POUR MESURER à quel point le Mondial est conçu comme la « machine à cash » de la FIFA, il suffit de se pencher sur le petit « business » réalisé autour de son trophée. Partenariat avec la marque de luxe Louis Vuitton, chargée de concevoir une malle sur mesure pour ses voyages, une cinquantaine de « salariés » à son service, et même un « naming »… La Coupe du Monde est devenue au fil des années, du haut de ses 38 cm et un peu plus de six kilos d’or massif, une multinationale à elle seule ! Exemple avec son « Coca-Cola Trophy Tour », sa tournée aux quatre coins du globe avant le début de la compétition.
De janvier à fin avril, la célèbre statuette a visité 51 pays répartis sur les six continents à la rencontre des fans qui n’ont pas forcément eu la chance d’aller en Russie… dans un avion aux couleurs du géant américain. L’intérêt pour Coca-Cola ? Outre la possibilité de toucher plus de 330 000 supporters, tout heureux d’approcher de plus près le mythique trophée et ses ambassadeurs de choix, l’idée est d’associer encore plus fortement sa marque avec le plus grand tournoi sportif de la planète. « Ce n’est pas une chose simple mais quand les gens regardent du football, nous voulons d’eux qu’ils relient cela à ce que nous avons fait avant. En organisant ce type d’événement magnifique, ils vont penser à nos marques durant la Coupe du monde », avait expliqué à l’AFP Jan Schetters, responsable global des activités football de Coca-Cola. « C’est dur de le quantifier en terme de ventes additionnelles mais quand on amène cet enthousiasme aux gens, c’est une manière de les mettre dans le bain de la Coupe du monde », a-t-il ajouté, espérant que sur cette lancée, « le plus grand nombre de personnes puissent acheter nos produits » aussi et surtout « pendant » le tournoi.
Les chiffres de la FIFA
Fabricants de télévision, constructeurs automobiles, banques, ou encore compagnies aériennes, tous ont espéré doper leurs résultats commerciaux en surfant sur les audiences hors-norme d’une compétition retransmise dans plus de 200 pays. Selon les chiffres de la FIFA et de l’agence KantarSport, plus d’un milliard de supporters ont regardé la finale du Mondial 2014, édition qui aura attiré 3,2 milliards de téléspectateurs au total. À titre de comparaison, le florissant « Super Bowl » américain n’avait réuni que 111 millions de personnes la même année…
« C’est une plateforme extraordinaire de visibilité », a reconnu auprès de l’AFP Sylvain Bouchès, directeur marketing d’Adidas France, l’un des sponsors officiels de la compétition. « On va mettre en place une campagne publicitaire qui va vanter nos produits et notre créativité et être déployée en digital, en TV, et en magasin ».
Selon une étude du cabinet NPD Group, l’édition 2018 devrait contribuer à faire croître de 1 % l’ensemble du marché du sport, soit une contribution de l’ordre de plus de 560 millions d’euros sur l’ensemble des cinq plus gros pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Espagne).
Pour les clubs, autres acteurs à compter sur « l’effet Mondial », voir l’un de ses joueurs se mettre en valeur avec son équipe nationale dans un tournoi aussi observé peut vite devenir l’assurance d’une plus-value à venir sur le marché des transferts. Après la remarquable prestation de James Rodriguez (Colombie), révélation du Mondial 2014, Monaco a par exemple reçu 80 millions d’euros de la part du Real Madrid pour lâcher sa pépite. Presque le double de la somme investie, un an plus tôt !
En 2014, quelque 13 090 joueurs avaient été transférés dans le monde pour une somme globale de 4,1 milliards de dollars, selon la FIFA. Trois ans plus tard, les clubs ont réalisé un total de 15 624 transactions (+16,2 %) pour un montant record de 6,37 milliards de dollars, soit une croissance de plus de 35 %. Colossal. Le mercato est un marché « extrêmement porteur », a dit Loïc Ravenel, chercheur au Centre international d’étude du sport (CIES). « C’est un secteur dans lequel les investisseurs sentent qu’ils peuvent faire du business ».
D’autant plus que l’Europe et ses cinq championnats majeurs n’ont désormais plus le monopole d’achat de talents, avec notamment la montée en puissance de la Chine: « C’est un sport qui finit son processus de mondialisation, qui intéresse maintenant en Asie, l’Amérique du Nord s’y met aussi », soulignait-il. Le « foot-business » n’a pas fini de conquérir de nouvelles frontières.