Matières premières. Pétrole : en réponse aux sanctions occidentales, Moscou va réduire sa production

La Russie a annoncé, le vendredi 10 février 2023, une baisse, en mars, de sa production de pétrole brut de 500 000 barils par jour, soit environ 5 %. Une mesure en réponse au second embargo européen et au plafonnement des prix des produits pétroliers raffinés russes entrés en vigueur le 5 février.

La décision de Moscou n’est pas que volontaire, elle est forcée par le marché.

CET ajustement a évidemment suscité une réaction haussière sur les prix du brut.  Ces derniers ont terminé, à la clôture de la semaine dernière, en nette hausse puisque le Brent a progressé de plus de 7 % à 86 dollars. Du côté de la référence américaine, le WTI s’est échangé à 79,80 dollars le baril. Le séisme qui a frappé la Turquie et le nord de la Syrie, a provoqué des perturbations sur les flux de pétrole en provenance d’Irak mais aussi de l’Azerbaïdjan. États-Unis, les stocks hebdomadaires continuent à croître, mais cette progression est pour le moment reléguée au second plan.

À la crainte de voir le brut manquer est venue s’ajouter la limitation de la production de 2 millions de barils par jour de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses partenaires (OPEP+), qui associe la Russie à l’Arabie saoudite et à des dizaines d’autres producteurs. À l’origine de cette décision de Moscou : les sanctions occidentales. La Russie est déjà frappée depuis décembre 2022 par la mise en place d’un embargo et un prix plafond sur son pétrole brut. Une mesure qui a donc été élargie depuis le 5 février 2023 aux produits raffinés. 

Les effets de l’embargo

Dans les faits, les cargaisons de kérosène, essence, bitume, fioul ou encore de diesel ne pourront plus rentrer dans l’espace européen. L’Union européenne ainsi que le G7 et l’Australie ont également introduit une mesure de plafonnement des prix fixé à 45 euros le baril pour des produits peu raffinés comme le mazout, et un autre de 100 dollars le baril pour des produits plus chers comme le gazole.

En réponse aux sanctions imposées par les Occidentaux, Moscou a déjà interdit depuis le début du mois de février la vente de son pétrole aux pays utilisant le prix plafond. Le premier embargo imposé par les Vingt-sept sur le pétrole brut a d’ores et déjà eu des conséquences sur l’économie de la Russie. Les revenus que tirent le pays de ses ventes de pétrole et de gaz ont plongé en janvier, de 46 %, selon les données officielles du ministère russe des Finances. Ils avaient déjà chuté en décembre2022. 

En effet, selon les économistes du KSE Institute, un think tank basé à Kiev, la Russie a réalisé en décembre dernier 2,1 Mds de dollars de revenus pétroliers en moins par rapport à la moyenne des revenus mensuels de 2021. « Nous anticipons un effondrement des revenus du pétrole et du gaz en 2023, ce qui va rendre la Russie vulnérable », estiment-ils. Ils soulignent par ailleurs que d’ores et déjà « le différentiel entre le Brent et l’Ural est passé de 20-30 dollars par baril à 35 dollars en décembre ». Avec cette décote que la Russie accorde à ses nouveaux clients, la Chine, l’Inde et la Turquie, le pays a perdu l’équivalent de 50 Mds de dollars en 2022.

Malgré l’affirmation de Moscou d’une « décision unilatéralenous estimons que la décision n’est pas complètement volontaire et que des facteurs de marché forcent la main de la Russie », qui peine à trouver des acheteurs, indique Giovanni Staunovo, analyste chez UBS. Selon lui, cette baisse de l’offre, alors même que la demande pourrait grimper avec la réouverture de la Chine, pourrait faire grimper les prix de l’or noir plus durablement. 

L’aluminium et l’or à la peine

BEF

Le London Metal Exchange (LME) a fait état d’une augmentation de ses stocks d’aluminium et de zinc au sein de ses entrepôts en Asie. Au niveau des prix, l’aluminium se négocie autour de 2 425 dollars, soit une baisse au fil de la semaine dernière, à cause d’une surabondance de l’offre venue de Russie. Le cours de l’aluminium a reculé le vendredi 10 février 2023 à 2 432,50 dollars la tonne, un plus bas depuis un mois. Pourtant, le métal avait commencé l’année en forte hausse, soutenu par la perspective d’une demande chinoise élevée avec la fin des mesures de confinement…

Quant à l’or, son cours fait du surplace à 1 867 dollars, mais l’année 2023 commence à merveille. Le rapport annuel 2022 du World Gold Council, publié fin janvier 2023, annonce une année record pour la demande mondiale d’or. En effet, la demande totale de métal jaune dépasse 4 700 tonnes en 2022, un plus haut de 10 ans. La demande joaillère résiste remarquablement à 2 086 tonnes, et retrouve presque ses niveaux pré-Covid, malgré une demande chinoise en berne et des pressions sur les budgets des consommateurs en raison de l’inflation. Les banques centrales ont acheté 1 135 tonnes d’or, un plus haut historique depuis 1967. En 2022, la Chine a repris ses achats officiels d’or. La demande industrielle s’affiche en repli en raison d’une baisse de la demande électronique, elle-même impactée par le ralentissement économique général.

S’agissant de l’offre, la production minière (3 612 tonnes) a augmenté de 1 % et reste en dessous du plus haut de 2018, tandis que le recyclage (1 144 tonnes) est 30 % en dessous des records de 2012, malgré des prix élevés. Dans une note de recherche publiée fin janvier 2023, trois chercheurs du Fonds monétaire international (FMI) se sont intéressés aux raisons pour lesquelles les banques centrales augmentaient leur réserve d’or. 

Premier constat, peu surprenant : tous les pays, développés ou émergents, ont tendance à augmenter leurs réserves d’or lorsque le risque géopolitique et/ou l’incertitude économique augmentent. Les chercheurs du FMI ont également constaté que les acheteurs actifs sont tous des pays émergents et que le risque de sanction (avéré ou perçu) est un facteur explicatif statistiquement significatif. Ainsi, lorsque l’on recense les plus gros achats d’or depuis 1999, la moitié a été faite par des pays sous sanction la même année ou les deux précédentes.

Par ailleurs, à propos de la demande de cuivre, la tendance à la hausse (à plus de 8 950 dollars la tonne) pourrait se poursuivre mais rester cyclique en fonction de la macroéconomie. Le cuivre s’enflamme du fait de la réouverture de la Chine… 

Ce pays consomme plus de la moitié du cuivre raffiné mondial, sa demande ayant été multipliée par huit au cours des quatre dernières décennies. L’activité manufacturière chinoise est donc inévitablement un moteur clé des prix du cuivre. 

L’activité manufacturière chinoise s’est contractée d’août à décembre 2022, comme le montre l’indice des directeurs d’achat de l’industrie manufacturière. En janvier 2023, bien que l’indice soit resté en contraction à 49,2, il devrait se redresser dans les mois à venir si la levée des mesures de confinement se poursuit.

La Chine constitue également un acteur essentiel de la demande verte de cuivre. Les subventions chinoises accordées aux fabricants de véhicules électriques ont donné naissance à un secteur en plein essor, au point que BYD livre aujourd’hui une concurrence féroce à Tesla pour les parts de marché dans le monde. Bien que les subventions accordées aux producteurs prennent fin cette année, les exonérations fiscales accordées aux acheteurs resteront en place jusqu’en 2023. Cette évolution sera en outre soutenue par le déploiement des infrastructures de recharge, un élément clé du 14e plan quinquennal de la Chine publié en décembre 2022.