Les routes de la capitale dans un état piteux

Malgré des investissements importants, les routes kinoises sont défoncées et se trouvent dans un état lamentable. Hormis les boulevards du 30 Juin et Lumumba, elles ne font, pour le moment, l’objet d’aucune attention. Conséquence : les embouteillages sont fréquents et les véhicules connaissent des casses. Où est passé l’OVD ? 

Etat de délabrement de l'avenue Bokasa à Kinshasa.

L’absence d’engins sur la voie publique pour la réhabilitation des routes dans les communes de Kinshasa est signe que les caisses de l’État sonnent creux ou c’est l’insouciance des dirigeants de la capitale. La voirie de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, représente un linéaire de 3 364 km, soit plus de 40 % de l’ensemble des voiries urbaines du pays (7 433 km). Seulement quelque 679 km sont asphaltés. En dehors du boulevard du 30 Juin et du boulevard Lumumba qui serpente plusieurs communes de Kinshasa, les autres principales artères qui donnent accès aux communes, ne sont qu’un pis-aller. La bitume est tombée en lambeaux, à l’image des avenues Luambo ex-Bokasa et du Commerce, en plein centre des affaires dans la commune de la Gombe, By Pass…

Sur ce dossier de réhabilitation des routes, le cabinet de l’ancien 1ER Ministre Matata Ponyo et le gouvernement provincial de Kinshasa dirigé par André Kimbuta, étaient souvent à couteaux tirés, se rejetant souvent la responsabilité de la dégradation de la situation. Même les bourgmestres dans les communes ne savent pas toujours face à cette situation. Les chauffeurs des taxis et taxi-bus se détournent de certaines lignes pour ne pas endommager leur mécanique, à défaut de majorer unilatéralement le tarif. Par exemple, à Lemba, le tarif de la course entre Super Lemba et Cité Salongo est passé de 400 à 500 francs, avant même qu’il y ait hausse de carburant à la pompe. Tout simplement parce que la route est dans un mauvais état.

La polémique a souvent porté sur l’interprétation de la loi. Au ministère des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction (ITPR), on tient pour alibi l’article 204 de la constitution pour expliquer. Selon cette disposition, la voirie et les équipements collectifs provinciaux et locaux relèvent respectivement de la compétence exclusive des provinces et des entités territoriales décentralisées (ETD). Mais à l’Hôtel de ville de Kinshasa, le gouverneur André Kimbuta  se réfugie derrière la rétrocession des 40 % des recettes générées par la capitale. Sous le gouvernement Matata, les fonds étaient rétrocédés à compte-gouttes. Pourtant, l’exécutif urbain table sur cette quote-part qui représente 80 % du budget annuel de la Ville-province. La conséquence est que les projets d’infrastructures dont les routes en paient les frais.

Par ailleurs, le gouvernement provincial s’est souvent plaint que le gouvernement central se soit servi des frais d’investissements alloués à Kinshasa. Mais pour calmer le jeu, le ministère des ITPR soulignait que le gouvernement central n’intervient qu’en appui au gouvernement provincial  dans les voiries et les ouvrages de la ville de Kinshasa. Et cela, en plus des voiries structurantes qui sont le prolongement des routes nationales, partant notamment de la nécessité d’assurer une certaine cohérence dans la fluidité du trafic routier ou selon que le financement provient des ressources extérieures. Kimbuta ne l’a jamais entendu de cette oreille.

En décembre 2015,  le gouvernement central soutenait disposer, pour la ville de Kinshasa, de plusieurs études sur les voiries, dont celles du projet portant sur les 22 artères d’une longueur totale de 66 km sous financement de la Banque arabe de développement économique pour l’Afrique (BADEA). Cinq d’entre elles ont été sélectionnées : Croix rouge (Kinshasa), Bianda (Mont Ngafula), Biangala (Lemba), Kimwenza (Kalamu) et Kisenso (Kisenso). Le tout représentait un linéaire de 12,36 km pour le bitumage. Coût des travaux : 18 millions de dollars répartis à hauteur de 8 millions de dollars par la BADEA, 8 millions de dollars par  l’OFID et 2 millions de dollars par le gouvernement. Les accords de prêt de 8 millions de dollars avec respectivement la BADEA et l’OFID ont été signés et ont reçu l’approbation du Parlement et ratifiés par les ordonnances-loi n°14/009 et 14/010 du 10 juin 2014 du président de la République. Le processus devant permettre l’exécution de ce projet prévu sur 24 mois était en cours, avait rassuré, fin 2015, le ministre des ITPR sortant, Fridolin Kashweshi. Une année après, aucune de ces avenues n’a été réhabilitée.

Il semble que les crédits les plus importants affectés à la voirie structurante, relevant du pouvoir central, ont été versés en 2013, plus de 15 milliards de francs. Le  projet de réhabilitation de l’avenue Elengesa a également été repris dans un programme de plus de 3 milliards de francs. Un boulevard de plus de 10 km qui relie les communes populeuses de Ngiri-Ngiri, Makala, Bumbu et Selembao. Selon des experts, sa réhabilitation permettrait de désengorger l’avenue de Libération, ex-24 novembre, ainsi que l’avenue Kasa-Vubu. Autre artère susceptible de permettre la fluidité de la circulation dans la partie est de Kinshasa, c’est l’avenue de la Paix. L’asphaltage de cette avenue qui tarde, permettrait de désenclaver plusieurs quartiers des communes de Kisenso, Matete et Mont Ngafula. Cela fait plus de 10 ans que sa construction est annoncée avec pompe. L’avenue de la Paix est longue de 14,5 km et fait partie des principales artères de la voirie de Kinshasa qui restent encore non revêtues.

De par son importance, l’avenue By Pass, ouvrant sur 13,7 km Salongo, rond-point Ngaba et Cité verte au centre-ville, est à l’abandon. Construite en 1981, elle est fortement dégradée. Un projet a été élaboré en 2011 en vue de sa réhabilitation et sa modernisation en une chaussée de 2×2 bandes pour un montant de quelque 40 millions de dollars. Cependant, sans les frais des expropriations et autres relatifs aux délocalisations des concessionnaires (entre autres des tuyaux de la REGIDESO et les câbles de la SNEL), sa réhabilitation est en veilleuse. Le projet n’a jamais été aligné dans le budget de l’État de 2012 à 2016. La réhabilitation de By Pass aurait été inscrite dans le contrat SOPECE comme étant le prolongement de la RN 1. C’est un contrat de concession de 11 ans qui a été signé en 2008 entre l’État congolais et la firme chinoise CREC-7, à travers sa filiale SOPECE pour la gestion du péage sur la RN 1 entre Kinshasa et Matadi. Les recettes de péage sur ce tronçon de la RN 1 sont passées à 3,5 millions de dollars par en 2015. Et, en contrepartie, les Chinois se sont engagés notamment à entretenir régulièrement la route Kinshasa-Matadi et à verser 130 000 dollars par mois à la province du Kongo-Central. Trois postes de péage sont, en effet, érigés entre Kinshasa et Matadi.

Dans la capitale, les artères « modernisées » l’ont été grâce aux financements extérieurs. Il s’agit notamment de l’avenue Kasa-Vubu et la boucle Matonge sur le financement de la Banque mondiale, les avenues Kabambare, Sergent Moke et Kabinda sur le financement de l’Union européenne (UE), alors que le Fonds kowétien a permis la réfection de l’avenue de la Libération, dont le tronçon rond-point Moulaert-UPN. La JICA (coopération japonaise) a financé les travaux de modernisation de l’avenue des Poids-Lourds.