RIEN à faire face à un puissant voisin. Qui, un jour, déploie son armée le long de la frontière mitoyenne, le jour suivant, expulse des centaines de milliers de Congolais sans avertir au préalable Kinshasa. En tout cas, la question du passage du bateau de Muanda International Oil Company (MIOC) a été évoquée à l’Assemblée nationale. Ici, le sentiment général est que la République démocratique du Congo a opté pour un règlement par la voie diplomatique.
La RDC et l’Angola trainent un contentieux frontalier maritime depuis plus de 10 ans. Kinshasa a unilatéralement présenté à l’ONU un tracé frontalier qui a été aussitôt rejeté par Luanda. La création d’une zone d’intérêt commun (ZIC) en 2006, pour le partage de la production de l’or noir n’aura été qu’un attrape-nigaud. L’Angola s’est imposé sur le pan utile du plateau continental de la RDC et y pompe du brut.
En tout état de cause, la RDC espère améliorer le niveau de production annuelle du pétrole de 8 à 11 millions de barils/jour en 2019. La production pétrolière devrait connaître une augmentation de 10 000 à 13 000 barils/jour en 2019 suite aux travaux de forage de nouveaux puits en on-shore menés par le groupe PERENCO, dans le bassin côtier, à Muanda.
Aussi, le renouvellement de la concession maritime offshore accordé à PERENCO, devra entraîner, espère l’État, à la hausse le niveau de production de 16 000 à 17 000 barils/jour. Côté recettes, les prévisions de l’État les chiffrent à 429,46 milliards de nos francs, dont 161.17 milliards pour la Direction générale des impôts (DGI), et 268.29 milliards pour la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD).
Pétrole du Tanganyika
Les recettes perçues par la DGRAD sont en effet constituées des marges distribuables, des royalties encadrées par le ministère des Hydrocarbures pour un montant estimé à 225.74 milliards de francs et des dividendes on-shore et des participations offshore encadrées par le ministère du Portefeuille pour un montant prévisionnel de 42.45 milliards de francs.
Par ailleurs, le protocole d’accord pour la coopération sur la promotion de l’exploration et de l’exploitation des gisements transfrontaliers conclu entre la RDC et la Tanzanie expire le 11 octobre 2019. À ce jour, la RDC n’a pas encore versé un seul rond pour la mise en exécution dudit protocole.
Les gouvernements congolais et tanzanien avaient, en effet, prévu de réunir des fonds en vue de procéder notamment à de nouvelles données sismiques. Convenu le 3 octobre 2016, la Tanzanie est déjà prête à donner sa part et attend ainsi le même geste de la part de la RDC pour mettre en pratique ce protocole, a fait comprendre le ministère des Hydrocarbures à la commission Ecofin de l’Assemblée nationale. Le gouvernement a prévu dans le budget 2019 environ 56 milliards de nos francs, soit un peu plus de 32 millions de dollars , pour non seulement mener des opérations de certification des réserves gazière et pétrolière mais aussi pour l’acquisition des équipements informatiques et la construction d’une nouvelle raffinerie moderne et d’un bâtiment pour l’administration des Hydrocarbures. Quelque 22.5 milliards de francs ont été prévus pour ces différents projets au cours de l’exercice 2018, mais à fin octobre, la certification des réserves n’avait toujours pas commencé, encore moins les missions d’exploration des bassins sédimentaires pourtant reprises dans le budget de fonctionnement du ministère des Hydrocarbures qui se chiffre à plus de 3.2 milliards de francs. Pour 2019, cette rubrique a été créditée de 4 milliards.
L’argent, le nerf du pétrole
De l’avis des experts, ces prévisions des dépenses sont insignifiantes pour mener avec efficience les missions d’exploration et de certification des réserves pétrolières et gazières. Lors de la première conférence internationale sur le potentiel en hydrocarbures du lac Tanganyika, mi-février 2017, à Kalemie, chef-lieu de la province du Tanganyika, des experts avaient conclu qu’il existait des indices suffisants de l’existence du pétrole.
Le ministre des Hydrocarbures de la RDC a même avancé le chiffre d’une vingtaine de blocs pétroliers à explorer pour l’ensemble du Graben Tanganyika. Et Aimé Ngoie Mukena de souligner : « Moi, j’ai déjà coupé onze blocs dans le Graben Tanganyika. Les Zambiens en ont trois, les Burundais je ne sais pas deux ou trois, les Tanzaniens en ont deux ». Donc, la RDC devrait avoir 3 ou 4 blocs. Mais 20 mois plus tard, il se rapporte que la RDC aurait cédé ses intérêts à des particuliers, juste comme dans le Graben albertine.
Ici, les blocs I et II du Graben déjà confiés à la société Oil of DRC, filiale du groupe Fleurette, appartenant à Dan Getler, l’homme d’affaires israélien. Ce dernier est sous le coup des sanctions du Département du Trésor américain depuis décembre 2017, selon « Lettre Afrique Énergies ».
De spéculation en spéculation
L’entreprise pétrolière Oil of DRC soutient avoir investi 80 millions de dollars et compte exploiter les blocs I et II du lac Albert. Les études sismiques ont déjà été réalisées mais les activités n’ont pas encore démarré. L’un des responsables de cette société indiquait, en 2015, que l’étape de forage était imminente. Oil of DRC dit disposer d’une réserve de 3 milliards de barils de pétrole. Une réserve qui pourrait être de même ampleur du côté ougandais du lac Albert, où, grâce à Total, l’exportation du brut devrait commencer à moyen terme après la construction d’un pipe-line débouchant sur l’océan Indien.
Côté RDC, le résultat des tests sismiques, qui ont coûté « plus de 20 millions de dollars », selon Oil of DRC, « montrent des ressources potentielles considérables qui peuvent augmenter fondamentalement (…) le PIB de la RDC si elles sont extraites et exportées de façon sûre et économique », se félicitait-on à Oil of DRC. Rien n’est venu jusque-là.
Et voilà que ça spécule derechef que la RDC envisagerait de construire une unité de transformation de cobalt chez le voisin tanzanien car l’énergie électrique ferait défaut dans l’ex-Katanga pour la réalisation de ce projet at home. Il revient naturellement à l’État de rassurer l’opinion en levant les équivoques sur toutes ces affaires.
En tout cas, la Tanzanie pourrait ne plus attendre que la RDC remplisse sa part de charge à moins d’une année de l’extinction du protocole du 3 octobre 2016. La Tanzanie, on le sait, a officiellement sollicité une assistance technique de son voisin ougandais en vue de démarrer les opérations de prospection dans le bassin d’Eyasi Wembere (centre du pays) ainsi que les opérations de forage dans le lac du Tanganyika.
Pourtant, l’Ouganda n’est pas un État riverain du Tanganyika. Ce lac réunit, en effet, quatre pays, à savoir le Burundi, la RDC, la Zambie et la Tanzanie. Le Lac Tanganyika a fait l’objet de nombreuses recherches d’hydrocarbures lancées par plusieurs compagnies, universités et organismes. D’autant que dans certaines parties de son bassin ou dans le lac lui-même, des suintements de pétrole sont visibles et dans la partie congolaise, ceux-ci ont une dimension impressionnante, faisant d’eux les suintements les plus grands au monde.
Du côté tanzanien, les recherches sont les plus avancées et laissent entrevoir l’existence de réserves pétrolières importantes. Le Burundi s’est aussi lancé dans cette recherche et a déjà octroyé des licences de prospection, la RDC et la Zambie sont un peu en arrière.