LE SOMMET mondial sur le climat de San Francisco s’est terminé vendredi 14 septembre sur une incertitude. D’où, on se demande si les dirigeants mondiaux seront sensibles à la pression des villes et des régions du globe, avant le prochain rendez-vous de négociations internationales en décembre. Les milliers de délégués – maires, gouverneurs, ONG, patrons – rassemblés pour la première fois en Californie ont oscillé pendant une semaine entre voir le verre à moitié plein et le verre à moitié vide. « Je vais vous dire la vérité », a dit John Kerry, ancien chef de la diplomatie de Barack Obama. « Nous sommes très loin de l’objectif », a-t-il lancé aux délégués, alors qu’un ouragan pilonnait en ce moment-là côte atlantique du pays.
RDV à Katowice en décembre
Les trois prochains mois et la prochaine année sont déjà décrits comme « cruciaux » par de nombreux participants pour relancer l’accord de Paris sur le climat de 2015. En décembre, 190 États signataires se retrouveront à Katowice, en Pologne, pour s’accorder sur les règles de mise en œuvre du pacte. « L’énergie de Paris a été perdue », a déploré l’un des rares chefs d’États présents à San Francisco, le Hongrois Janos Ader. « L’avenir de la civilisation est en jeu, c’est le message que nous devons porter à Katowice ». Mais les préparatifs de ce rendez-vous apparemment technique sont dans l’impasse, risquant même de laisser éclater au grand jour la faiblesse du pacte climatique.
La méthode adoptée en 2015 est inédite : aucune sanction n’est prévue pour les pays. Chaque État fixe ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre – des objectifs pour l’instant largement insuffisants pour limiter à 2 °C la hausse de température du globe avant 2100, la Terre en étant à +1 °C par rapport à l’ère préindustrielle.Un sommet de l’ONU est aussi prévu en septembre 2019, avant la révision des objectifs nationaux en 2020. « C’est ce qui déterminera si l’accord de Paris pourra être sauvé ou non », dit David Paul, ministre de l’Environnement des Îles Marshall, menacées d’engloutissement par la montée de l’océan Pacifique.
Des grandes villes dans la bataille
Des dirigeants régionaux européens, asiatiques ou américains ont affirmé qu’ils pouvaient prendre le relais des États défaillants en accélérant le passage à l’électricité et aux véhicules propres. « C’est dans les villes que la plus grande bataille doit être menée », déclare Mauricio Rodas, le maire de Quito, dont la ville est en train de construire son premier métro et prévoit de restreindre aux véhicules propres son centre historique.
Quito, comme Varsovie, Buenos Aires ou Le Cap, sont quelques-unes des villes ayant rejoint New York, Londres, Paris, Tokyo et plusieurs États américains comme la Californie dans ce mouvement vers le « zéro carbone ». Les multinationales sont omniprésentes, venues affirmer que l’écologie est compatible avec la croissance : Unilever, Ikea, Sony, Walmart, Michelin…
Le patron d’un grand cimentier indien, Dalmia, promeut sa technologie qui a permis de réduire les émissions de ses usines. Le ciment est une industrie qui dévore de l’énergie, en l’occurrence du charbon, et produit nécessairement du CO2. Mais « être propre et vert, c’est rentable », assure ce dirigeant, Mahendra Singhi. Les cités ayant adopté les objectifs les plus ambitieux et rapides se trouvent principalement en Europe et en Amérique du Nord, dans des pays où les émissions sont sur la pente descendante depuis une décennie ou plus.
Cependant, les rejets de CO2 par la Chine, premier pollueur mondial, et le reste de l’Asie continuent à croître fortement. Au total, le monde continue à émettre toujours plus. Le but des prochaines années est d’arrêter, enfin, cette croissance. « Si nous ne parvenons pas à infléchir la courbe mondiale des émissions dans les deux ou trois prochaines années, il est extrêmement peu probable que nous parvenions à limiter la hausse de température à 2 °C », dit Johan Rockström, grand climatologue suédois. « Nous sommes pile à la charnière. Allons-nous perdre une nouvelle décennie ? », poursuit-il.
Il est temps d’agir
Un dirigeant d’entreprise présent au sommet, Mats Pellbäck Sharp, directeur du développement durable d’Ericsson, exprime le sentiment ambiant. « Il est temps d’agir et d’arrêter de signer des déclarations ». Le sommet de San Francisco s’est donc achevé, entre volontarisme et catastrophisme et sur des messages d’espoir et d’alarme des maires, gouverneurs et ONG venus du monde entier implorant les dirigeants mondiaux d’en faire plus dans les deux prochaines années afin de limiter le réchauffement de la planète.
« Nous n’avons jamais eu autant besoin du multilatéralisme qu’à l’heure actuelle, a lancé en clôture Patricia Espinosa, l’ancienne ministre mexicaine chapeautant les négociations climatiques aux Nations Unies. Au moment exact où nous en avons le plus besoin, l’ordre international est remis en cause. »