Minerais : la RDC ne tire guère profit de l’embellie des cours mondiaux

Malgré ses importantes ressources, le pays est classé parmi les moins attractifs dans le secteur des industries extractives, selon l’Institut Fraser. Pourtant, les finances publiques dépendent fortement de l’exportation des minerais. Avec la baisse des exportations à plus de 60 % en 2020, il y a lieu de s’interroger sur l’avenir face aux effets néfastes de Covid-19.

LES MEMBRES du comité de conjoncture économique du gouvernement, réunis autour de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre sortant, le mercredi 24 mars 2021, ont noté que la relance de l’économie mondiale reste plombée par les effets de la pandémie de Covid-19. Néanmoins, il s’observe une hausse des prix des matières premières. Les prix des principaux produits miniers d’exportation de la RDC ont rebondi : le cuivre est à 9 053,2 dollars la tonne métrique, le cobalt est à 52 760 la tonne, le zinc à 2 802 dollars, l’étain à 27 821, l’or à 1 728,55 l’once, etc. 

Ces prix permettent à notre économie de se renforcer et résister. Une embellie qui permet au Trésor public de souffler un peu. Par conséquent, le marché des changes demeure stable (1 980,5 FC/2 015,3 FC pour 1 dollar), grâce au respect du pacte de stabilité monétaire conclu par les ministères des Finances et du Budget avec la Banque centrale du Congo. 

Certes, la gestion des ressources naturelles n’est plus aujourd’hui l’affaire de l’État seul puisqu’elles sont souvent considérées du point de vue de leur valeur économique. Aujourd’hui, la préoccupation est de les utiliser de manière à ne pas réduire dangereusement leur réserve et veiller à l’équilibre entre les différentes ressources et différents organismes dans l’environnement. 

Demande croissante

D’aucuns pensent que les prix qui flambent, donnent matière à réflexion au gouvernement, sans tomber dans le piège de la surexploitation des ressources naturelles. La RDC produit et exporte les minerais dans quatre filières. Dans filière, depuis la réforme de 2002, la production est passée de 20 000 tonnes à plus d’1 million de tonnes. Malgré la baisse de production de 2008 et le ralentissement de 2015 dû à la baisse des cours mondiaux, la tendance est haussière. La projection est de 2 millions de tonnes d’ici 2030 si le problème énergétique et du coût de transport des minerais est surmonté.  

La demande de produits miniers connaît une nette croissance grâce au dynamisme et à la croissance des pays émergents. La hausse des prix des métaux et la réforme du code minier devraient permettre à l’État de tirer le maximum de profit pour le développement du pays. Le cas du cuivre et du lithium est un bel exemple. Les prix du lithium continuent de flamber, tirés vers le haut par les ventes de voitures électriques. La tonne de carbonate de lithium en Chine a progressé de 130 % depuis novembre 2020, passant de 6 000 dollars à environ 12 300 dollars. Même tendance pour le cobalt dont la tonne est à plus de 52 000 depuis janvier 2021.

Le lithium de Manono (Tanganyika) attire un nouvel acheteur chinois. En avril dernier, AVZ Minerals a bouclé l’étude de faisabilité définitive du projet. La fabrication des batteries pour véhicules électriques accroît l’intérêt des acheteurs, principalement en Chine. AVZ Minerals, propriétaire de l’actif, a conclu début mars un accord avec le groupe chinois Shenzhen Chengxin Lithium, l’un des principaux producteurs mondiaux d’hydroxyde et de carbonate de lithium. Chengxin s’engage à acheter chaque année et sur une période initiale de trois ans jusqu’à 180 000 tonnes de concentré de spodumène. AVZ Minerals a déjà trouvé des acheteurs pour plus de 50 % de la production commercialisable. Elle compte poursuivre sur cette lancée avec de nouveaux accords pour le lithium mais aussi pour le tantale et l’étain.

La RDC peut également exploiter la bauxite dans le Kongo-Central ; le charbon au Katanga et dans le Bandundu ; le colombo tantalite (coltan) dans le Kivu, le Maniema et le Katanga ; le diamant au Kasaï, dans le Bandundu, à l’Équateur et dans l’ex-province Orientale. Elle peut aussi exploiter l’étain (Katanga, Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema) ; le fer (Kasaï, ex-province Orientale, Katanga) ; le gaz méthane (Kivu) ; le manganèse (Katanga, Kongo-Central) ; le pétrole (Kongo-Central, Équateur, Bandundu, Ituri et lac Tanganyika) ; les schistes bitumeux (Kongo-Central) ; etc.

Intelligence économique

Le code minier révisé de 2018 introduit des nouveaux principes et modifie ceux qui existaient déjà, créant ainsi la nécessité de bien les mettre en évidence et de les contextualiser pour en améliorant la compréhension. Le constat aujourd’hui est que la certification des réserves n’est pas le fort de la RDC. Les réserves certifiées constituent en elles-mêmes des ressources financières, soutiennent des experts. Elles peuvent servir de garantie souveraine pour permettre à l’État de lever des fonds pour le développement du pays. Parmi les recommandations : orienter l’exploration pour cerner les réserves et définir une politique susceptible de créer les richesses. 

Autre constat : l’État est absent de l’exploitation des minerais stratégique. Ce sont les multinationales qui exploitent les minerais de la RDC selon « le principe sacro-saint de la raison du plus fort est toujours la meilleur » au détriment de l’intérêt de la population. L’État est-il vraiment incapable d’investir dans l’exploitation des minerais ? Par exemple, combien coûterait une unité de production de l’étain ? Quelque 160 millions de dollars ! La somme mise en jeu par Alpha Mines pour développer son projet d’étain en RDC.

D’aucuns pensent que c’est question de vision politique. Les dirigeants du pays se sont installés dans la culture de la cueillette et non de production dans tous les domaines. Du coup, il se pose un problème d’intelligence économique, singulièrement en économie minière.  La RDC a réduit sa politique minière à la simple législation qui est un pilier important certes. Mais un pays minier qui ne produit pas, ne peut pas faire du profit et envisager de créer la richesse susceptible d’impulser d’autres secteurs. Aujourd’hui, avec 32 millions de dollars, on peut lever 160 millions de dollars remboursables sur 15 ans sans compter le délai de grâce d’environ 2 ans sur les marchés financiers internationaux. Est-ce que la RDC n’est pas en capacité de lever de l’argent sur les marchés financiers pour relancer ses sociétés minières ? 

Des experts pensent que le contrôle des ressources minières dans un environnement mondial exposé à des réalités stratégiques et géostratégiques devient une affaire d’État. Sinon, ce sont les autres qui décideront de ce que nous devons faire de nos ressources naturelles. 

Les ressources de la RDC attirent la convoitise internationale. Il faudrait en prendre conscience pour développer des politiques en fonction de l’environnement international en diversifiant les filières. L’un des défis, c’est de faire montre d’un État sérieux pour être respecté par les autres. Sinon, ce sont les ressources naturelles de la RDC qui vont faire prospérer les économies des autres pays, comme à l’époque de la colonisation avec la Belgique.