Les conditions d’activité en RDC

Faute d’enquêtes régulières, il n’y a pas de réel suivi sur l’emploi, le secteur informel et les conditions de vie des ménages. Dans ces conditions, difficile d’avoir des bonnes politiques.

Célébration de la journée internationale du travail par des travailleurs congolais le 1/05/2012 à Kinshasa. Radio Okapi/ Ph. John Bompengo

 

Les assises du conseil national du travail prévues du 27 au 30 avril, ont été renvoyées à plus tard. Pourtant, les syndicats du secteur privé comme du secteur public les attendaient de pied ferme pour aborder tous les problèmes, notamment celui de la salarisation. La dépréciation continue du franc a érodé le pouvoir d’achat des travailleurs qui revendiquent, à défaut de l’indexation des salaires au taux de change, une révision du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). C’est dans cette ambiance de délétère sur fond de grève latente que la journée mondiale du travail, le 1er mai, a été célébrée en République démocratique du Congo.

La RDC a connu une histoire très mouvementée au cours de ces deux dernières décennies. Mais cela ne saurait expliquer tous les déboires qu’elle connaît sur le plan socio-économique. Le chômage a atteint des crêtes insoupçonnées. Mais que fait le gouvernement pour la création d’emplois à travers le pays ?

Absence de données de base

Les données statistiques socio-économiques de base ont été quasi inexistantes jusqu’à l’enquête emploi, menée en 2004-2005 par l’Institut national de la statistique (INS), qui fournit pour la première fois une image détaillée des principales caractéristiques de l’emploi et du chômage dans le pays. Cette étude permet de mettre en évidence les grandes caractéristiques structurelles du marché du travail en milieu urbain et en milieu rural. En identifiant leurs principales défaillances. Ces défaillances sont la mise au travail précoce des enfants, les désajustements entre les attentes des jeunes et les perspectives réelles d’embauche, la discrimination à l’encontre des femmes, l’inefficacité des services de placement des chômeurs, la généralisation du sous-emploi, la place du secteur informel, etc.).

L’analyse de 2004-2005 devrait en principe ouvrir des pistes pour la définition des politiques visant à améliorer le fonctionnement du marché du travail en RDC. Dans les pays en développement, les politiques de l’emploi sont au centre des politiques économiques. Or pour répondre à ce besoin d’orientation des politiques, il faut disposer de bonnes statistiques sur l’emploi. D’autant plus que dans la plupart des pays africains comme la RDC, la majorité des emplois sont concentrés dans le secteur informel. Par ailleurs, ce pan de l’activité économique devrait également être mieux pénétré en vue de formuler de bonnes politiques de L’emploi et, par conséquent, de réduction de la pauvreté.

La question de l’emploi est cruciale en RDC d’autant plus que l’immense majorité de la population tire ses revenus du travail, les transferts institutionnels (prévoyance sociale) et les revenus du capital ne jouant qu’un rôle marginal. Si ailleurs, l’enquête emploi donne donc aux autorités des éléments chiffrés pour agir sur ce front, et à la population le moyen de juger de l’efficacité de la politique économique, ça n’est souvent pas le cas en RDC. Les dispositifs de suivi de l’emploi et du secteur informel sont quasi inexistants.

Bref, il n’y a pas de réel suivi sur l’emploi, le secteur informel, les conditions de vie des ménages, puisque les enquêtes sont irrégulières. Par exemple, la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages à Kinshasa date de 1984, l’année même du dernier recensement de la population. C’est dire tout le manque de volonté politique dans l’élaboration et le pilotage des politiques de lutte contre la pauvreté.

En 2004-2005, l’enquête nationale auprès des ménages sur l’emploi et les conditions d’activité a estimé la population des ménages ordinaires à 55 300 000 personnes, soit un taux de croissance annuel moyen de 3,7 %. Douze ans après, à combien est-elle, dans un pays, troisième plus grand pays d’Afrique, et grand comme quatre-vingts fois la Belgique. Toutes choses restant égale par ailleurs, 70 % de la population de la RDC vivent en milieu rural et 30 % en zone urbaine. La population présente une prépondérance massive des jeunes. L’âge moyen est de 21 ans, la moitié a moins de 16 ans et les personnes âgées de 60 ans et plus représentent à peine 4 % de la population totale. Globalement, les femmes sont très légèrement majoritaires. La taille moyenne des ménages est de 5,4 personnes et la structure familiale nucléaire reste le modèle dominant (48,6 % des ménages). Aujourd’hui, au moins un ménage sur cinq est dirigé par une femme, principalement parmi les ménages constitués d’une seule personne et les ménages monoparentaux. Dans l’ensemble, plus de 20 % des individus âgés de 15 ans et plus n’ont jamais fréquenté l’école primaire. La situation est variable selon que l’on vit en milieu urbain ou en milieu rural.

