LA JOURNÉE Internationale de l’Épargne (JIE) est célébrée dans le monde le 31 octobre. Cette célébration est également l’une des actions du Programme national d’éducation financière (PNEF). À ce titre, elle participe de l’amélioration de l’inclusion financière en République démocratique du Congo. Cette année, encore, la Banque Centrale du Congo (BCC) a décidé de mettre en avant la femme, les jeunes ainsi que les petites et moyennes entreprises/petites et moyennes industries (PME/PMI), pour la simple raison qu’ils jouent un rôle important dans le domaine socio-économique dans le monde mais aussi dans le pays.
Cette année, la Banque centrale a organisé deux journées (30 et 31 octobre) de sensibilisation dans plusieurs villes du pays : Bukavu, Kindu, Kisangani, Kananga, Mbandaka, Lubumbashi et Kinshasa, grâce à Trust Merchant Bank (TMB). La campagne tombe à point nommé, étant donné que, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), environ 4 % des jeunes congolais disposent d’un compte bancaire.
À l’heure du bilan
Huit ans après, la campagne d’éducation financière est arrivée à l’heure du bilan. Mieux où en est-on avec le programme national ? Une enquête menée par le PNEF avant la célébration de cette journée révèle que seuls 21 % des Congolais épargnent régulièrement, 38 % des salariés sont à court d’argent avant la fin du mois, 69 % ne payent pas leurs dettes et 17 % empruntent et investissent dans des projets des porteurs. Mais le taux de bancarisation reste encore faible en RDC. Pour le PNEF, les Congolais ont besoin d’une éducation financière.
À chaque célébration de la JIE en République démocratique du Congo, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la BCC, rappelle que le PNEF vise à « doter la nation d’une feuille de route précise et claire, des actions à mener de manière à fournir à la population des connaissances et à apporter la confiance nécessaire à gérer de façon optimale les finances ». Selon le Gouv’ de la BCC, cette campagne permet de faire comprendre à tous les acteurs publics et privés, et à la population l’importance de l’épargne en tant qu’« outil majeur pour stimuler la croissance, le développement économique et pour améliorer la situation matérielle des familles ».
On estime à 5 millions de comptes ouverts et le volume de l’épargne collectée a plus que doublé en l’espace de 8 ans. Pour encourager l’épargne, la BCC a pris une mesure encourageante de politique monétaire. Elle a supprimé le coefficient de la réserve obligatoire pour les dépôts à terme en franc congolais. En sus de cette mesure, la BCC s’est engagée à poursuivre son action et à participer à l’élaboration d’une stratégie nationale d’éducation financière visant la conscientisation aux bienfaits individuels et collectifs de l’épargne.
Cette stratégie nationale qui vise l’inclusion financière s’articule sur quatre piliers : la protection des consommateurs de services financiers, la politique d’éducation financière, la sécurisation des établissements des crédits et le développement harmonieux des infrastructures. Pour la BCC, cette stratégie contribue à l’amélioration du cadre de politique monétaire, de la stabilité financière et de la confiance de la population aux institutions financières. En outre, elle contribue aussi à l’amélioration de l’accès aux services financiers de qualité et adaptés aux besoins de la population. Les efforts sont fournis pour que la culture de l’épargne soit inculquée dans le mental du Congolais. En effet, épargner permet non seulement à l’épargnant de réaliser ses projets, de mettre son argent à l’abri du danger car gardé dans une institution financière fiable mais aussi l’épargne contribue au développement du pays.
Malgré ces efforts, fait savoir le gouverneur de la BCC, beaucoup de Congolais demeurent encore ignorants de bienfaits de l’épargne, dont elle n’a du reste pas la culture et ne recourt pas systématiquement aux institutions financières pour déposer son épargne lorsque celle-ci peut être constituée. D’où l’appel lancé par l’Association professionnelle des coopératives et de crédit du Congo (APROCEC) et l’Association congolaise des banques (ACB) à la population d’épargner l’argent. L’argent déposé dans une institution financière devient alors une épargne pour le pays et, par conséquent, contribue au développement de la nation, y soutient-on.
Quid de l’épargne en RDC ?
Le compte épargne permet de placer son argent, ce qui reste des revenus consommés en contrepartie d’une rémunération, explique Patrick Kabuya, économiste. Pour cet expert, on épargne pour faire face à ses dépenses imprévues et à ses besoins de liquidité, pour réaliser ses projets, et pour sécuriser son avenir.
Mais selon Maxence Bizimine, expert en économie internationale, l’épargne en RDC est le résultat d’une décision de l’agent économique, et non le reste du produit après consommation. Pour lui, l’épargne a pour objectif d’inculquer la notion financière à la population tout en mettant un accent particulier sur l’importance et la nécessité de l’épargne dans les ménages.
Il estime par ailleurs que derrière chaque épargne, il y a une décision parce qu’après la consommation, le reste de la production peut être distribué ou jeté. Cette production ne doit pas être considérée comme étant le reste après une satisfaction.
Les analystes économiques sont à peu près d’accord que l’épargne en RDC est difficile à cause du niveau de revenu de la population qui oscille actuellement autour d’un dollar par jour. Ils évoquent les difficultés liées à la crise économique qui est intervenue dans les ménages depuis plusieurs années. Ils pronostiquent que dans un pays qui exporte des produits semi-bruts et non diversifiés, la culture de l’épargne demeure « chimérique » à cause du revenu annuel faible de la population.
Les contraintes
L’éducation financière se poursuit sans relâche tant à Kinshasa que dans d’autres villes du pays où les institutions financières sont de plus en plus actives depuis quelques années. Les institutions financières cherchent, en effet, à faire accéder des millions de Congolais au circuit financier. C’est ainsi que Kinshasa connaît d’habitude une ambiance assez particulière le 31 octobre, journée dédiée à l’épargne au niveau international.
Actuellement, l’on estime le taux de bancarisation dans la fourchette entre 6 et 8 % de la population active. Mais il est encore l’un des plus faibles en Afrique. Pourtant, le secteur bancaire a connu une progression plutôt fulgurante cette dernière décennie. L’offre bancaire a bien évolué, mais elle reste trop classique et peu adaptée aux réalités économiques du pays, soulignent des observateurs. Qui estiment que la contrainte majeure, c’est la faible connaissance des produits et concepts financiers par les consommateurs.
Le PNEF estime qu’il y a bien une épargne populaire à collecter. Cependant, le débat actuel porte sur la viabilité des comptes ouverts, l’accès effectif des épargnants à tous les produits bancaires. Mais aussi sur les frais bancaires que redoutent la plupart des Congolais. La bancarisation se mesure par la part des clients détenteurs de comptes et/ou desservis en services financiers, qui doit être supérieure à 50 % de la population totale résidente active.
Beaucoup d’autres déficiences tant internes qu’externes participent à la sous-bancarisation du pays. Il y a principalement l’extraversion de l’économie nationale, la faible gouvernance des institutions financières, l’entrepreneuriat local peu compétitif, la faible collecte de l’épargne, l’absence d’un marché financier local, la faible capacité de refinancement et la violation régulière des normes prudentielles par les acteurs financiers. Toutefois, les efforts devront se poursuivre car ce volume de crédit ne peut répondre aux besoins de financement de l’économie nationale.