MK Étanchéité rafle tous les marchés de construction des stades dans l’ex-Bandundu

Stratégies électoralistes ou réelle volonté de promouvoir le foot ? Le gouvernement a relancé le projet des stades municipaux, cette fois-ci dans l’arrière-pays. 

FIZI, territoire ethnicisé de l’Est de la RDC, dans le Sud-Kivu ; Lodja, principale agglomération du Sankuru où se concentre le gros des 10 millions d’électeurs dont l’empreinte digitale pose problème ou encore les grandes agglomérations de l’ex-Bandundu, Idiofa et Kenge auront un stade. Au regard de son poids électoral, le Grand Bandundu passe pour un Swing State, fait remarquer Tryphon Kin-kiey Mulumba, journaliste candidat à la présidentielle. 

Ici, la boucle a été bouclée, tous les marchés de construction des stades et complexes connexes ont été confiés à une seule entreprise, appartenant à un fils de la province. Le gouvernement s’est, en effet, engagé à verser une bagatelle somme de 23 472 760 448,18 FC à l’entreprise MK Étanchéité pour la construction des stades de Kikwit et d’Idiofa ainsi que des deux écoles de formation à Bandundu-ville et à Bulungu. 

La société appartient à M. Max Moke, l’administrateur du stade Tata Raphaël de la Kethulle. Les correspondances datées du 15 août 2018, adjugeant les marchés précités à MK Étanchéité portent l’en-tête du ministère provincial du Budget de Kwilu alors qu’il y est mentionné que c’est le ministre provincial du Sport qui a attribué ces différents marchés. 

Le ministère provincial du Budget ou du Sport, c’est selon, n’a donné aucune indication spécifique sur les futurs stades, ni sur la superficie, ni sur le nombre des places, ni encore sur les pièces annexes, etc. Le seul projet de construction de stade portant tous les détails sur sa configuration est celui de Kenge. La deuxième ville du Grand Bandundu devrait disposer d’un stade de 1 200 places, autrement juste 6 rangées de 200 chaises en plastique. 

En fait, c’est Barthélemy Okito, le secrétaire général au ministère des Sports, qui l’a annoncé, à travers un appel d’offre, qu’un stade de foot sera construit à Kenge, principale ville – hormis Bandunduville – de la province de Bandundu. Le gouvernement a mis à disposition de ce projet « des fonds nécessaires », rassure Okito qui s’abstient cependant d’avancer le moindre chiffre dans son avis d’appel d’offre qui doit rester national, donc ne peut y soumissionner que des entreprises locales.  

Selon de la description de la maquette présentée par Barthélemy Okito, le futur stade de Kenge comprendra, outre l’aire de jeu répondant aux normes de la Confédération africaine de football (CAF), des bureaux administratifs dans le sous-sol, deux blocs sanitaires, un parking et naturellement un gradin avec vestiaire. Mais pour autant, le stade n’aura qu’une capacité de 1 200 places assises. Par ailleurs, MK Étanchéité n’a aucune expérience dans la construction des stades, rapportent des observateurs. 

Secret d’État au Sankuru

Dans la province du Sankuru, le gouvernement a mis en place « un financement d’urgence », lit-on dans une note transmise par le gouvernorat de Sankuru au régulateur de marchés publics, pour les travaux de construction à Lodja du stadium mixte dénommé P. E. Lumumba, d’une capacité de 20 000 places assises.

Mais hélas, la note ne comprend aucun mot sur le coût des travaux. Aucun mot non plus sur le nom de l’entreprise qui se chargera de la construction du stade Lumumba. Il reviendra, a-t-on appris, à cette dernière de proposer le coût, le délai et le plan de construction du stade. 

Et le gouvernement tient au respect des normes de la FIFA, Fédération internationale de football association. Il s’agit notamment de la pose de la pelouse synthétique sur une aire de 110 m sur 75 m et l’installation des poteaux de type olympique… un seul et unique niveau de gradins avec des vestiaires et les bureaux au sous-sol. Autres travaux connexes, des cabines pour les médias, un parking, plusieurs blocs sanitaires, le raccordement en eau, électricité et la sonorisation.

