Le ministre des Petites et moyennes entreprises (PME), Bienvenu Liyota Ndjoli, est en campagne de vulgarisation de la loi sur la sous-traitance et d’enregistrement numérisé des PME fonctionnant en République démocratique du Congo. L’objectif est de leur faciliter l’accès aux marchés publics et stimuler l’émergence d’une classe moyenne. « Nous œuvrons pour rendre nos PME compétitives grâce à une expertise locale outillée et compétente », déclare Bienvenu Liyota, qui réaffirme « la détermination du gouvernement » à gagner ce pari. Pour le ministre des PME, il est question de « traduire en acte la volonté du chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, celle de faire du Congolais le premier investisseur dans son pays, et de la demande intérieure, le moteur de l’économie congolaise ».
Le ministère des PME s’est lancé depuis quelques mois dans l’implantation des incubateurs d’entreprises, via l’Office de promotion des PME congolaises (OPEC) et avec le concours de quelques partenaires extérieurs. D’après le ministre Liyota, il s’agit d’aider les promoteurs des PME à accéder aux équipements collectifs de qualité et acquérir le savoir-faire et l’expertise qui leur font grandement défaut. En partenariat avec la Banque mondiale, le ministère des PME met en place un programme d’appui au développement de ces dernières à travers une approche innovante, adaptée au contexte congolais et consistant à créer un maillage des PME autour de grandes entreprises existantes.
« Cette approche rejoint le vœu du législateur de la loi sur la sous-traitance en ce qu’il fait obligation à toute entreprise principale installée sur le territoire national de, non seulement, publier annuellement le chiffre d’affaires réalisé avec les sous -traitants ainsi que la liste de ces derniers, mais aussi de mettre en œuvre, en son sein, une politique de formation devant permettre aux Congolais d’acquérir la technicité et la qualification nécessaires à l’accomplissement de certaines activités », souligne Bienvenu Liyota. Si l’ouverture de l’accès à des marchés naturellement fermés aux sous-traitants congolais est une avancée significative mais pas suffisante, le ministre des PME estime que « la mise en œuvre de la politique du gouvernement, dans un élan de collaboration avec le secteur privé et les partenaires, conduira le pays à relever le défi du développement de l’entreprenariat local, gage de la prospérité de l’économie congolaise. »
Corriger le déséquilibre
Pour la majorité des entrepreneurs nationaux, voire étrangers ayant choisi la RDC comme seconde patrie, les processus actuels d’attribution des marchés publics sont encore trop peu transparents et demeurent un terrain propice pour le développement de la corruption et du trafic d’influence. La loi n°17/001 du 8 février 2017 fixe les règles applicables à la sous-traitance. Elle est entrée en vigueur le 17 mars. Auparavant, cette matière était réglementée par un arrêté de 2013 et qui ne portait que sur le secteur minier. La loi était réclamée parce que l’afflux de sous-traitants étrangers ne laissait pas d’espace aux entreprises congolaises à capitaux congolais constituées essentiellement de PME. Elle consacre la notion de « préférence nationale » dans les contrats de sous-traitance privée.
On estime à plusieurs centaines, le nombre d’entreprises, détenues majoritairement par des actionnaires internationaux et actives dans la fourniture de services en RDC, et qui pourraient être concernées par l’application de la loi du 8 février 2017. Celle-ci prévoit que « l’activité de sous-traitance est réservée aux entreprises à capitaux congolais promues par les Congolais, quelle que soit leur forme juridique, dont le siège social est situé sur le territoire national », et ce dans « tous les secteurs d’activités ».
La loi limite donc le volume des activités pouvant être sous-traitées à 40 % de la valeur d’un marché, et oblige à recourir à des appels d’offres pour des marchés supérieurs à 100 millions de francs congolais. Son périmètre a priori très large pourrait obliger un certain nombre de sous-traitants, dans les mines, mais aussi dans les transports et les infrastructures, à structurer davantage leur présence dans le pays, via une filiale, là où jusqu’à présent ils ne disposaient que d’une représentation ou d’une succursale.
