Les réticences américaines pour investir en RDC

Ils ont été reçus par le conseiller spécial du chef de l’État chargé de la bonne gouvernance. Mais, le discours officiel sur l’accueil en bonne et due forme des investisseurs ne convainc pas encore. 

Une délégation d’hommes d’affaires et de banquiers américains a conféré, le 15 juin dernier, avec Luzolo Bambi Lessa, conseiller spécial du président de la République, en charge de la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Les Américains ont été conduits par leur ambassadeur auprès de la RDC et le président de la Chambre de commerce américaine, Christopher Dehappy.

Le président de la Chambre de commerce a fait savoir les attentes des hommes d’affaires de son pays en ces termes : « Treize sociétés américaines, qui ont été en RDC plus de deux fois comme investisseurs, veulent revenir. Mais pourquoi n’ont-elles pas encore ouvert des bureaux jusqu’à maintenant ? C’est parce que, justement, elles ont peur du climat des affaires ». Conclusion : « Donc, nous attendons un vrai accompagnement des plaintes, un système judiciaire réel, juste ; nous attendons que le système de dénonciation ne soit pas accompagné de représailles ».

Partis de 10 kg de problèmes à 7,5

En fait, la crainte « de représailles » évoquée par l’Américain fait suite à l’une des missions du conseiller spécial. Le mandat de celui-ci lui confère effectivement le droit de recevoir – et de traiter pour sanction – des plaintes émanant des témoins, acteurs ou observateurs d’un quelconque acte de corruption, blanchiment d’argent ou financement du terrorisme constaté dans leur entourage.

Selon les Américains, les dénonciations « officieuses » méritant plus de discrétion, ne devraient pas être « accompagnées de représailles » de la part des auteurs des délits portés à la connaissance de l’autorité publique. C’est à l’épreuve de ce test-là que les opérateurs économiques américains soumettent la RDC. Sur ce chapitre, Luzolo a promis à ses interlocuteurs que « dans un mois et demi, les auteurs des infractions listées seront traduits devant les instances judiciaires ». Néanmoins, à sa préoccupation visant le renforcement des capacités d’une centaine de ses collaborateurs, ses interlocuteurs se sont engagés à l’accompagner.

La RDC a-t-elle pour autant amélioré le climat des affaires depuis les élections qui ont porté Joseph Kabila au pouvoir en 2006 ? La réponse est nuancée. Christopher Dehappy déclare qu’ « on n’est pas encore là, mais il y a quand même des améliorations ». Pour illustrer sa pensée, il recourt à l’image d’un fardeau : « nous étions partis peut-être de 10 kg de problèmes [et sommes arrivés] à presque 7,5. Donc, il y a encore du chemin à faire ».

La 184ème place sur 189 économies

Du chemin à faire c’est, par exemple, détacher « la Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref) de la Banque centrale du Congo ». De l’avis de la Chambre de commerce américaine, la Cenaref doit être « un organe totalement indépendant », afin de jouer un rôle efficace, positif.

Dernier souhait émis par les Américains : « les actions à mener par Luzolo Bambi devront se traduire par des sanctions et le changement des mentalités ». Somme toute, un vaste chantier qui nécessite à temps et à contretemps l’expression de la volonté politique sans équivoque des pouvoirs publics.

En août 2012, Kinshasa avait abrité les assises nationales axées sur l’amélioration du climat des affaires. Les participants avaient produit une feuille de route sur les réformes nécessaires à cet objectif. Le maître-mot étant « la sécurité juridique et judiciaire doit devenir une réalité en RDC », le premier ministre avait affirmé que son gouvernement s’engageait à travailler dans ce sens en se basant sur les principaux indicateurs du classement « Doing Business » publié chaque année par une filiale de la Banque mondiale chargée du secteur privé. Ce classement répertorie les pays suivant la facilité d’y faire les affaires.

Dans le classement Doing Business 2015, la RDC a figuré dans le top 10 des pays  africains engagés dans des réformes mais, concrètement, elle occupe encore la 184ème place sur 189 économies. Un long chemin à parcourir.