L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment révélé que la pollution a causé 7 millions de décès prématurés dans le monde en 2016. L’écrasante majorité de ces morts sont survenues dans les pays pauvres ou en voie de développement. Un quart des décès annuel dus à des maladies cardio-vasculaires, un quart aussi des morts liés à des maladies pulmonaires chroniques ou encore 16 % des cancers du poumon : tel est le lourd tribut payé par l’humanité à la pollution, selon les derniers chiffres publiés par l’OMS le 2 mai. Sept millions de personnes dans le monde ont succombé en 2016 des suites d’une affection dont la survenue a été favorisée par la mauvaise qualité de l’air respiré. Parmi elles, 4,2 millions ont connu une mort prématurée à cause de la pollution extérieure (pots d’échappement, fumées d’usine, agriculture intensive) et 3,8 millions ont souffert de la pollution à l’air intérieur, essentiellement due à l’utilisation d’équipements dangereux, comme les fours à charbon.
L’OMS insiste sur le fait que cette mortalité est similaire, quoiqu’en légère hausse, à celle constatée lors dernier bilan effectué en 2015. Mais cette stabilité est trompeuse. Elle dissimule la situation sanitaire de plus en plus préoccupante des populations qui vivent dans les pays pauvres et en voie de développement. « La pollution de l’air est un danger pour tous, mais ce sont les plus pauvres qui en paient le prix le plus élevé », a souligné le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. En effet, 90 % des décès prématurés liés à la pollution sont survenus dans ces zones.
La situation s’est particulièrement aggravée en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient et en Afrique, constate l’OMS. Une liste des villes à l’air le plus irrespirable, établie par le quotidien britannique The Guardian en 2017, illustre cette tendance. La ville de Zabol, en Iran, domine ce triste classement (à cause des tempêtes de sable), avec une concentration de 217 microgrammes de PM2,5 par m2 (mesure de particules ultrafines dans l’air), quand l’OMS recommande un niveau maximum de 10 microgrammes par m2.
Pollution à deux vitesses
Toutes les autres villes dans les 25 premières places sont chinoises, indiennes, camerounaises, saoudiennes ou encore ougandaises. Elles affichent toutes des concentrations dépassant les 100 microgrammes par m2. Par comparaison, le niveau de l’air parisien n’atteint même pas, en moyenne, les 20 microgrammes par m2. Selon l’OMS, l’inégalité face à la pollution ne fait, en outre, que croître. La prise de conscience, ces dernières années, du danger représenté par les particules fines et ultrafines a poussé les villes dans les pays dits riches à mettre en place des mesures de lutte contre la pollution, qui commencent à porter leurs fruits. Une grande majorité des villes européennes et d’Amérique du Nord ont vu la qualité de l’air s’améliorer depuis 2010.
Cependant, les pays pauvres ou en voie de développement n’ont pas les ressources pour en faire une priorité. L’OMS salue néanmoins les efforts consentis par certains de ces pays, comme l’Inde ou le Mexique, pour s’attaquer à ce problème. La ville de Mexico met ainsi en place une flotte de bus non-polluants et veut interdire la circulation aux voitures diesel d’ici 2025. La conséquence de cette pollution à deux vitesses n’est pas que sanitaire, elle est aussi économique, note l’Organisation mondiale de la santé. La mort et la maladie coûtent cher. L’amélioration de la qualité de l’air permet aux économies occidentales d’envisager un avenir où les dépenses de santé pourront être mieux maîtrisées. Les pays pauvres, quant à eux, paient un tribut économique de plus en plus lourd à la pollution. Ils font ainsi face à un dilemme cornélien : faire plaisir aux investisseurs en misant sur une croissance dopée à l’industrialisation, souvent polluante, ou tenter de limiter la pollution, quitte à afficher des taux de croissance moins flatteurs pendant un certain temps.