Entre fiction et réalité, la différence n’est pas bien grande pour le réalisateur congolais Kadima Ngulungu. Il brave, à travers un récit basé sur des conflits intimes, certains tabous ancrés dans la société.
Mosinzo est un drame découvert par le public pour la première fois lors de la deuxième édition du Festival international de cinéma de Kinshasa (FICKIN), fin juillet. Le film, qui était en compétition, raconte à partir d’un interrogatoire de deux présumés suspects, une situation tragique qui entraîne la mort d’un homme. L’histoire se passe entre deux amis, Nvanmuer, interprété par Kadima Ngulungu et Fabrice Massamba Kalonji (figurant dans le film « Rebelle » du Canadien Kim Nguyen). Nvanmuer surprend Massamba, son meilleur ami qu’il considère comme son frère, en pleins ébats avec sa promise Bisa. Déçu et meurtri, il décide de se venger à tout prix. Pour y arriver, il invite chez lui Lembe, la petite amie de Massamba et la convainc de coucher avec lui, tout en s’arrangeant pour que Massamba les surprenne. Entre les deux amis, les relations deviennent tendues. Plusieurs sentiments se mêlent: haine, colère, vengeance… À travers une mise en scène crue et une narration déstructurée, le réalisateur arrive à restituer l’essentiel d’un film qui lui a pris une année de travail.
Toute une histoire
« En 2011, un an après le tournage d’une vidéo dans le cadre de mes études, Luyindula Matadi, un condisciple, me recontacte avec un projet de scénario basé sur des interrogatoires de prisonniers que l’on transfère à la prison de Makala», explique Kadima Ngulungu. « L’idée était superbe. Nous avons alors commencé à fignoler la réécriture du texte. Neuf mois après, c’était un scénario qui touchait aux réalités de la vie sociale. Une situation susceptible de créer des ennuis dans les relations de couples ou amicales. » Pour réaliser le film, Kadima affirme avoir travaillé comme si c’était le dernier de sa carrière. « Je le visualisais tous les jours ». La détermination du jeune réalisateur pour sa première œuvre est inébranlable : « Je m’étais fixé un défi. Je savais évidemment que je n’atteindrais pas le niveau des réalisateurs qui ont fait carrière. Mais mon envie était de faire mieux du point de vue scénario, technique et distribution des rôles ».
Dépasser les tabous pour ne pas trahir l’histoire
Le réalisateur montre des scènes de sexe osées. Face aux critiques lors de la diffusion du film, centrées sur la mise en scène, Kadima Ngulungu réagit modestement. « Ces scènes font partie de la vie. C’est du cinéma. Moi je considère toujours le cinéma comme l’art de raconter notre vécu quotidien. Tous, nous savons ce qui passe dans un couple. C’est mon travail. Et pour que ce soit vraisemblable, j’ai voulu le démontrer dans ce film. »
Savoir appréhender les choses
Ces scènes, selon le réalisateur, « sont importantes pour que les gens comprennent le film. Les spectateurs africains doivent appréhender différemment les choses, dépasser l’étape où tout est tabou parce qu’un tel le considère ainsi. Le sexe ne devrait pas être un tabou. Un réalisateur travaille toujours en tenant compte d’une mise en scène qui ne trahit pas le film ».
Tourné à Kinshasa, produit par Tosala Films, le film est sorti en décembre 2014. C’est devant un public restreint composé de l’équipe de tournage, de quelques réalisateurs et de la presse qu’il a été projeté à l’hôtel Palm Beach. Les critiques portaient sur l’aspect technique du film : son et couleur.