Les milieux économiques dans le pays redoutent les sanctions au cas où la préférence congolaise prévue par le texte ne serait pas respectée. Les contrevenants pourraient être sanctionnés de la nullité des contrats conclus et d’une amende de 50 millions à 150 millions de francs congolais. L’idée d’une participation plus active des Congolais à l’activité économique du pays est louable, mais la mise en œuvre sera très difficile, redoute-t-on dans certains milieux d’affaires, notamment à la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Le ministère des PME a prévu des concertations avant de prendre les mesures d’application. Question de balayer les « grosses interrogations » quant à l’application de cette loi. L’objectif est de permettre aux Congolais de s’offrir de réelles opportunités d’affaires à travers les programmes de développement.
Question de statut légal
Combien sont-elles en réalité ? Selon des sources recoupées, il existerait plus de 3 millions de PME/PMI recensées dans les différents secteurs de l’économie à travers le pays. Les unes sont plus structurées, les autres le sont moins. Mais toutes ces unités de production éprouvent des difficultés dans l’exercice de l’activité économique. À la Confédération des petites et moyennes entreprises du Congo (COPEMECO), on explique qu’elles sont fortement entravées dans leur expression par les obstacles ou les contraintes de divers ordres, notamment fiscal et parafiscal. En effet, les PME sont victimes des tracasseries. La conséquence est que des agents économiques préfèrent évoluer dans l’informel. On estime à entre 4 % et 5 % seulement les assujettis qui s’acquittent de leur devoir fiscal.
Selon plusieurs enquêtes, les PME/PMI créent plus de 50 % de l’emploi en Afrique dans divers secteurs : transports, tourisme, mines, agriculture, fabrication et commerce de détail… Depuis plusieurs années, l’activité économique tourne au ralenti. Les corporations patronales ont souvent dénoncé le peu d’intérêt de l’État pour la promotion des PME/PMI. Un exemple : le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) est en plein essor en RDC. Mais, les usines sidérurgiques, les chaudronneries et les cimenteries locales ne semblent pas en profiter. Pire, le boom de l’immobilier fait la part belle aux matériaux de construction venus d’ailleurs. C’est le cas du ciment, des fers à béton, de la quincaillerie, des carreaux importés de Chine, Angola, Turquie, Egypte, Dubaï… Les secteurs prioritaires sur lesquels la Fédération des entreprises du Congo (FEC), la plus importante organisation patronale au pays, invite le gouvernement à travailler davantage et à prendre des mesures urgentes restent assurément l’agriculture et l’industrie.
Peu importe leur taille et malgré leur statut légal, les PME/PMI sont omniprésentes en RDC. De l’avis général, elles jouent un rôle social et économique considérable. Cependant, la plupart de ces activités génératrices de revenus ne se distinguent pas de celles du secteur dit de l’informel dont les caractéristiques leur sont largement transposables. Dans ce cas, comment peuvent-elles jouer le rôle de moteur de croissance ?
L’absence de statut légal d’une entreprise est un handicap majeur pour les structures qui opèrent dans l’informel. La porte de beaucoup de services leur est fermée et notamment de l’accès à des sources de financement, même si le développement de la microfinance permet actuellement de les bancariser et de leur donner des solutions de financement à court terme. De même, les structures du secteur de l’informel sont privées de toute possibilité de concourir aux appels d’offres des marchés publics du fait qu’elles ne sont pas assujetties aux paiements d’impôts.
Dans un contexte où l’économie est dominée par le secteur informel qui tend à tirer vers le bas les activités génératrices de revenus, on se demande comment le secteur privé peut être un élément essentiel de la croissance en RDC. La plupart des enquêtes menées dans le pays penchent en faveur du développement des PME étant donné qu’elles représentent une part importante de l’emploi et de la redistribution de richesses. Cependant, encore faut-il en saisir les besoins et les modes de fonctionnement. De prime abord, les PME peinent à se développer car elles sont enclines à de multiples contraintes dont la disparité des acteurs, l’informalité, le déficit d’accès aux sources de financement, l’instabilité juridique et judiciaire, la faiblesse de l’offre de travail…
Question de taille ?
Selon les modes de fonctionnement, il y a, d’une part, les grandes entreprises et, d’autre part, les petites entreprises. Entre les deux extrêmes, il y a une quasi-absence d’entreprises de taille moyenne. Quant aux petites, voire toutes petites entreprises, leur variété est aussi importante que leur nombre. Mal connues, mal intégrées dans l’arsenal administratif local, elles constituent pourtant un levier essentiel de la création et de la redistribution des richesses. Les petites entreprises recourent très souvent au financement informel ou à la microfinance en plein essor.