-Central et les provinces issues de l’ex-Bandundu et de la région du Kasaï. Devant les élus, Samy Badibanga confiait que « mieux qu’une simple tâche, il s’agit d’une mission, la raison d’être de notre existence comme exécutif en cette période précise de l’histoire de notre pays. C’est même notre mandat ».

Les élections, ce n’est pas que la volonté politique d’y aller, mais aussi une lourde charge financière. Le ministre du Budget, l’UNC Pierre Kangundia, se fondant sur la situation du Trésor légué à Badibanga, plus de 500 milliards de francs de déficit, des réserves en monnaie forte équivalent juste à 2,5 semaines d’importation des biens et services, avait redouté que le gouvernement ne soit à mesure, malgré l’apport logistique et matériel, de mobiliser 1,8 milliard de dollars pour l’organisation des élections programmées pour fin 2017. Depuis, le président de la CENI, Corneille Naanga, a révisé à la baisse son budget qui se chiffre désormais à 1,3 milliard de dollars échelonnés jusqu’en 2018, incluant outre la présidentielle, les législatives, les provinciales, les urbaines et les locales.

Aux dernières nouvelles, la CENI n’aura besoin que 510 millions de dollars pour ses opérations d’enrôlement et l’organisation de la première phase d’élections. Pourtant, quelque 860 milliards de francs, soit près de 760 millions de dollars ont été prévus dans la loi de finances publiques portant budget 2017. Hélas, pour des raisons liées à l’accord de la Saint-Sylvestre, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a estimé, dans son speech de la rentrée parlementaire, que la Chambre basse devrait plutôt adouber le prochain gouvernement dont le 1ER Ministre sera issu du Rassemblement. (Cela vaut-il toujours?). Quoi qu’il en soit le gouvernement Badibanga, à qui le chef de l’État a exhorté de travailler sans relâche loin des bisbilles politiques, a résolu à dater du mois de mars d’octroyer des crédits de l’ordre de 50 milliards de francs mensuels à la CENI. Lesquels crédits devraient passer au double, soit 100 milliards, pendant les mois d’échéances fiscales dont avril, juillet et novembre. Il sied de noter que le gouvernement Badibanga avait mis, le 8 février, quelque 56,7 milliards de francs à la disposition de la CENI. Mais la Commission électorale nationale indépendante n’a consommé que quelque 20 milliards, estimant disposer d’assez de réserves dans ses caisses.

Cohésion sociale 

Si les échéances des décaissements sont respectées, à coup, les élections présidentielle et législatives devraient se tenir fin décembre 2017. Mais il reste une équation à dangereux inconnus, lesquels pourraient impacter négativement sur l’agenda de la CENI, pour reprendre les inquiétudes exprimées le 30 mars par le  diplomate onusien Greesley, par des menées subversives des miliciens de Kamwina Nsapu dans le Grand Kasaï.  « La question du Kasaï-Central, nous tient également à cœur, et nous devons la régler, définitivement et rapidement, par une solution pacifique et durable », avait confié le 1ER Ministre. « Il en est de même de toute la partie qui va de l’Ituri au Tanganyika, en passant par le Nord et le Sud-Kivu, où des groupes armés nationaux et étrangers, tuent sans pitié nos compatriotes ». Quoique quelque 400 miliciens aient déposé, fin mars, leurs armes, la situation demeure, il est vrai, critique. Les vidéos des scènes macabres impliquant des éléments des FARDC qui circulent sur la Toile, ainsi que les meurtres des limiers de l’ONU et leur accompagnateur congolais relèguent la RDC dans leur dernier peloton des États respectueux de droits humains. À tel point que la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a mis en garde, en des termes à peine voilés, les autorités de Kinshasa.

La politique de l’accolade plutôt que de l’estocade du gouvernement a porté ses fruits dans le Tanganyika, où pygmées et bantous luba ont renoncé à s’entre-massacrer, voilà plusieurs semaines. Dans l’Est, l’armée a écrasé dans l’œuf une énième tentative d’incursion des M23 alors que le spleen de la guerre gagne la nébuleuse Maï-Maï. On ne détrousse plus la population, on n’enlève plus les opérateurs économiques ou les leaders d’opinion, mais des agents électoraux avec leurs kits dans l’espoir de se faire enrôler. Par ailleurs, le gouvernement Badibanga verse, depuis janvier, la totalité de la solde des forces de sécurité, à temps établi, plus de 35 milliards de francs mensuels.

L’autonomie de la BCC en question 

Mais par ce temps, le pouvoir d’achat du fonctionnaire et de l’agent de l’État a sensiblement périclité du fait de la dépréciation du franc face au dollar. Au 31 mars, 1 dollar s’échangeait contre 1 400 francs au taux parallèle, le plus achalandé. Il est reproché à Badibanga de ne pas poursuivre la politique de la « Troïka stratégique » initiée par son prédécesseur, Matata Ponyo, pour mieux contrôler les fluctuations monétaires de la Banque centrale. Malgré l’affaire de vrais faux billets de 5 000, 10 000 et 20 000 FC, près de 30 % des billets de banque injectés sur le marché ces trois derniers mois sont constitués de ces billets à forte valeur faciale. Badibanga laisse Deo Mutombo en faire à sa tête, note une certaine presse. Pour qui le socioéconomique est le point faible des 100 jours du cabinet Badibanga.