Le marché du travail

Sur l’ensemble du pays, on compte aujourd’hui plus de 3,5 millions de personnes en âge de travailler (10 ans et plus). Six personnes sur dix sont actives (ayant un emploi ou chômeur), soit un taux d’activité de 61 %. L’activité agricole absorbe davantage la population rurale. Située en-dessous de la moyenne urbaine, Kinshasa enregistre le taux le plus faible avec seulement près de 40 % d’actifs. Généralement il y a plus d’actifs que d’actives, ce qui se vérifie effectivement en milieu urbain mais pas en milieu rural. L’analyse par classe d’âge montre que l’écart entre les hommes et les femmes est plus marqué en milieu urbain. Les femmes étant davantage sous-scolarisées, le taux d’activité féminin est de fait plus élevé dans les campagnes avec plus de 69 %.

L’entrée précoce des enfants sur le marché du travail reste un phénomène préoccupant en milieu rural avec plus de 12,5 % de très jeunes actifs (actifs occupés ou chômeurs), et les filles sont plus touchées que les garçons par ce problème, avec des taux d’activité respectifs de plus de 14 % et de plus de 11 %.

En milieu urbain comme en milieu rural, près de huit inactifs sur dix ont choisi ce statut de façon volontaire. En revanche, pour plus de 3 165 500 inactifs, l’absence d’activité correspond en fait à une forme de chômage déguisé, dans la mesure où ils se sont retirés du marché du travail parce qu’ils ne pensent pas pouvoir obtenir d’emploi. Ce formidable volant de main-d’œuvre potentielle est une des nombreuses mesures de l’importance de l’offre de travail inemployée qui pourrait quitter l’inactivité. Certes il n’y a pas à proprement parler de «Journée Mondiale» du travail… mais si celui-ci doit être honoré, c’est bien le 1er mai… traditionnellement appelé «fête du travail» dans de très nombreux pays !

L’histoire du 1er mai

Parmi ceux qui défilent le 1er mai, combien savent qu’ils commémorent la grève sanglante du 3 mai 1886 aux usines McCormick de Chicago (USA), pour l’instauration de la journée de huit heures, et le meeting de protestation qui s’ensuivit le lendemain à Haymarket au cours duquel une bombe tua huit policiers.

Huit anarchistes furent arrêtés, quatre furent pendus,le 11 novembre 1887, avant d’être innocentés puis réhabilités publiquement en 1893.

Les martyrs de Chicago vont faire du 1er Mai un symbole de la lutte des classes et de l’identité du monde ouvrier à partir du congrès socialiste international de Paris de 1889 : il s’agissait de fonder en actes le projet d’une société émancipée, libérée du travail contraint. Alternant les hauts et les bas au fil des années, ce symbole sera tout de même à l’origine des lois sur le repos hebdomadaire en 1906 et des huit heures en 1919, avant de se banaliser après être devenu en 1947 un jour chômé et rémunéré.

De nombreux ouvrages parlent de l’histoire du premier mai et nous citerons parmi eux l’excellente «Histoire du Premier mai» de Maurice Dommanget.

Le jour du muguet

On se demande parfois quel est le lien entre la fête du travail et la traditionnelle vente de muguet. En réalité il n’y en a pas, cette tradition remonte à l’année 1561, quand le roi Charles IX décida d’en offrir à toutes les dames de la cour. Comme il en avait reçu à cette même date, l’idée lui plût et c’est lui qui lança cette [bonne] habitude. Mais revenons à la vente du muguet en ce premier jour de mai: elle bénéficie de dérogations particulières qui autorisent tout un chacun à aller vendre sa production sur le trottoir sans avoir à acquitter de taxes.