Avec le futur stadium Lumumba, la RDC alignera plus de six stades aux normes internationales : stades des Martyrs, ex-Kamanyola et Tata Raphaël, ex-20 mai à Kinshasa ; les stades de la Kenya et Mazembe à Lubumbashi dans le Haut-Katanga et le stade Joseph Kabila à Kindu, dans le Maniema. Sans oublier le tout récent stade Kashala Bonzola de Mbuji-Mayi au Kasai-Oriental. 

Le pays pourrait dès lors honorablement prétendre organiser des compétitions continentales comme le Championnat africain des Nations (CHAN) ou encore la Coupe d’Afrique des nations des moins de 23 ans, s’est félicité Zéphyrin Kanyinda, chargé de foot des jeunes au sein de la FECOFA, Fédération congolaise de football association. 

Pépinière

Et face à ceux qui dans les milieux sportifs kinois critiquent le choix de Lodja car le football ne serait pas assez développé, la presse sportive locale rappelle que Lodja a pourtant donné au foot kinois des athlètes de renom à une certaine période. L’on se souviendra, par exemple, d’un certain Okitakatshi, dit « Mimi orange », sociétaire de Mabuilu, avant de rejoindre le DCMP, qui faisait trembler les défenses de « grands » clubs du pays. Mais il y eût déjà avant lui un capitaine de la sélection nationale de football à l’époque coloniale du nom de Lokombe. Il fit la campagne belge aux côtés des célébrités comme Mukuna « Trouet » ou encore Bonga-Bonga Paul qui devint sociétaire du Standard de Liège.

Jusqu’à il y a peu, Lodja organisait tant bien que mal un championnat plus ou moins scolaire de quelques clubs, dont Vita Club de Lodja et Babeti ya Lodja, les plus en vue. Il y a encore quelques semaines, Lomela, territoire situé à quelque 200 km de la ville de Lodja, a connu un drame lié au foot, témoignant d’une certaine ferveur des jeunes pour le ballon rond. Une dispute autour d’un ballon de football avait, en effet, dégénéré et provoqué morts d’hommes.

Il sied de noter également que, sur instruction du gouvernement, le Bureau central de coordination (BCECO), construit avec un budget initial de 2.5 millions de FC, un stade municipal à Baraka, dans le Fizi, une région montagnarde du Sud-Kivu connue plus pour des conflagrations armées. Les marchés publics absorbent plus de 60 % des dépenses publiques en RDC.

Marchés des tricheurs

Hélas, selon les récents rapports d’audits des marchés publics en RDC, dont ceux réalisés par le cabinet d’audit sénégalais Business System Consult Group et congolais BEC ont confirmé les critiques émises par la Banque mondiale sur la maffia caractéristique du système des passations des marchés publics en RDC. Seuls 20 %, dans les meilleurs des cas, des sommes engagées pour un marché, sont effectivement engagées dans les travaux. « En plus de causes liées au dysfonctionnement du système budgétaire, le faible taux d’exécution des marchés publics est aussi dû à des problèmes du processus de passation des marchés », note la Banque mondiale. 

Entre 2008 et 2012, que du gâchis !, résumerait-on le rapport de la Banque mondiale. « Même lorsque les fonds sont disponibles et alloués, le taux d’exécution des programmes reste faible… et reflète en grande partie des déficiences du processus de passation des marchés », poursuit le rapport de la Banque mondiale. Qui poursuit que bon nombre de contrats ont été à l’arrêt pendant de longues périodes, et finalement résiliés puis réadjugés avec à la clé un gaspillage important des ressources. Le cabinet sénégalais va plus en profondeur en citant nommément entreprises et institutions politiques dont des ministères qui sont totalement trempés dans des chinoiseries de bric et de broc pour maquiller la corruption dans les passations des marchés publics.