SANS donner suite à la note explicative de Désiré Balazire Bantu, le directeur général de Congo Airways, datée du 7 juin 2021 sur ses observations définitives en rapport avec la gestion de la compagnie aérienne nationale, l’Inspection générale des finances (IGF) a préféré s’adresser à Chérubin Okende, le ministre des Transports, des Voies de communication et du Désenclavement, pour lui demander de « sauver » les entreprises publiques du secteur. Il s’agit de la Régie des voies aériennes (RVA), la Société commerciale des transports et des ports (SCTP) et de Congo Airways. Jules Alingete Key, l’inspecteur des finances en chef, lui a présenté le plus officiellement du monde, le mardi 29 juin 2021, le rapport des enquêtes de son équipe dans les entreprises publiques sous la tutelle technique de son ministère.
« Nous avons sollicité l’implication personnelle du ministre dans les mesures à prendre pour sauver les entreprises du secteur des transports de la mauvaise gestion », a déclaré, sans état d’âme, Jules Alingete Key. Insistant sur le fait que son service veut voir un changement radical dans ce secteur considéré comme stratégique. Pour rappel, lors du Conseil des ministres du vendredi 18 juin dernier, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a demandé aux ministres sectoriels concernés par les conclusions de l’IGF de prendre des mesures conservatoires nécessaires de nature à mettre hors d’état de nuire les auteurs de la mauvaise gestion dans les entreprises publiques. Et faisant suite à cette instruction du chef de l’État, Jean-Michel Sama Lukonde, le 1ER Ministre, a donné aux membres du gouvernement des orientations « claires ».
L’IGF perd de son éclat
À la lecture, le rapport de l’IGF sur la gestion des entreprises publiques n’épargne aucune d’entre elles. Ce qui lui enlève un peu de son éclat lorsqu’on analyse la situation au cas par cas. Pour le moment, tout est suspendu à ces mesures conservatoires du gouvernement. Chez Congo Airways, agents et cadres se refusent à donner le moindre crédit au rapport de l’IGF sur leur compagnie. « Tout le monde sait d’où le management actuel a pris la société et là où il veut l’amener pour le moment », laisse entendre un agent technique. Tenez : en date du 31 mai 2021, en réponse à la lettre n°620/PR/IGF/OM 07-2021/NMM/2021 du 28 mai 2021 relative aux observations définitives de l’IGF sur le contrôle de la gestion de Congo Airways, le directeur général de la compagnie aérienne nationale fait remarquer à Jules Alingete Key que « les observations transmises ne sont pas conformes à la réalité des faits que les inspecteurs des finances ont analysés ».
« Nulle part dans le rapport de l’IGF, il a été fait mention d’un quelconque détournement du directeur général, comme des personnes malveillantes et instrumentalisées l’ont répandu dans les réseaux sociaux », fait savoir un employé de la société. Dans sa note explicative datée du 7 juin et adressée au même inspecteur général des finances, le DG de Congo Airways rappelle que « le principe universel de contrôle repose sur l’objectivité, l’indépendance et la compétence ». À cela s’ajoutent « la pertinence de l’information et la matérialité ».
Tout en se refusant d’émettre un quelconque « jugement de valeur » sur le travail des équipes de l’IGF, Désiré Balazire Bantu montre patte blanche et demande aux autorités du pays de « tirer les conséquences idoines ». Ci-dessous, il démonte, pièce par pièce, les 11 charges des inspecteurs des finances dépêchés en mission à Congo Airways retenus contre les dirigeants de cette entreprise publique. Même les partenaires sérieux de Congo Airways dont des banques internationales doutent de la pertinence du rapport de l’IGF.
La réplique de CGA
Pour les inspecteurs des finances, la mauvaise gestion de Congo Airways se résume à 7 points. Premièrement, « l’absence d’une politique de rationalisation des charges ». Réponse du berger à la bergère : « Dans une compagnie aérienne, la sécurité des vols passe avant tout quel que soit le prix à payer. À cet effet, il y a des charges directement liées à l’exploitation qu’on ne peut pas comprimer comme dans une administration publique. C’est notamment les charges liées à la maintenance des avions, les assurances des avions, le carburant jet At, le catering (restaurant à bord), la formation des équipages (pilotes, hôtesses, stewards, ATE et mécaniciens), les redevances aéroportuaires et d’autres charges opérationnelles. » Congo Airways note que « cet aspect n’a pas été couvert » par les inspecteurs des finances. Et affirmer que la compagnie n’a pas une politique de rationalisation des charges est « pure spéculation » qui dénote une ignorance. D’ailleurs, Congo Airways souligne qu’elle a commandé une étude sur la réduction de coût « cost killing » dont le rapport préliminaire est en cours d’examen.
Deuxièmement, « l’application d’un barème des rémunérations fort onéreux ». Que dire ? Congo Airways rappelle tout simplement qu’à la création de la compagnie, le gouvernement avait commandé une étude salariale auprès de SODEICO dont les conclusions avaient été adoptées par le conseil d’administration. En février 2017, suite au resserrement de la trésorerie, le même conseil d’administration avait décidé de baisser les salaires du personnel de 17 %. Ce que les inspecteurs des finances ignorent, les compagnies aériennes privées au pays payent aux pilotes des salaires plus élevés que Congo Airways.
« Il est difficile de baisser drastiquement les salaires des pilotes en particulier, sinon la société n’aura plus de pilotes et de personnel qualifiés dans le domaine de l’aviation, et ces derniers se feront embaucher par les agences de placement ou les privés, et Congo Airways payera un prix fort. Cependant, dans le rapport « cost killing », il y a une proposition de mode de paiement du personnel navigant technique (pilotes) que les actionnaires pourraient considérer le moment venu. »
Troisièmement, « la non déclaration et le non-paiement des impôts dus à l’État aggravant le risque fiscal ». C’est tout le contraire, sinon pourquoi le fisc compte-t-il Congo Airways parmi les « meilleurs élèves » concernant les déclarations et le paiement des impôts et taxes dus à l’État ? « Le gouvernement exige toujours le compte courant fiscal avant de payer ses factures d’affrètement ou celles des autres institutions de la République. Néanmoins, toute omission ou erreur font l’objet de redressement fiscal par les services compétents. »
Recettes et charges
Quatrièmement, « la mauvaise allocation des ressources financières ». Congo Airways fait remarquer que « la notion d’allocation optimale des ressources financières dépend d’un secteur d’activité à un autre ». Cependant, la compagnie aérienne est l’une des entreprises les plus complexes, les plus contraintes qu’il soit possible d’imaginer. En règle générale, « les recettes réalisées par les compagnies aériennes n’arrivent pas à couvrir les charges d’exploitation, surtout dans le contexte socio-économique de la RDC ».
Cinquièmement, « le mauvais comportement des indicateurs de gestion tels que la situation nette, le fonds de roulement, la trésorerie nette, la rentabilité économique, la solvabilité et l’autonomie financière ». Congo Airways note que l’audit de gestion d’une compagnie aérienne dans le monde est toujours couplé avec l’audit opérationnel qui requiert beaucoup d’exigences en termes de qualité et de sûreté des vols, de maintenance des avions, de conformités… pour ne pas aboutir à des résultats biaisés. « À cet effet, Congo Airways est l’un des membres de l’Association internationale des transporteurs aériens (IATA) après avoir subi plusieurs audits opérationnels rigoureux. » (Suite page suivante)