DANS SON OUVRAGE intitulé « Sur la corde raide » publié à Bruxelles en 1980, A. Jaumotte dit ceci à propos de la prospective : « Jamais la prospective n’a eu une telle capacité d’élaborer des scénarios du futur. Nous pouvons dire ce qui adviendrait dans telle ou telle hypothèse. Et cependant, nous n’avons jamais été dans une telle incertitude vis-à-vis de l’avenir. C’est que la prospective ne peut prendre en compte l’aléatoire, la perturbation non prévue, la décision politique qui modifie tout à coup les données du problème. On peut brosser des scénarios mais on ne sait lequel sera marqué du doigt du destin. »
Dans la foulée des études entreprises ou lancées sur les ressources naturelles, il est à noter une réflexion générale échangée sous forme de controverse entre l’Occident et le reste du monde (Asie, Amérique latine et l’Afrique). « Paradoxe des ressources naturelles », « La malédiction des ressources naturelles »… voilà quelques titres qui ont défrayé la chronique, il y a de cela quelques décennies, pour illustrer la crise ou la problématique des ressources naturelles dont dépend l’avenir de beaucoup de pays, notamment africains.
Aujourd’hui, dans un monde hostile, confrontées à des défis immenses et disposant des moyens réduits, les populations des pays nantis de ressources naturelles, face aux retards considérables que la longue nuit coloniale leur a imposés et aux besoins nombreux et pressants qu’elles ressentent, voudraient tout naturellement savoir de quoi demain sera-t-il fait, tant le passé leur paraît douloureux, et le présent incertain.
Intérêt stratégique
Aujourd’hui, à cause des ressources naturelles enfouies sous et sur son sol, l’Afrique est devenue un intérêt stratégique d’une telle importance que son poids dans le monde de demain pourrait être déterminant dans la bataille que se livrent les super puissances pour l’établissement de leur hégémonie sur le reste du monde. Aujourd’hui, il est devenu clair, depuis la fin de la guerre du Vietnam, que c’est sur le sol africain notamment que se livrent déjà, et que se livreront certainement dans le proche et le lointain avenir quelques-unes des plus grandes batailles d’influence, notamment économique dont l’issue devrait commander notre avenir commun.
Il n’est donc pas exagéré de dire que quiconque gagnera le continent africain, pourra, sans conteste, avoir quel titre à prétendre à la direction de la planète. Dans son discours à l’ouverture du symposium sur « L’Afrique et son avenir » réuni à Kinshasa, en République du Zaïre (actuellement RDC), du 20 au 30 avril 1985, le professeur Iba Der Thiam, déclara notamment : « L’Afrique n’est en effet pas seulement une mosaïque d’une cinquantaine d’États dont le rôle ou l’engagement fait toujours pencher la balance des grandes décisions internationales dans un sens ou dans un autre, elle commande en plus les relations maritimes, terrestres, aériennes internationales les plus prometteuses ; elle dispose de ressources incommensurables dans les métaux rares et précieux notamment, de sources d’énergie d’une ampleur considérable, de potentialités forestières, minières, halieutiques à peine entamées. Tant d’atouts l’exposent naturellement à la convoitise des Grands qui constitue une menace inquiétante pour son indépendance, sa sécurité, sa stabilité et son unité. »
Face aux contraintes et menaces économiques et sociales, beaucoup d’observateurs recommandent à propos des ressources naturelles que la réflexion sur les fins doive toujours procéder et commander l’organisation des moyens. Un auteur latin nommé Columelle avait coutume de dire que pour agir, il faut d’abord savoir, il faut ensuite vouloir, il faut enfin pouvoir. La réflexion, sous ce rapport, doit toujours éclairer et préparer l’action.
D’après les mêmes observateurs, une réflexion sur les ressources naturelles si opportune et si légitime qu’elle soit sur l’avenir des pays qui en regorgent n’a de chance de succès que si elle s’appuie sur un bilan du chemin parcouru. Il y a des erreurs indiscutables qui ont été faites dans les choix économiques, politiques et culturels dans la gestion (l’exploitation) des ressources naturelles que les États doivent avoir le courage d’aborder.
C’est notamment le cas de certains choix en matière agricole, de certains choix au plan de la démocratie et des droits de l’homme, de certains choix en matière de justice sociale et de répartition du revenu national, de certains choix en matière d’industrialisation… Les États, notamment africains, ne doivent pas avoir peur ou avoir honte de dresser un bilan courageux et sans complaisance, un bilan qui récuse l’utopie trompeuse, le fatalisme inhibiteur ou le défaitisme coupable.
Réformes pour l’action
Une fois cela fait, la détermination de politiques (réformes) pour l’action doit partir d’objectifs intentionnels, programmatiques concrets, réalistes, pratiques et précis. Sans perdre de vue que le contexte macroéconomique des prochaines décennies sera, en général, peu favorable au développement satisfaisant des pays pauvres mais nantis de ressources naturelles, si l’on en croit les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale, de la Conférence des Nations Unies pour la coopération économique et le développement (CNUCED), de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE)…
En tout cas, rien ne prouve que la conjoncture sera, pour les pays pauvres, meilleure. Pour atténuer les hypothèques que les effets d’un environnement international peu incitatif au double plan politique et économique pourraient avoir sur l’avenir de ces pays, notamment africains, il ne suffira pas d’avoir une volonté politique sincère. Il faudra aussi assembler les moyens que la politique à promouvoir exigera, en comptant d’abord sur ses propres forces, en imaginant ensuite des stratégies globales et sectorielles d’intervention et d’action, pour consolider l’indépendance et créer de nouveaux espaces économiques, de nouvelles solidarités horizontales, de nouveaux champs d’action totalement restructurés.
On entend souvent par ressource naturelle, « chaque bien et service provenant de la nature de manière directe, c’est-à-dire, sans avoir besoin d’intervention humaine ». Par ressources naturelles, on entend aussi « l’ensemble formé par la nature et les modes préindustriels d’exploitation de la nature ». Aujourd’hui, par ressources naturelles, on entend « les diverses ressources minérales ou biologiques nécessaires à la vie de l’homme et à ses activités économiques propres à la civilisation industrielle ».
Suivant la tradition établie par Siegfried V. Ciriacy-Wantrup (1952), on classifie les ressources naturelles (extractives) en deux catégories : ressources renouvelables et ressources non renouvelables, selon qu’elles affichent un taux de régénérescence économique significatif ou non.
Les ressources non renouvelables « sont constituées par les matières premières minérales (les minerais et les métaux) et les combustibles fossiles (les hydrocarbures), qui proviennent de gisements formés au cours de l’histoire géologique de la Terre et correspondant à un stock, par essence même, épuisable ».
Tandis que les ressources renouvelables « qui peuvent, en principe, être exploitées sans épuisement, sont capables de se régénérer en permanence ». Elles regroupent l’eau, les sols (terres cultivables) ainsi que les ressources biologiques, qui sont constituées par les communautés vivantes exploitées par l’homme (forêts, pâturages, pêcheries maritimes, biodiversité – espèces animales et végétales) et par les ressources génétiques (variétés de plantes cultivées et races d’animaux domestiques).
Les ressources renouvelables ne peuvent être considérées comme inépuisables que dans la mesure où leur taux de prélèvement est inférieur à la productivité nette disponible, c’est-à-dire au taux de régénération. C’est une condition impérative à l’utilisation durable de telles ressources et, donc, à la sauvegarde des conditions de vie des générations futures.