Congolais de l’étranger (Toulouse, France), Jean est propriétaire d’un flat à Lemba (Kinshasa). Depuis deux ans, il préfère utiliser l’énergie solaire pour alimenter en électricité son établissement commercial. Il a abandonné un générateur diesel qu’il a dit était coûteux à entretenir et brûlait le carburant trop rapidement. À l’instar de Jean, nombre de propriétaires des terrasses, restaurants, boutiques ou des petites unités de production se mettent petit à petit au solaire, après avoir réalisé que le générateur coûte cher comparé à l’électricité fourni par la Société nationale d’électricité (SNEL). « Les panneaux solaires pourraient être une bonne solution, surtout pour ceux qui n’ont pas accès au réseau de la SNEL, car ils ne coûtent pas cher », a déclaré Jean, en séjour à Kinshasa.
À chacun sa solution
À travers la capitale, les consommateurs optent pour leurs propres solutions énergétiques, face aux délestages de la SNEL devenus la norme dans la distribution de l’électricité, pour alimenter hors réseau les maisons et les très petites entreprises. Alors même que le gouvernement a arrêté une stratégie dite « Énergie durable pour tous ». Cette stratégie comprend trois objectifs ambitieux : doubler à l’échéance de 2018 le taux d’accès à l’électricité (de 9 % à 18 %), lancer de vastes chantiers d’ouvrages hydroélectriques à travers le pays et prendre les mesures incitatives avec la nouvelle loi portant sur la libéralisation du secteur de l’énergie. Dans cette stratégie, des projets d’énergies renouvelables, comme le solaire, occupent une place importante.
Selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), près d’un milliard de personnes en Afrique subsaharienne auront accès au réseau en 2040, mais à ce moment 530 millions restent hors réseau. Le Sénégal vient d’inaugurer un projet massif de 20 MW qui fournira l’énergie à 160 000 personnes. Pour le président sénégalais, Macky Sall, cette initiative ouvre la voie à « une nouvelle ère de l’énergie propre ». La RDC pourrait s’en inspirer, a fait remarquer Jean. D’après lui, la RDC a un potentiel immense, mais elle a un problème de distribution. Il faut penser désormais en termes d’autoroutes de l’électricité », a-t-il expliqué. Avec environ 7 millions de Congolais sur 70 millions recevant l’électricité, la grille de la force de la RDC est inférieure à la moyenne pour l’Afrique subsaharienne (22 %). Par ailleurs, le faible taux d’accès à l’électricité cache de très grandes disparités selon que l’on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural, ainsi qu’entre les différentes provinces. Et même au sein des provinces, les écarts sont considérables entre les villes et les villages.
Outre le Sénégal, des pays comme la Mauritanie et le Rwanda, investissent dans des projets solaires à grande échelle. L’initiative du président américain (sortant) Barack Obama, Africa Power, qui identifie les gouvernements et les entreprises nécessitant de l’énergie durable et abordable et offre un financement et une expertise dans plus de 15 pays, a pris un intérêt particulier dans le solaire. Africa Power pousse cette source d’énergie renouvelable pour que les gens n’attendent pas que l’électricité arrive à eux. Mais ils peuvent accéder à une entreprise aujourd’hui et avoir un panneau solaire mis sur leur toit.
Les systèmes hors-réseau et la technologie nécessaire pour les rendre accessibles aux foyers les plus pauvres ont atteint un point de basculement au cours des cinq dernières années. Ce basculement est stimulé par les progrès qui ont fait baisser les coûts. « Avec le même montant d’argent qu’on dépense pour acheter du carburant afin d’alimenter le générateur, juste pour avoir la lumière … on peut acheter un petit panneau solaire qui peut alimenter des ampoules de sécurité », a souligné Jean. Selon les calculs de la société britannique Pay-as-you-go qui fabrique les panneaux solaires Azuri, le coût par kw pour l’électricité dans l’Ouest était d’environ 15 cents, tandis que le kérosène était 53 fois plus élevé et des bougies 105 fois en moyenne plus élevés pour les consommateurs africains.
Azuri et son rival M-Kopa offrent un paquet de lightbulbs énergie solaire, radio et téléphone, ports de charge pour aussi peu que 50 cents par jour. Les téléviseurs à énergie solaire sont également disponibles pour un peu plus et les réfrigérateurs sont censés suivre. Ces entreprises ont le vent en poupe au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda et au Ghana, où le mobile banking est très développé.
L’investissement dans le soleil pour alimenter l’Afrique est appréciable: à la fin de 2014, la production se situait à 1 334 MW, dix fois plus à celle de 2009 (127 MW), selon l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (IRENA). Le cabinet de conseil KPMG a récemment rapporté que l’énergie solaire est « la source d’énergie renouvelable en Afrique le plus largement disponible », et pourrait « apporter de l’énergie à pratiquement tout endroit en Afrique sans la nécessité de la construction d’infrastructures coûteuses au niveau du réseau à grande échelle ».