Les bulldozers sont entrés en transe

Pleurs et grincement des dents dans la capitale. Des quartiers entiers estampillés « constructions anarchiques » sont rasés sur la barbe des occupants. L’opération controversée repose la problématique de l’aménagement de la ville de Kinshasa.

 

Éviter la formation des bidonvilles et améliorer ceux qui existent sont des préoccupations majeures pour les responsables politiques dans certains pays soucieux de l’amélioration des conditions de vie de leurs populations.  Normalement, soulignent les spécialistes, une seule de ces deux approches est adoptée par les pouvoirs publics. La première est centrée sur l’amélioration des conditions de vie des habitants des bidonvilles, là où ils sont installés. Un statut d’occupation leur est accordé, les zones de bidonvilles sont dotées des infrastructures de base, et les abris sont améliorés pour en faire des constructions de meilleure qualité et plus durables. Des investissements dans des programmes sociaux et de transports sont également réalisés pour resserrer les liens entre les zones de bidonvilles et le reste de la ville, et pour faciliter l’intégration sociale. Le Projet de réhabilitation du district d’Accra, au Ghana, est souvent cité comme exemple de l’amélioration réussie, de même que plusieurs programmes nationaux d’amélioration en Éthiopie, au Kenya et en Ouganda. La seconde approche, plus controversée, consiste à reloger les habitants des bidonvilles, soit dans des quartiers existants, soit dans de nouveaux lieux moins surpeuplés et plus sûrs.  Dans l’un ou l’autre cas, expliquent les mêmes spécialistes, les habitants sont indemnisés pour leur déplacement et la perturbation de leurs moyens d’existence. D’après eux, beaucoup de choses peuvent être faites, à commencer par la fourniture des services et des infrastructures de base, combinée avec une politique foncière efficace. Rien à faire, la législation qui gonfle le prix des terrains et exclut les pauvres devra être revue. Des lots de base de services (éclairage des rues, revêtement, drainage, routes) doivent être fournis au plus grand nombre de personnes, au meilleur coût possible, comme au Kenya, Mozambique et Nigéria, où il y a des améliorations majeures.

Logements décents

En 2012, le gouvernement a fait un constat selon lequel la RDC accuse un déficit important des logements décents. Certaines analyses estiment le déficit à plus de 12 millions de logements. La question de disponibilité de logement décent a engendré d’autres problèmes dont le développement incontrôlés des bidonvilles et l’occupation anarchique des terrains, avec ses corollaires, la gestion des déchets et la destruction du milieu physique par les érosions. L’urbanisation sauvage, caractérisée par l’occupation des terrains non viabilisés et des sites à risque, la dissémination des villages non viables au niveau national, ainsi que les problèmes fonciers récurrents, affectent négativement le cadre de vie de la population.

L’objectif du programme gouvernemental dans ce secteur visait donc principalement à accroître le taux d’accès de la population au logement décent ; améliorer la gestion du foncier, en vue de réduire le développement des bidonvilles ; étendre les villes et moderniser certains quartiers de grandes villes ; créer des villages économiquement viables.

Dans ce cadre, les actions à mener devraient permettre, au niveau de l’urbanisme et de l’habitat, d’inventorier et sécuriser le patrimoine immobilier du domaine privé de l’État en vue de le réhabiliter, le moderniser et le rendre rentable ; doter le pays d’un plan d’aménagement général du territoire et des plans particuliers de chaque province et grandes villes; réaliser une étude de faisabilité en vue de la création d’une banque de l’habitat et finaliser la loi sur le crédit bail. Une chose est d’élaborer des programmes qui font rêver, une autre est de les mettre en application. Sur ce terrain, la RDC n’est pas bon élève.