Au stade actuel de la question, l’irrigation du lac Tchad par la rivière Ubangi ne semble pas possible, selon des scientifiques qui se fondent sur un certain nombre de facteurs convergents. Cependant, face à l’urgence, il y a des préalables à remplir.
La question est sensible. Le transfert des eaux du Congo prend une dimension politique avec, non seulement les menaces du Tchad, mais aussi avec les intentions exprimées de l’Égypte, de la Jordanie et d’Israël de recourir aux cours d’eau congolais pour résoudre leurs problèmes hydrologiques spécifiques. C’est dans ce contexte que s’est tenue, à Kinshasa, une réunion de travail entre des députés congolais, membres de la commission de l’environnement et des ressources naturelles, et une délégation tchadienne. Rien n’a filtré de cette rencontre, ce qui en rajoute au caractère sensible du dossier. La demande tchadienne se fait pressante car le lac Tchad risque de disparaître.
Les positions en présence
Sur ce dossier, la position de Kinshasa a évolué. Ce n’est plus le refus catégorique. Selon des sources proches du dossier, le gouvernement congolais serait prêt à accéder aux sollicitations tchadiennes à condition que certains préalables soient remplis. Ndjamena sollicite un transfert de 3 000 m3/seconde. Pourtant, selon des hydrologues, la rivière Ubangi est menacée par la sécheresse qui affecte ses environs. La réunion de Kinshasa avait pour but d’examiner la faisabilité d’un tel projet et ainsi faire renaître le lac Tchad en proie à la sécheresse et à l’avancée du désert, a laissé entendre un expert sous couvert de l’anonymat.
À l’en croire, la réunion se serait terminée en queue de poisson. Certains députés auraient même souhaité que la question soit soumise au référendum, en invoquant l’article 5 de la Constitution. Le débat politique est donc relancé. À la souveraineté du Congo, on oppose la solidarité internationale. Dans la lutte pour la réduction des gaz à effet de serre, le Congo, qui fait partie du bassin du Congo, dispose de la plus grande forêt équatoriale du monde après celle de l’Amazonie, au Brésil, et de nombreux cours d’eau, est un poumon écologique pour l’Afrique. À ce titre, il a le devoir de solidarité avec les autres pays.
Le point de vue des scientifiques
Des études sont menées sur l’éventualité du transfèrement des eaux de la rivière Ubangi vers le lac Tchad. Nombre d’hydrologues estiment qu’il n’y a pas d’autre alternative si l’on veut sauver ce lac. Cependant, un problème se pose : la navigabilité de l’Ubangi est en baisse. En 2005, il était de douze mois sur 12. Aujourd’hui, le rythme est de quatre mois par an. Des scientifiques expliquent ce phénomène par la disparition de certains affluents de l’Ubangi et par l’incapacité d’autres affluents de ravitailler en quantité suffisante la rivière. Les études de faisabilité soulignent que la sécheresse du fait de la baisse de la pluviométrie, est la cause naturelle et principale de la situation actuelle.
Si le manque de pluies perdure dans la région, l’irrigation envisagée poserait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.
Mais Ndjamena ne le voit pas de cette manière. Il met en avant son projet de construction d’un barrage hydroélectrique à Baramo, dont l’impact économique sera bénéfique pour tous les pays de la région. Les experts se demandent pourtant comment la construction de ce barrage pourra favoriser la navigabilité sur la rivière Ubangi. Le Programme de transport multimodal de la Banque mondiale finance depuis 2013 trois projets de la Régie des voies fluviales (RVF) sur les études hydrographiques. Ces études portent sur le balisage des cours d’eau. Le Fonds monétaire international (FMI) a créé un fonds de financement de balisage et l’Union européenne une commission d’entretien des baliseurs, en plus du financement, pour l’acquisition de nouvelles unités de balisage, d’un centre de traitement des données hydrographiques, de la construction de bornes hydrographiques. La Coopération technique belge a financé en 2012 le projet de désensablement du port de Kalemie. Malgré ces financements, le Congo manque d’hydrologues pour gérer la problématique des cours d’eau.